L’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (Unesco) a annoncé la réhabilitation du patrimoine de Bandiagara, en partie détruit par le conflit qui fait rage dans le centre du Mali.
Par Ali El Hadj Tahar
La crise sécuritaire malienne, alimentée par les groupes terroristes dits jihadistes et les tensions intercommunautaires, a provoqué la destruction totale ou partielle de près de 30 villages, localisés pour moitié sur le site de la «Falaise de Bandiagara», classé au patrimoine mondial de l’Humanité, dans la région de Mopti. Le projet de l’Unesco, financé à hauteur d’un million de dollars par l’Alliance internationale pour la protection du patrimoine dans les zones de conflit (ALIPH), vise à réhabiliter «les logements, les greniers et des sites consacrés à la culture traditionnelle», a précisé l’organisation dans un communiqué. Le projet vise notamment restaurer des traditions culturelles telles que rites funéraires et danses masquées, bousculées par les tensions intercommunautaires de ces dernières années, et contribuer ainsi «à renforcer le tissu social et la paix entre les communautés du pays Dogon», indique l’Unesco.
Classé patrimoine mondial, le site de Bandiagara comprend des paysages de falaises et de plateaux urbanisés avec de très belles architectures constituées d’habitations, de greniers, autels, sanctuaires et toguna – abris des hommes. Les Dogans, qui l’habitent, ont développé des traditions sociales prestigieuses encore vivantes tels que masques, fêtes rituelles et populaires, gestes et cultes et cérémonies dédiées aux ancêtres…. Ce site du pays Dogon, qui compte parmi les plus imposants d’Afrique de l’Ouest, couvre 400 000 hectares et comprend 289 villages répartis entre les trois régions naturelles : plateau gréseux, falaise, plaine. L’occupation humaine de la région, avérée depuis le Paléolithique, a permis le développement et l’intégration harmonieuse au paysage de cultures matérielles et immatérielles riches et denses dont les plus connues sont celles des Dogon et des Tellem, dont on pense qu’ils vivaient à l’abri des cavernes. Les villages Dogon dans certaines aires culturelles comprennent de nombreux greniers à la toiture pointue couverte de chaume, ainsi que la gin’na, une grande maison de famille disposée généralement sur deux niveaux.
Les destructions perpétrées par les terroristes qui se sont installés au Mali en 2012, après la défaite de Kadhafi, ont été accompagnées de nombreux assassinats et attentats. Depuis 2015, le centre du Mali est le théâtre d’un grand nombre de violences et l’apparition d’un groupe terroriste dit djihadiste dirigé par le prédicateur peul Amadou Koufa, qui a largement recruté parmi sa communauté, et a rejoint le Groupe de soutien à l’Islam et aux musulmans (GSIM), principale alliance djihadiste du Sahel affiliée à al-Qaïda. Les attaques, souvent suivies de représailles, ont pris un tournant intercommunautaire entre les Peuls, majoritairement éleveurs, et les ethnies bambara et dogon, qui pratiquent essentiellement l’agriculture. Sept personnes ont été tuées mi-juillet, de même qu’au moins quatre en juin et douze fin avril dans l’attaque de plusieurs villages de la commune de Sangha, à une trentaine de kilomètres de Bandiagara, l’une des principales villes de la région. Jusqu’à présent, les communautés entretiennent une relation très étroite avec leur environnement. Les activités génératrices de revenus pour les femmes seront aussi au cœur du projet de l’Unesco, selon l’UNESCO. «La culture n’est pas seulement trop souvent victime de conflits armés prolongés, elle est aussi une source essentielle de résilience et un fondement important pour la construction de la paix», a souligné la Directrice générale de l’Unesco, Audrey Azoulay.
A.E.T.