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«Tifi» à Bouira : peinture de mœurs d’une autre époque

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Vivement applaudie par une salle presque pleine, Tifi, la pièce jouée avant-hier, à la maison de la culture, par la troupe théâtrale de Tizi Ouzou, a remporté un franc succès. Et pour finir, lorsque les acteurs, le rideau tombé, étaient venus s’incliner devant le public pour le remercier de l’accueil chaleureux qu’il leur a réservé, celui-ci était déjà debout et les ovationnait. À quoi a tenu donc ce grand succès ? En ce que cette représentation renouvelle une thématique chère au public : l’amour, l’amitié, la fidélité et le courage. Mais, s’agissant d’une pièce dramatique, l’auteur, en l’occurrence Lyès Morane de Larbaâ Nathiratène (Tizi Ouzou) a été obligé de jouer sur deux autres sentiments essentiels pour faire progresser l’action vers la fin. Il a su démonter habilement les mécanismes qui composent la psychologie humaine et exploiter à bon escient la jalousie et sa soeur la haine. Résultat, on croit assister à une pièce de Racine. Et de fait, Tifi (c’est le titre de la pièce) fait penser à Iphigénie. Comme elle, l’héroïne de cette pièce classique, la jeune fille est rayonnante de beauté et de grâce ; comme elle encore, elle est offerte en sacrifice au dieu de la pluie, Anzar. (Dans Iphigénie, c’est pour obtenir le vent et permettre aux bateaux de guerre encalminés dans le port de partir vers Troie pour la détruire et en ramener Hélène enlevée par Paris.
Enfin, comme une pièce classique, Tifi contient un chœur, et ce chœur, composé de filles et de garçons, chante et prie pour apitoyer Anzar sur leur village où la soif sévit cruellement depuis des mois. Mais le dieu restant sourd aux prières, réclame une offrande humaine, donc la plus belle fille du village. Tifi, en raison de ses attraits qui lui valent l’animosité des femmes du village, jalouses jusqu’à la haïr et l’excommunier, Tifi, orpheline de surcroît, est une proie toute désignée. On va la chercher dans la tente où elle vit à l’écart, on l’amène au milieu du village et on la lapide. Mais parmi les hommes, il y en a un qui aime Tifi, non pour ses terres qui sont nombreuses et riches, mais pour elle-même.
Il se met en devoir de protéger sa belle et reçoit les pierres qui lui sont destinées. Finalement, le dieu de la pluie sort de son temple. Et, miracle, son apparition interrompt le supplice. Tout le monde tombe à la renverse et agonise. Un jeune cependant trouve la force de se reler et se sacrifier pour sauver Tifi et Tudart, son amant (entendre amoureux, le terme est pris dans son sens ancien). Il sort un poignard de sa ceinture et se tue, malgré Tudart qui s’y oppose). Puis Tudart offre le sang de la victime en l’étalant sur tous les murs du temple d’Anzar. Finalement la rigueur de la pluie s’amollit et la pluie revient à la grande joie des habitants du village. Tifi retrouve enfin l’amour et l’estime de tous. La pièce n’a qu’un petit défaut qui la ravale au rang de tragicomédie : le rire. Tout le monde rit, alors que le drame évolue tragiquement. Même la sage et infortunée Tifi rit. C’est peut être le seul point de divergence avec la pièce racinienne. La tragédie grecque exclut le rire. Parce que dans le Cid de Corneille, Don Diègue, le père du Cid, reçoit un soufflet de Don Gomès, le père de Chimène, la pièce choit du registre tragique.
On ne donne de gifles et de coups de poings ou de pieds que dans les comédies, comme celle de Molière ou de Marivaux. Quoi qu’il en soit, cette pièce si dépaysante qui nous a replongé dans une époque où les dieux se mêlaient aux hommes, en étaient parfois jaloux et exigeaient d’eux des sacrifices cruels, cette pièce, donc, a plu et pourra plaire encore longtemps, non seulement parce qu’elle est bien écrite et bien jouée (les 8 garçons et 5 filles qui y jouent ont tous été parfaits dans leurs rôles respectifs), mais parce qu’elle véhicule, à travers les symboles qu’elle charrie, un message clair : l’attachement à la terre et aux valeurs ancestrales.
Ali D.

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