Les forces arabo-kurdes soutenues par des frappes aériennes américaines se sont préparés hier à de nouvelles évacuations de civils depuis l’ultime bastion du groupe Etat islamique (EI) dans l’est syrien, où les jihadistes sont accusés de défendre leur carré avec des «boucliers humains».
Après l’évacuation de milliers de civils ces derniers jours, les Forces démocratiques syriennes (FDS) ont repris vendredi l’offensive contre les combattants de l’EI, terrés dans une poche du village de Baghouz, dans la province de Deir Ezzor, aux confins orientaux de la Syrie. Ayant déjà reconquis l’immense majorité du village, les combattants kurdes et arabes ont acculé les jihadistes dans ce réduit constitué de quelques pâtés de maisons accolées à un campement informel, tandis que la coalition internationale emmenée par Washington a repris ses raids aériens. «Il y a un ralentissement dans l’opération depuis hier, des familles de (membres de) l’EI sont sorties», a expliqué lundi à une équipe de l’AFP un commandant des FDS sur le terrain. «Nous nous attendons à plus de sorties aujourd’hui, mais nous n’avons pas de chiffres exacts», a-t-il précisé, alors que les FDS accusent les jihadistes d’utiliser ces civils comme «boucliers humains». L’Observatoire syrien des droits de l’Homme (OSDH) a confirmé un «ralentissement des combats ces dernières heures», disant s’attendre à «une trêve pour évacuer les blessés, les membres des familles de jihadistes ainsi que les civils et les combattants» souhaitant se rendre. Un journaliste de l’AFP sur le terrain a pu voir des dizaines de camions vides se diriger lundi matin vers Baghouz. Selon l’un des chauffeurs interrogé par l’AFP, il s’agit d’un nouveau convoi de 40 camions pour transporter les civils pris au piège. «Pour ne pas leur nuire, nous avançons lentement», a souligné dimanche un haut commandant de l’opération militaire menée par les FDS.
Fin territoriale
Depuis la reprise des combats, les FDS ont réussi à reprendre pas moins de 13 positions à l’EI et une partie du campement informel a été détruite par les combats, selon des responsables des FDS. Sept membres des forces antijihadistes ont été tués, contre 18 jihadistes morts sur le champ de bataille ou lors d’attaques kamikazes qu’ils ont eux-même menées, indique l’OSDH. Quelque 53.000 personnes, principalement des familles de jihadistes, ont déjà quitté l’ultime réduit depuis décembre, selon l’OSDH. Parmi eux, plus de 5.000 jihadistes ont été arrêtés, d’après la même source. La grande majorité des évacués sont transférés vers le camp de déplacés d’Al-Hol, plus au nord, où ils s’entassent dans des conditions difficiles. Après une montée en puissance fulgurante en 2014, l’EI avait proclamé en juin de la même année un «califat» sur les vastes régions et les grandes villes conquises en Syrie et en Irak voisin, où l’organisation ultraradicale a mené de multiples exactions. Mais face à plusieurs offensives ces deux dernières années, les jihadistes ont vu leur territoire se réduire comme peau de chagrin.
Réunion russo-américaine
Si l’EI pert son dernier réduit, à Baghouz, cela signifierait la fin territoriale du «califat» après sa défaite en Irak en 2017. Le groupe a déjà entamé sa mue en organisation clandestine. Ses combattants sont disséminés dans le désert syrien, dans le centre du pays, et parviennent toujours à mener des attentats meurtriers. La bataille contre l’EI représente aujourd’hui le principal front de la guerre en Syrie qui a fait plus de 360.000 morts depuis 2011, au moment où le régime, soutenu par la Russie et l’Iran, a repris le contrôle de près des deux-tiers du pays. Parallèlement à l’offensive anti-EI, les chefs d’état-major russe et américain, Valeri Guerassimov et Joe Dunford, se rencontrent lundi à Vienne, en Autriche, pour évoquer la poursuite des opérations en Syrie, où les Etats-Unis ont décidé de maintenir une «force résiduelle». Le président américain Donald Trump avait décidé en décembre de retirer les quelque 2.000 soldats américaines déployées dans le nord-est de la Syrie, en soutien aux FDS, mais il s’est finalement laissé convaincre d’y maintenir environ 200 militaires. Depuis l’entrée de la Russie dans le conflit en 2015, Moscou et Washington se sont entendus pour se départager leurs zones d’opérations contre l’EI, et éviter tout incident par des mesures dites de déconfliction.