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Suzanne Vega : Un nouvel album en toute indépendance

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ll y a trente ans, elle incarnait le nouveau visage de la folk. Elle continue sa route en indépendante et publie un album hommage à l’écrivaine Carson McCullers.

Elle a d’abord un air sérieux. Presque renfrogné. Suzanne Vega est arrivée en Europe pour défendre sur scène «Lover, Beloved: Songs from an Evening with Carson McCullers», son neuvième album studio, consacré à la vie de l’écrivaine Carson McCullers. Dans les loges de la Passionskirche de Berlin, Suzanne doit donc se plier au jeu de la promotion. Elle n’est pas forcément bousculée par les demandes et préfère prendre son temps. Elle se prépare un thé, avale des médicaments, va chercher une bouteille d’eau. Conseille de manger de l’avocat. «Nous sommes en tour bus, donc nous pouvons emmener notre propre nourriture, cela permet d’avoir une vie saine», sourit-elle.

Carson McCullers était punk avant l’heure
Passé ces dix premières minutes de quasi-rituel, elle est enfin prête à se livrer. «L’histoire de ce disque mérite d’être racontée. Etudiante, je suivais des cours de costumière pour le théâtre. Un jour, notre prof nous a demandé d’incarner un personnage. J’ai tout de suite pensé à Carson McCullers. C’était une femme pas comme les autres. Trente ans plus tard, j’ai eu envie d’en faire un spectacle que j’ai joué à New York. Ce disque reprend donc des chansons écrites lors de ces deux premières expériences ainsi que d’autres, qui seront dans la troisième version du show que je jouerai l’an prochain. » Carson McCullers, estime Suzanne, n’a pas toujours été reconnue à sa juste valeur. «Elle était punk avant l’heure, on pourrait même croire qu’elle a inventé le mouvement. C’est quelqu’un qui a connu un immense succès dès son premier roman avant de se faire étriller par la critique dix mois plus tard avec son deuxième. Elle n’a pas sombré pour autant, elle s’est battue.» Vega pourrait parler pendant des heures de son héroïne. Comme elle, elle reconnaît avoir eu un certain goût pour le transgenre. «Dans les années 1980 je n’en parlais pas, mais je ne voulais pas me soucier de ces questions. C’est pour cela que j’avais des cheveux courts, que je portais des pantalons. Il a fallu attendre la naissance de ma fille, en 1994, pour que je me sente vraiment femme et que j’en sois fière.» Autant Carson était fêtarde, buveuse et défoncée, autant Suzanne avoue mener une vie d’ascète. «A part le vin, que j’aime beaucoup mais que je ne consomme pas en quantité excessive, je fais plutôt attention à moi, à mon mode de vie, à ma santé.» Il faut dire qu’elle possédait tous les atouts pour se faire happer par la vie rock’n’roll. Jolie jeune fille apparue en 1985, elle devient un phénomène deux ans plus tard avec ses chansons «Luka» et «Tom’s Diner». La première, chantée d’une voix sucrée, évoque un enfant battu. «Pour le premier disque, mon label estimait que j’en vendrais 30000. La semaine de sa sortie, on était déjà à 170000. Il a fini à plus d’un million. Pour le deuxième, du coup, tout était possible. Mais j’étais prête pour ce succès, j’étais armée.»

Un album salué par la critique
Pendant vingt ans, elle va imposer un ton, une voix, une exigence. Au point de devenir un modèle pour de nombreuses chanteuses folk. «En 1992, je trouvais totalement normal que l’on dépense 200000 dollars pour le clip d »In Liverpool’.
Aujourd’hui, je me rends compte que c’est le prix d’une maison…» La fin de l’âge d’or aura lieu en 2008. «Je me suis fait virer de ma maison de disques, et la crise économique est arrivée. Avant, on me payait pour écrire des chansons.
Là je devais écrire des chansons pour me payer. Il m’a fallu du temps.» L’Américaine va d’abord réenregistrer une bonne partie de son répertoire dans un coffret de quatre albums. «C’est une manière de récupérer mes chansons. L’argent me revient directement, il ne va pas dans les caisses de mon ancienne maison de disques. Je commence seulement à toucher des dividendes de ce projet.» Il y a deux ans, Suzanne a retrouvé le temps d’écrire de nouvelles chansons pour un album salué par la critique. «Mais la vérité c’est que je gagne ma vie avec les tournées. Nous ne sommes que cinq sur les routes, c’est une structure légère, qui permet d’aller partout.» Si elle dit ne pas regretter le temps du faste, elle montre néanmoins une certaine mélancolie… «Si une major venait me chercher, je ne fermerais pas la porte, concède-t-elle. Mais pas à n’importe quelle condition.»
Pour l’heure, elle s’apprête donc à faire revivre Carson McCullers. «On a besoin de ce genre d’esprit, surtout dans les moments que nous vivons.» Logique supporter de Hillary Clinton, elle avoue ne pas avoir envie d’écrire de chanson politique. «En la matière, il y a une référence, ‘Masters of War’ de Bob Dylan.
Qui, sans citer un nom, sans citer une guerre, dit absolument tout ce qu’il faut sur le sujet. Moi, à mon petit niveau, je crois que ‘Luka’ a fait évoluer les consciences. Je reçois encore des lettres de gens qui me racontent ce qu’ils ont subi. En fait, c’est ça le rôle d’un chanteur: prendre conscience des responsabilités que l’on a. Et ce n’est pas rien.»

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