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Quand le Hirak montre le chemin à la Justice

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Le mouvement populaire et citoyen s’est, finalement, avéré loin d’être un géant aux pieds d’argile. Loin de la localisation géographique du soulèvement populaire quant à son épicentre, la protesta a tenu tête et boucle ce 22 février, sa première année de mobilisation. Douze mois de lutte pacifique, ponctuée certes par des moments douloureux (Arrestations des citoyens pour l’emblème Amazigh ou pour avoir participé aux différentes marches à travers le territoire national), en violation de la Constitution qui garantit aux Algériens le droit à la manifestation, mais aussi marquée par cet espoir « soigneusement » entretenu par les manifestants pour une Algérie meilleure. L’heure est désormais à l’établissement du premier bilan annuel de la contestation, énuméré les acquis arrachés, soulevé les ratages et garder l’œil sur les horizons pour un meilleur avenir. Qu’en-est-il alors réellement des acquis du mouvement que le chef de l’État, lui-même, qualifie dans chacune de ses interventions de béni qui a le mérite d’avoir délogé une partie de la bande et éviter l’effondrement de l’État. Le mouvement demeure détenteur d’un riche palmarès, bien qu’au-dessous de ses espérances, en raison d’un adversaire rompu à la ruse, manie la matraque et détient la clé pénitentiaire.
En dépit de toutes les manœuvres malsaines pour l’anéantir, le disloquer et plus dangereusements en dressant les Algériens les uns contre les autres, le mouvement a survécu contre vents et marée et s’est imposé telle une force qui, aujourd’hui, donne l’image d’un acteur incontournable qui mène le bateau où rien ne peut se faire sans sa bénédiction, car il détient la légitimité de la rue.

Conséquences directes du mouvement populaire
Le mouvement citoyen signe au marqueur, l’histoire contemporaine de l’Algérie. Depuis son avènement il y a tout juste une année, le pouvoir a un sommeil perturbé, une démarche chancelante qui, souffle, à la fois, la chose et son contraire. C’est dans le filet de cette démonstration de force pacifique que le mouvement pacifique a fait avorter le 5e mandat pour le candidat « fantôme », Abdelaziz Bouteflika. En effet, sous la pression de la rue, le président de la République, Abdelaziz Bouteflika, a été poussé à la porte pour incapacité de gouverner et remplacé par le plus mou des Présidents algériens, Abdelkader Bensalah, appelé à assurer l’intérim à la Présidence.
Ce dernier a avalé sa langue durant son petit « mandat » intérimaire. Avare en interventions, le général-major Ahmed Gaïd Salah, décédé le 23 décembre dernier d’un arrêt cardiaque, a pris le relais faisant ainsi de l’ombre à Bensalah au point de le faire oublier. La Justice s’est mise en branle et la chasse contre les manifestants et autres hommes politique opposants a alors commencé. C’est dans cette logique répressive que le militant et homme politiques Karim Tabbou, s’est retrouvé en prison avec ses amis de « lutte » pacifique : le sociologue, Fodil Boumala, le moudjahid Lakhdar Bouragâa, Samir Belarbi, tous deux libérés après quelques mois passés en prison, alors que Tabbou, Boumala, et Abdelwahab Fersaoui, du mouvement RAJ, sont toujours « pris en otage » pour des inculpations « sans aucun fondement juridique », de l’avis même des juristes.
D’autres manifestants ont fait également la prison qui, pour le port de l’emblème amazigh, qui pour avoir participé aux différentes manifestations du mouvement populaire en quête de sa souveraineté confisquée. Beaucoup d’entre eux ont été libérés, après avoir purgé leur peine pour la plupart. Mais beaucoup d’autres croupissent injustement toujours dans les geôles de l’État.

De grosses pointures en prison
Mais il faut aussi admettre d’un autre côté, que le pouvoir en actionnant sa machine judiciaire a décidé aussi de frapper fort et là où personne ne s’y attendait. Ce qui était impensable avant l’arrivée de la révolte populaire est devenu aujourd’hui une réalité palpable : Des intouchables en prison.
Le slogan cher aux manifestants à travers les quatre coins du pays, « Klitou lebled ya saraqin » (Vous avez dilapidé les richesses du pays), n’est apparemment pas tombé dans l’oreille d’un sourd.
Dans cette foulée, deux ex-Premiers ministres (Ahmed Ouyahia et Abdelmalek Sellal), des anciens ministres, (Abdeslam Bouchouareb, Youcef Yousfi, Mahdjoub Beda, Abdelghani Zaâlane, Amar Ghoul, Amara Benyounès, Tayeb Louh et bien d’autres) ainsi que des hommes d’affaires les plus puissants du pays, (Ahmed Mazouz, patron du groupe éponyme, Mohamed Baïri, patron du groupe Ival, Hassan Larbaoui, patron de KIA Motors Algérie, Ali Haddad du groupe ETRHB, ou les protégés de l’ex-chef de l’État, les frères Kouninef) pour ne citer que ceux-là, sont en prison pour des affaires de corruptions. Les prévenus qui attendent le jugement sont beaucoup plus nombreux que ceux qui étaient déjà passés à la barre. À cela s’ajoutent le « puissant » Saïd Bouteflika, frère du Président déchu, et conseiller à la Présidence, le général Mohamed Mediène dit Toufik et le général Athmane Tartag dit Bachir (patrons du renseignement), tous poursuivis pour complot contre l’État algérien et l’Armée, étaitent condamnés à de lourdes peines de prison. La patronne du Parti des travailleurs, Louisa Hanoune, impliquée au même titre que les trois co-accusés a été innocentée et libérée récemment, mais au bout de neuf (09) mois passés en prison. Le général-major et ex-directeur général de la DGSN, Abdelghani Hamel, poursuivi lui aussi dans de lourds dossiers, a levé le voile sur l’implication de nombreux anciens hauts fonctionnaires et cadres de l’État, ainsi que certains membres de sa famille et notamment trois de ses fils. Et la machine judiciaire semble bien huilée pour s’arrêter en si bon chemin. Chaque jour que Dieu fait, la justice annonce d’autres arrestations et pas des moindres. La dernière en date n’est autre que de l’ex-ministre Mohamed Hattab qui est placé sous contrôle judiciaire.
Plusieurs walis ont été également dans le collimateur de la Justice. L’opération de purge parmi ces commis de État a déjà touché de nombreux premiers magistrats de wilayas. Les deux anciens walis de Skikda, Mohamed Bouderbali et Faouzi Benhassine, ont été placés lundi en détention provisoire au terme de leur audition par le juge instructeur près la Cour suprême.
Ils sont poursuivis pour octroi d’indus privilèges à autrui, dilapidation de deniers publics et abus de fonction ainsi que l’ex-wali de la même wilaya, Et la liste est encore longue.

La lutte contre la corruption ne s’arrête pas
La Justice a aussi déterré les vieux dossiers qui avaient fait couler beaucoup d’encre il y a quelques années déjà. Les affaires Sonatrach 2 où le premier accusé est Chakib Khelil et le fameux projet du « siècle » l’autoroute Est-Ouest impliquant directement Amar Ghoul, ont été également réouverts pour des délit de corruption.
Le président de la République, Abdelmadjid Tebboune, a toujours qualifié le mouvement populaire de béni qui a permis le démembrement de la (3issaba : la bande) et éviter l’effondrement de l’État. Mais il ne suffirait pas de déclarer sa « flamme » au mouvement citoyen, mais plutôt de réaliser sur le terrain toutes ses aspirations, car le peuple attend du concret surtout.
Le chef de l’État semble avoir saisi le message des milliers de manifestants concernant le fléau de la corruption qui a gangréné l’État à tous les niveaux et promet de lutter sans complaisance jusqu’à son anéantissement. Devant les walis, le président Tebboune a réaffirmé, il y a moins d’une semaine, son engagement à assainir le pays de la corruption, l’abus de fonction, le trafic d’influence, les délits d’initiés, le gaspillage et autres petits et grands fléaux qui gangrènent l’État et la société. Et le peuple n’attend que ça.
B. O.

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