Le président de la République, Abdelmadjid Tebboune, a reçu hier, l’historien Benjamin Stora. Cette audience intervient au moment où l’Algérie fête le 60e anniversaire de son indépendance et au moment où, également, le président français, Emmanuel Macron a réaffirmé sa volonté de poursuivre le processus de reconnaissance de la vérité qu’il a annoncée en février 2017 à Alger. Aussi bien l’Algérie que la France officielle, veulent parvenir à des relations bilatérales empreintes de respect mais surtout débarrassées du poids de l’Histoire commune. L’Algérie veut voir l’ancienne puissance coloniale assumer ses crimes et faire son mea-culpa par respect aux nombreux sacrifices du peuple algérien, une démarche que la France officielle affirme partager mais qui dans les faits n’est pas pleinement assumée. Dans sa dernière lettre adressée au président de la République, Macron affirmait que le colonialisme fait partie de l’histoire de la France, « c’est un crime barbare, un crime contre l’humanité qui, fait partie du passé que nous devons assumer et regarder en face ». Il faut préciser, dans ce contexte, que le président français, bien avant son élection pour un premier mandat ; avait clairement affiché sa volonté de parvenir, une fois élu, à libérer les relations de son pays avec l’Algérie des scories du passé. Seulement, sa marge de manœuvre s’est retrouvée réduite par les forces de l’inertie de l’extrême droite qui n’arrive toujours pas à reconnaître la défaite du colonialisme et son caractère criminel. Les pas timides engagés par Macron à cette époque avait suscité une levée de boucliers du Rassemblement national et de tous les nostalgiques de l’Algérie-française. Lors de la célébration de la journée nationale de la mémoire, le président Tebboune avait évoqué « la rancœur de ceux qui ne se sont toujours pas débarrassés de leur extrémisme et attachement à la doctrine coloniale désuète et misérable ». Il avait expliqué que « notre attachement au dossier de notre histoire émane de ces pages glorieuses et de la responsabilité de l’État envers son capital historique étant un des fondements qui ont forgé l’identité nationale algérienne ». La présence de Benguigui et Bejamin Stora lors du défilé marquant les festivités du 60e anniversaire de l’indépendance marque la volonté d’une certaine France de se débarrasser du poids de son passé colonial. Mais cette volonté risque encore une fois de buter sur les résistances des extrémistes, notamment de droite, qui ont réussi une percée dans l’assemblée nationale française lors des dernières législatives. Le président Macron ne jouit pas d’une majorité qui lui permettra de mener, sans coup férir, son projet de reconnaissance des crimes colonialistes. Il devra faire avec le Rassemblement national, les partisans de la « ré-émigration », un thème défendu par Zemmour lors des dernières présidentielles et avec d’autres aigris vétérans de l’OAS ou du discours raciste et néo-colonialiste que développaient les partisans de l’Algérie française. Aujourd’hui, avec la montée du courant nationaliste en France, Macron devra engager un véritable travail aussi bien au niveau de l’assemblée nationale pour trouver des soutiens à sa démarche de reconnaissance des crimes colonialistes commis en Algérie et aussi pour une écriture libérée des contraintes du passé de l’histoire commune entre les deux pays. La volonté seule ne suffit pas, il faudrait des gestes concrets, notamment en cette conjoncture qui pourrait connaître un bouleversement de l’ordre mondial actuel.
Slimane B.