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Syrie : Le dernier marionnettiste et son art à «sauvegarder» selon l’Unesco

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Dans une salle sombre et bondée de Damas, le dernier marionnettiste de Syrie reste accroupi pour diriger ses personnages à la conversation animée, devant un écran de soie.

Le théâtre syrien d’ombres a connu fin novembre une reconnaissance internationale, lorsque l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (Unesco) l’a inscrit sur sa « Liste du patrimoine immatériel nécessitant une sauvegarde urgente ».
Caché dans une petite cabine, déplaçant les silhouettes à l’aide de bâtons, Chadi al-Hallak a présenté lundi soir avec une grande fierté ce spectacle de marionnettes. « Quand ils ont appelé pour me féliciter, c’était comme un rêve », raconte, ému, le marionnettiste, qui se produisait devant des enfants à besoins spécifiques, dans un pays où la guerre a fait plus de 360.000 morts depuis 2011. Âgé de 43 ans, le « mukhayel » (marionnettiste) syrien, raconte avoir appris l’art du récit qui caractérise ses spectacles auprès de son père, un célèbre conteur qui jouait dans l’un des plus vieux cafés de la capitale. « Il n’y a plus personne en Syrie, à part moi, qui maîtrise cet art », assure le marionnettiste, ancien chauffeur de taxi.
Principalement présent à Damas, le théâtre d’ombres est un art traditionnel mettant en scène des marionnettes fabriquées à la main se déplaçant derrière un rideau ou un écran fin à l’intérieur d’un théâtre sombre.
Une lumière provenant de l’arrière de la scène projette les ombres des marionnettes à l’écran alors qu’elles se déplacent accompagnées d’un texte lu et de musique. Avant le début de la guerre civile, cet art mourrait déjà à petit feu. Mais depuis 2011, « il n’existe plus de spectacles (de marionnettes) réguliers en Syrie », regrette M. Hallak.

Un art en danger
Pour que le théâtre syrien d’ombres soit ajouté à la liste de l’Unesco, le dossier a été préparé pendant les quatre dernières années par l’ONG syrienne « Syria Trust for development » qui l’a présenté à l’agence onusienne.
Cet art perd du terrain face « au développement de la technologie moderne et des nouvelles formes de divertissement numérique », mais aussi à cause « du déplacement massif » de la population, en raison du conflit syrien. « La convergence de tous ces facteurs a eu des conséquences préjudiciables (…) à tel point qu’il n’existe plus qu’un seul “mukhayel” en activité à Damas », a déploré l’Unesco. Traditionnellement, les spectacles de théâtre d’ombres étaient organisés dans les cafés et traitaient souvent de questions sociales sur un ton satirique. Les figurines de M. Hallak sont faites de cuir: leurs vêtements sont ornés de motifs décoratifs et peints à l’aquarelle « pour que la lumière puisse briller à travers », explique l’artiste, vêtu d’un costume gris et d’un foulard beige. Karakoz, simple d’esprit, et son sage ami Eiwaz, personnages récurrents dans la culture syrienne, sont souvent accompagnés de femmes et d’animaux.
L’origine des deux hommes fait l’objet de versions différentes, parfois présentée comme syrienne ou turque. « Mon public est à la fois vieux et jeune, allant d’enfants âgés de trois ans, jusqu’aux plus âgés qu’on retrouve dans les cafés », se réjouit M. Hallak. Depuis le classement onusien jeudi passé, il dit espérer des retombées positives pour son art. Lui qui « pensait devoir enterrer » ses marionnettes, parle maintenant de leur « avenir prometteur en Syrie ». « Je ferai des tournées avec eux dans tout le pays », s’enthousiasme-t-il.

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