Alors que le mouvement populaire pacifique a du mal à dégager des acteurs pour le représenter en vue d’entamer les négociations avec le pouvoir politique, la politologue et maître de conférences à l’université de sciences politiques d’Alger, Louisa Aït-Hamadouche, considère que les « partis politiques ont un très grand effort à faire en termes d’amélioration de l’image, de rajeunissement, d’alternances à l’intérieur, d’ouverture et en terme de mea-culpa», et ce, «pour regagner la confiance du peuple».
Bien qu’elle a affirmé que «le désengagement du peuple est tout à fait «naturel» au regard de la situation politique des 20 dernières années, durant lesquelles la classe politique de l’opposition a été contrainte à s’allier avec le pouvoir pour continuer d’exister», Mme Aït-Hamadouche a cependant appelé ces derniers à «revoir les choses» et à s’«autocritiquer», dans le but de non seulement regagner la confiance des citoyens mais aussi d’inverser le rapport des forces avec le pouvoir . «Il faut une synergie entre la contestation populaire et les forces politiques existantes », a-t-elle expliqué, avant de poursuivre : «Le changement ne pourra pas venir si un véritable rapport de force n’est pas imposé au pouvoir politique». «La contestation de rue ne peut, à elle seule, imposer ce rapport de forces, les partis politiques ne peuvent également pas le faire», a déclaré la politologue en appelant les «partis politiques actuels à trouver une solution pour établir les canaux et les passerelles avec la rue». Selon elle, «le pouvoir politique est dans son rôle lorsqu’il dit que le mouvement populaire refuse tous les partis politiques. Mais cette idée est erronée». En effet, selon ses dires «partis de l’alliance sont rejetés par la rue, alors que les autres sont à des niveaux inégaux d’acceptabilité».
Tout en appelant à ne pas oublier que «l’apprentissage de la démocratie ne se fait pas sans conditions minimales», la politologue a indiqué qu’«un parti politique n’évolue pas démocratiquement si les conditions ne sont pas réunies».
«Le mouvement ne peut pas rester éternellement homogène»
Par ailleurs, Mme Aït-Hamadouche a considéré que des «clivages» émergent dans le mouvement populaire, ce qui est tout à fait «normal». «Un mouvement de foule reste homogène pendant un moment, mais ne peut pas rester homogène éternellement», a-t-elle déclaré à cet effet. Indiquant qu’«au bout d’un moment, il y a des soupapes qui doivent laisser passer la pression», la spécialiste a appelé à ne pas considérer ces clivages comme étant un « danger ».
Bien au contraire, elle a souligné la nécessité de «faire en sorte que malgré ces différences on aille dans la même direction ».
Pour ce qui est du débat autour d’aller vers une nouvelle République, l’enseignante de sciences politiques a considéré que celui-ci ne doit pas nous mener à créer des clivages qui ne devraient pas exister. « Nous voulons tous la même chose. Une Algérie des libertés individuelles et collectives, une Algérie d’État de droits, une Algérie dans laquelle l’alternance politique se fera grâce à une majorité électorale tout en respectant la minorité électorale, une Algérie de séparation de pouvoirs…», A-t-elle martelé. Pour elle, il est nécessaire de «créer un rapport de force qui mène vers la démocratisation et un changement politique profond», et non «de se focaliser sur les points faibles et les clivages». «Il faut rassembler le plus large possible», a-t-elle préconisé en indiquant que ceci implique de «s’allier avec les courants avec lesquels nous ne partageons pas la même vision».
«La République de demain serait une République dans laquelle les différents courants politiques et idéologiques partiront sur le même pied d’égalité sur la scène politique », a-t-elle rajouté.
«La constituante ne doit pas être un sujet clivant»
Interrogée sur le processus constituant prôné par de nombreux partis politiques et refusé par d’autres, la politologue a appelé à ne pas faire de cette question une pomme de discorde entre les Algériens.« Je crains que ce sujet soit un clivant. On ne doit pas faire de la constituante ou de la non constituante un sujet qui divise la contestation », a-t-elle dit à cet effet. Pour résoudre de façon absolue la question, Mme Aït-Hamadouche a proposé de faire un referendum populaire sur la question, tout en assurant que cette élection doit être transparente.
Lamia Boufassa