Le débat télévisé du vendredi a mis de la lumière sur plusieurs zones d’ombre qu’une campagne électorale morose n’a pas réussi à éclairer. Certes, celle-ci a souvent été perturbée par les manifestations anti-vote et un début de campagne d’ingérence que l’État algérien a vite étouffés, en plus du fait qu’une partie des médias ont boycotté cette opération que beaucoup de citoyens voient pourtant comme la seule solution de sortie de la crise.
Les procès en cours dans les tribunaux, la mobilisation des opposants au vote et celle de ses défenseurs tout comme l’hibernation fébrile des partis attestent d’un bouillonnement politique sans précédent dans l’histoire de l’Algérie, bouillonnement qui n’a d’équivalent que l’atmosphère qui a régné durant la phase de passage du monopartisme au modèle de transition démocratique. La nouvelle Constitution de 1989 était porteuse d’espoir mais elle a engendré une décennie de troubles. Alors que nous vivons aujourd’hui le passage d’une ère de despotisme et de prédation à une ère de reconsolidation démocratique. Le peuple, avec toutes ses composantes, n’a aucune envie de revivre les troubles du passé ou des violences émanant de quelque groupe que ce soit. Les Algériens sont immunisés contre les violences meurtrières, pour en avoir vécu quelques-unes qui ont laissé de mauvais souvenirs dans la mémoire et terni nos livres d’histoire.
Ainsi donc, le débat télévisé — qui était plutôt une interview groupée — a permis aux cinq candidats de donner une idée plus claire de leurs programmes. Cependant, des questions plus condensées et moins nombreuses auraient permis à chaque candidat de mieux développer ses idées et montrer sa capacité synthétique et analytique.
Néanmoins, l’initiative mérite tous les encouragements, en espérant qu’elle se consolide en même temps que son initiateur, l’Autorité nationale indépendante des élections que tous les candidats veulent pérenniser, et dont le vrai test aura lieu le 12 décembre prochain. La démocratie est une construction lente, et chaque pierre posée doit être renforcée. Il n’existe pas de démocratie mais des démocraties, les unes en transition, les autres encore fragiles tandis que les plus anciennes sont dites consolidées.
Ce débat télévisé a permis aux candidats de réitérer leurs attachements aux principes de l’alternance, des droits de l’Homme, des droits sociaux, et sur le plan économique et social de définir chacun sa stratégie respective. Ces hommes sont tous des universitaires ; donc, rupture fondamentale avec le passé, dorénavant, le pays n’aura que des présidents ayant un bagage à la hauteur du poste. Douter d’eux, c’est douter de l’institution qui nous a formés nous-mêmes. Énorme est la marge qui les sépare du président déchu, pas seulement par la moralité. Une autre différence : aucun n’est un tribun et tous sont des hommes de savoir et d’expérience.
Par Ali El Hadj Tahar