L’ancien diplomate et expert international sur les questions géostratégiques, Mohamed Laïchoubi, estime que la décision prise par l’Algérie de rompre ses relations diplomatiques avec le Maroc était prévisible en raison des attaques marocaines récurrentes et extrêmement graves contre notre pays.
S’exprimant, hier, sur les ondes de la Radio nationale Chaîne 3, Laïchoubi a expliqué qu’une rupture diplomatique entre les deux pays survient après « des faits extrêmement graves et une situation qui atteint des proportions importantes touchant de façon fondamentale, sinon structurelle, les relations, et cette situation est encore plus grave quand il s’agit de deux pays voisins, a-t-il regretté.
L’expert explique que pour le cas du Maroc et de l’Algérie, il y a eu progressivité dans la gravité et cela depuis plusieurs années. Selon l’expert, le Maroc s’est engagé dans des actions de déstabilisation contre l’Algérie dés son retour dans l’Union africaine, et son objectif premier était de réduire et de tenter d’éroder la capacité et le rôle efficient de l’Algérie au sein de l’organisation.
Il faut ajouter, a poursuivi l’intervenant de la Radio, deux autres éléments gravissimes, à savoir : le fait de l’espionnage massif de citoyens, des cadres, du monde de la presse et de la culture, des politiques et des hauts responsables algériens, comme révélé par le scandale Pegasus. L’expert algérien estime que cela est valable entre pays hostiles et de manière discrète non agressive mais là entre deux pays voisins et à la manière marocaine « ça laisse pantois! ».
Outre l’espionnage, Laïchoubi rappelle surtout les déclarations « solennelles graves » de l’ambassadeur marocain à l’ONU, lorsqu’il avait affirmé que son pays soutenait l’indépendance d’une région de notre pays, à savoir la Kabylie. Face à toute cette hostilité envers l’Algérie, il note que le Maroc est sans doute « un vecteur » d’actes de déstabilisation et d’une vision globale contre notre pays. Ceci s’est clairement manifesté et pour la première fois quand un diplomate israélien (le MAE Yaïr Lapid, lors de sa visite à Rabat, ndlr) déclare depuis le Maroc son hostilité envers l’Algérie, avec le consentement, l’incitation et l’impulsion de ce dernier comme cela a été précisé.
Pour l’expert, l’attitude du Maroc envers l’Algérie n’est donc pas l’effet d’un hasard mais un choix et une vision profonde et structurelle.
« Il (le Maroc NDLR) est dans un agenda qui n’est pas le sien. Il accepte d’être une plateforme de déstabilisation vis-à-vis de l’Algérie à travers la normalisation de ses relations avec l’entité sioniste permettant à cette dernière un repositionnement en Afrique avec tous ce que cela suppose comme danger sur la région», a-t-il relevé. Pour montrer que la marque sioniste est bien là, Laïchoubi évoque le drame sanglant et macabre commis contre le jeune Djamel Bensmaïl, expliquant qu’Israël vise « la libanisation de l’Algérie » en tablant sur la déchirure interne comme lors du drame de Sabra et Chatila contre les Palestiniens réfugiés au Liban.
« Il n’est pas dans l’intérêt du Maroc de jouer le jeu d’Israël »
Pour mieux comprendre les approches stratégiques israéliennes, l’invité de la rédaction explique que cette dernière vise à mettre sous pression l’ensemble des pays de la région du Moyen Orient et du Maghreb en agissant en grande puissance méditerranéenne. « Après avoir influencé le cours des choses en Europe centrale, l’entité sioniste estime sa présence logique en Afrique et en méditerranée et que c’est une continuité stratégique pour elle », a déclaré Laïchoubi qui signale que l’intrusion d’Israël en Afrique se fait aujourd’hui de façon plus ouverte et dans un espace qui était traditionnellement la chasse gardée de la France. Son objectif, poursuit-le même intervenant, est d’apporter sa vision dans les compositions géostratégiques en Afrique et au Sahel et notamment en méditerranée. Pour lui, le Maroc qui, quant à lui, n’est pas une grande puissance, n’a pas intérêt d’entrer dans ce jeu en raison de ses nombreuses difficultés financières, économiques, et sociales. « Jouer le jeu d’un pays qui est agressif et violent et qui est même dénoncé dans son propre espace, est dangereux et grave pour les propres équilibres socioéconomiques du Maroc », estime l’intervenant rappelant qu’Israël n’a jamais proposé au pays du Moyen Orient des partenariats positifs, car c’est une puissance dominante et hégémonique, « ce qui n’est pas du tout dans l’intérêt du Maroc », insiste-t-il encore.
« Notre arme absolue c’est la cohésion et la cohérence »
Pour Mohamed Laïchoubi, le Maroc joue le vecteur de la stratégie de l’entité sioniste, et la meilleure réponse de l’Algérie, face à cette menace, serait de conforter son front interne.
« Historiquement, l’Algérie est à chaque fois sortie victorieuse quand il y a des actes d’unité. Notre arme absolue c’est la cohésion et la cohérence, c’est de faire face aussi à nos défis économiques, de mobiliser l’intégralité de nos élites », estime l’invité de la Radio qui signale que l’Algérie paie les frais de ses positions et de ses principes intangibles, à travers les multiples tentatives de déstabilisation qui la menacent. Conforter donc le front interne est la seule solution de faire face à toutes ces menaces.
Ania Nait Chalal