Le marché algérien des assurances est en croissance constante ces dernières années, mais les chiffres
« positifs » fournis par les différentes institutions cachent une autre réalité, celle d’un marché en grandes difficultés.
Alors que les chiffres témoignent d’une hausse « minime » du chiffre d’affaires dans ce secteur névralgique, les spécialistes, eux, tirent la sonnette d’alarme quant à la fragilité et aux difficultés de réguler le marché. Baisse des importations de voitures, dévaluation du dinar, hausse inquiétante du nombre de sinistres, nouvelles taxes imposées dans les dernières lois de finances sont parmi les raisons ayant conduit le marché à la crise. Mais la grande problématique reste de juguler les pratiques de concurrence déloyale liées à la politique de cassage des prix, imposées par certaines compagnies d’assurances. D’ailleurs, un haut responsable d’une grande compagnie d’assurances nationale s’est livré, à un diagnostic dangereux de la situation, même si certains indicateurs sont au vert. Préférant s’exprimer sous couvert de l’anonymat, notre interlocuteur a voulu mettre en garde contre les pratiques de dumping de certaines compagnies, qui mèneraient selon lui vers l’insolvabilité dans un avenir proche.
En sus, notre interlocuteur a mis en garde contre la hausse inquiétante des sinistres dus aux accidents de la route en Algérie. En effet, le plus grand risque réside, selon notre source, dans la hausse du nombre d’accidents, qui hélas n’a pas été au même rythme de la hausse du chiffre d’affaires.
D’ailleurs, fournissant des chiffres à l’appui pour mettre à nu la fragilité du système des assurances, notre source a rappelé que le danger vient de la croissance beaucoup plus rapide des sinistres et des remboursements des sinistres.
Ainsi, il a rappelé que la croissance du chiffre d’affaires en 2015 a été de 0.7%. Passant de 126 milliards à 128 milliards de DA, le chiffre d’affaires n’a pas été au même rythme de la hausse des sinistres. En effet, ces derniers ont enregistré une augmentation de 13 milliards de DA, soit 17 fois de plus, comparativement au chiffre d’affaires. Si la situation persiste est-ce que le système dans sa globalité peut faire face à l’avenir et de rembourser l’ampleur des sinistres ? s’est interrogé notre source. Faisant état que les sinistres à payer ont atteint 66 milliards de dinars en 2015, soit 50% du CA de la seule branche dommages. Plus loin, il a expliqué que les accidents de la route menacent davantage les assureurs.
Quel rôle pour le régulateur ?
Abordant le rôle du régulateur, notre source a expliqué que le rôle de celui-ci est de s’assurer que les prix pratiqués peuvent garantir la solvabilité future des systèmes et la capacités des campagnies, publiques ou privées, à faire face à leurs engagements. « Aujourd’hui, on constate que certaines pratiques tarifaires ne répondent à aucune logique. Dans le futur on n’aura pas la capacité de prendre en charge les sinistres », a avisé la même source.
D’ailleurs, notre interlocuteur a affirmé que l’Union algérienne des sociétés d’Assurance et de Réassurance (UAR), et le Conseil national des Assurances (CNA) doivent assumer le rôle de régulateur. « L’UAR et le CNA doivent intervenir pour s’assurer que les prix pratiqués aujourd’hui et les provisions des compagnies permettent de garantir les remboursements des sinistres futurs », a encore précisé le responsable, qui appelle ces deux organes à être le garant de la solvabilité du marché.
Baisse des importations de voiture : un faux débat
S’agissant des voix qui s’élèvent pour dire que la baisse des importations de voitures s’est répercutée négativement sur le marché des assurances, notre interlocuteur a estimé qu’il s’agissait d’un faux débat. Et pour cause, pour lui « aujourd’hui le problème est au niveau des tarifs appliqués ». « Quand le marché importait 600.000 véhicules, nous n’avons pas profité de cette aubaine à cause de la guerre des prix entre les compagnies », a-t-il certifié. « Importer 100.000 ou 600.000 voitures n’apportera pas grand-chose au marché», a-t-il rajouté, tout en précisant que tant que les tarrifs ne sont pas respectés, la hausse des importations de voitures ne peuvent être une aubaine pour le marché d’assurances.
Assurances des personnes : l’environnement n’est pas encore prêt
Affirmant que l’assurance des personne peine à prendre son décollage, la même source a expliqué l’environnement n’est pas encore prêt pour le décollage de cette assurance, bien que celle-ci est en train de progresser à des « taux appréciables ». Pour lui, les assurances de personnes ne peuvent fonctionner sans un marché financier et sans un système bancaire dynamique et libéralisé. S’agissant de la dévaluation du dinar, il dira que celle-ci a un impact important sur les assurances vu que la dévaluation rend la facture de remboursements plus importante.
Lamia Boufassa