Par Ali El Hadj Tahar
Des voix s’élèvent en Afrique, demandant à leur gouvernants de se débarrasser de la tutelle occidentale, et particulièrement française, surtout après la déclaration d’un spécialiste français demandant d’essayer l’utilisation du BCG contre le Covid-19 sur des Africains… Partout dans le monde, de l’Asie à l’Amérique latine, les citoyens ne voient plus Cuba comme un paria communiste, mais comme un modèle qui vole au secours de puissances occidentales, pendant que l’Équateur qui s’enfonce dans la pandémie est abandonné par les États-Unis et le Canada qui n’arrivent pas à sauver leurs propres peuples, prompts uniquement quand il s’agit d’imposer des dictatures.
L’Afrique était autosuffisante avant l’avènement de la colonisation. Le monde arabe et musulman tout comme l’Amérique latine et les pays d’Asie l’étaient aussi. Au moins six siècles de colonisation et d’esclavage en Amérique latine et deux siècles de domination coloniale dans beaucoup de nations redécoupées comme un fromage au profit des Anglais, des Allemands, des Français et même des Belges, suivis de cinq décennies de néocolonialisme et d’impérialisme, ont maintenu les pays du Sud dans la dépendance totale, dans l’incapacité de concrétiser leur souveraineté économique, bien que déployant un beau drapeau qui ne symbolise parfois même pas une véritable souveraineté politique…
L’asservissement colonialiste a laissé place à un asservissement qui a spolié voire, vidé les nations du Sud non seulement de leurs richesses naturelles mais de leurs cadres. Aujourd’hui, ces nations dites sous-développées se regardent dans le miroir de l’histoire et se rendent compte qu’elles n’ont rien à envier à l’Occident qui, pour les maintenir dans la dépendance et l’incapacité de prendre conscience de leurs facultés et de leurs forces, les a dévalorisées avec ses idéologies racistes, orientalistes et autres. Au point où on a même vu Léopold Sedar Senghor écrire que « L’émotion est nègre, comme la raison est hellène » ! L’ancien président sénégalais était le type même de la « peau noire au masque blanc » dont parle Frantz Fanon. L’Occident voulait même accaparer la notion, pourtant très controversée, de civilisation. Ses études ethnologiques voulaient le prouver en minimisant nos cultures, nos savoirs et nos apports à l’humanité, jusqu’à ce que l’archéologie commençât à prouver que la découverte du feu, de la poterie ou des arts et même des sciences n’est point son apanage. Nos ancêtres ont fait preuve de savoir, et les preuves sont dans l’Égypte pharaonique comme dans la Mésopotamie de Hammourabi, dans le Tassili algérien, chez les Incas ou les Maya ou dans la fabuleuse muraille de Chine… La réappropriation de l’histoire doit nous inciter à en prendre des leçons pour édifier le présent et l’avenir. L’Occident vient d’être démystifié par un virus, ses armes atomiques et autres ne lui servant à rien en ces moments d’examen de la véritable force d’une nation : son système de santé. Cet Occident n’a même pas pu se défendre par la parade la plus banale de la quarantaine, se retrouvant plus endommagé que l’étaient autrefois les cités terrassées par la peste ou le choléra. Comment le prendre en exemple ?
Comparativement aux moyens dérisoires d’antan, la catastrophe que vivent les États-Unis, la France, l’Italie et le Royaume-Uni est une véritable apocalypse, un anéantissement symbolique d’un système qui se croyait invincible. C’est ce qui est en train de faire prendre conscience aux peuples du Sud que la supériorité de l’Occident était temporaire et que l’heure est venue de la décréter passée. Pour cela, ils doivent compter sur leurs propres ressources afin de conquérir toutes leurs souverainetés, pas seulement politique, économique et culturelle. L’Afrique et les pays du Sud peuvent s’affirmer au monde par tous les savoirs dont ils sont bardés, et qu’ils étaient en passe de réussir dans le cadre des pays du Non-alignement, par exemple. Aujourd’hui, ils ont des organisations régionales, comme l’Union Africaine, qui peuvent enfin servir à la décolonisation des esprits et à la reconquête de la dignité.
A. E. T.