Depuis plusieurs années, le chercheur français Jean-Michel Vernochet se pose en champion du contre-wahhabisme ; salué par les uns, déclamé par les autres, il attise la controverse et alimente les débats à son sujet, mais, lui, il tient son sujet et ne le lâche pas : «Le wahhabisme, voilà l’ennemi ! ».
Dans son livre « Les Égarés », il pointe un doigt accusateur directement sur le wahhabisme qu’il dénonce comme étant «l’idéologie des égorgeurs de Daech», et constitue «une véritable rupture épistémologique par rapport à la tradition islamique classique, mais aussi par rapport à ce qu’il convient de nommer l’islam populaire».
Bien implanté au Machrek, le wahhabisme peine à prendre pied au Maghreb ; jusque-là, Tunisiens, Algériens, Marocains et Mauritaniens s’en sont prémunis grâce à l’école malékite, modérée, centriste et guère intéressée par le rigorisme wahhabite, lequel ne correspond ni historiquement, ni doctrinalement, ni même sociologiquement aux Maghrébins.
Pour Vernochet, «il est patent que le wahhabisme cohabite parfaitement avec l’anarcho-capitalisme. Cela peut sembler étonnant, mais c’est indéniable. Ce puritanisme barbare est destiné, ou mieux prédestiné, à remplacer l’islam traditionnel avec son attachement désuet pour des valeurs morales traditionnelles par essence compassionnelles. Si le wahhabisme est un instrument, il est celui d’une destruction intérieure programmée de l’islam… tout comme le messianisme marxisme, puis son successeur le freudo-marxisme libéral-libertaire, ont poursuivi et poursuivent une œuvre de mort analogue dans nos société postchrétiennes.
Pour Vernochet, « puisqu’il y a volonté politique de propager le wahhabisme au Maghreb, il y a risque réel d’implantation du wahhabisme, notamment à travers le Nord-Mali, où il semble avoir pris pied durablement » ; « si l’on regarde l’histoire régionale, en particulier ce dernier demi-siècle, nous assistons à une lutte perpétuelle pour tenter de parvenir au leadership. Ce fut vrai pour Gamal Abdel Nasser, Hafez el-Assad, Mouammar Kadhafi, Saddam Hussein, sans compter l’État hébreu dont le rôle dans la destruction de ses voisins et ennemis potentiels, est une donnée de base. Maintenant ce sont Téhéran, Ankara, Ryadh qui sont en lice avec le même objectif, indépendamment de leur identité confessionnelle. C’est par conséquent en termes de concurrence que j’interprète les luttes souvent sanglantes qui opposent entre elles les différentes factions salafo-wahhabites. Et parmi elles les divers mouvements combattant en Syrie, au premier rang desquels l’État islamique.
De la même façon, la dimension sectaire des divergences entre l’Arabie wahhabite, la Turquie islamiste, Daech, n’est en fin de compte qu’accessoire au regard des ambitions hégémoniques au moins régionales qui opposent les uns et les autres… d’autant que le fonds idéologique wahhabite est partagé par tous, y compris les Frères musulmans même s’ils ne le revendiquent pas ouvertement.
Plus politiquement, « l’expansion continue du wahhabisme au cours du siècle passé est étroitement liée à celle du modèle financier, économique et sociétal anglo-US. Le sort de la péninsule arabique a été indissolublement lié depuis 1945 et jusqu’à aujourd’hui à l’Amérique-Monde… laquelle forme une sorte d’hydre à têtes multiples dont les principales sont Manhattan, Chicago (la bourse mondiale des matières premières), Washington avec la Réserve fédérale, la Cité de Londres, Bruxelles pour l’Otan, Francfort, siège de la Banque centrale européenne et Bâle qui abrite une super société anonyme, au sens juridique, la Banque des banques centrales, en un mot la Banque des règlements internationaux ! À ce titre il serait réducteur de ne voir dans l’idéologie wahhabite qu’un instrument d’influence voire de domination régionale. Le monde musulman représente un milliard et demi d’individus. Prendre leur contrôle est un enjeu de taille. Dans cette perspective sans doute faut-il voir dans l’idéologie wahhabite une tentative sans équivoque de subversion de l’Islam. En d’autres termes, la version islamique, à savoir «adaptée à l’Islam», de la nouvelle religion globale qui tend à s’imposer à toutes les nations et tous les peuples, qu’ils soient chrétiens ou musulmans. Religion sociétale, religion de mutation civilisationnelle qui précède et accompagne la progression d’un mondialisme cannibale. Une religion destinée à se substituer à toutes les autres et que l’on peut désigner à bon escient comme le «monothéisme du marché».
F.O.
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