Le Conseil constitutionnel a annulé l’élection présidentielle du 4 juillet 2019 en raison de l’impossibilité de tenir cette échéance dans les conditions actuelles, n’étant pas ainsi réunies. Il a jugé les deux dossiers de candidatures, déposés auprès de lui, comme irrecevables, et donc c’est au chef de l’État de convoquer, à nouveau, le corps électoral en vue d’une probable nouvelle élection.
L’institution présidée par Kamel Fenniche a cédé ainsi face au mouvement populaire qui s’oppose et rejette, depuis plusieurs semaines, la tenue de cette élection qu’il considère comme une tentative de faire maintenir le régime en place. Le Conseil constitutionnel a annulé ce rendez-vous électoral suite à une succession de réunions les 26, 29 mai et le 1er juin pour «délibérer sur les dossiers de candidatures pour l’élection du président de la République prévue le 4 juillet 2019». Il s’est prononcé «par le rejet des deux dossiers de candidature déposés, auprès de lui, en vertu de deux décisions individuelles n° 18/D. CC/19 et n°19/D.CC/19 datées du 1er juin 2019». «En vertu de la décision du Conseil constitutionnel n°20/D.CC/19 du 1er juin 2019, par laquelle il déclare l’impossibilité de tenir l’élection du président de la République, le 4 juillet 2019, et la réorganisation de celle-ci de nouveau», peut-on lire dans un communiqué de cette institution.
C’est la deuxième fois que la date de l’élection présidentielle soit annulée. Elle a été prévue initialement le 16 avril avant qu’elle ne soit reportée, une première fois, par le président de la République démissionnaire, Abdelaziz Bouteflika, pour la date du 4 juillet.
Abdelkader Bensalah, le chef de l’État, qui assure l’intérim depuis le départ de Bouteflika, devrait encore prolonger son séjour à la présidence de la République, probablement, jusqu’à la fin de cette année en cours, le temps de 90 jours que prévoit la procédure de convocation du corps électoral et la révision des listes électorales par les collectivités locales. «Considérant que dès lors que la Constitution prévoit que la mission essentielle, dévolue à celui, investi de la charge de Chef de l’État est d’organiser l’élection du président de la République, il y a lieu de réunir les conditions adéquates pour l’organisation de cette élection dans la transparence et la neutralité en vue de préserver les institutions constitutionnelles qui concourent à la réalisation des aspirations du peuple souverain », souligne le communiqué du Conseil constitutionnel, qui fait référence ainsi aux articles 7, 8 et 102 de la Constitution.
«Il revient au Chef de l’État de convoquer de nouveau le corps électoral et de parachever le processus électoral jusqu’à l’élection du président de la République et la prestation du serment constitutionnel», ajoute le même communiqué. En insistant sur la «transparence» et la «neutralité», le Conseil constitutionnel tranche ainsi pour une revendication largement partagée par toute la classe politique, opposition et partis au pouvoir, mais aussi les millions d’Algériens dans la rue.
C’est justement parce que la classe politique considère que l’élection du 4 juillet ne fournit par les garanties nécessaires de «transparence » et de «neutralité» qu’elle la rejette dans la forme et le fond. Remise en cause dès son annonce, la présidentielle du 4 juillet n’a même pas susciter l’intérêt des candidats. Un fait inédit en Algérie, où des candidat-anonymes, si non des «lièvres», se présentent quand-même en figurants même en l’absence d’aucune garantie. Cette fois-ci, seulement deux candidats ont osé aller jusqu’au bout et déposer leurs dossiers de candidatures auprès du Conseil constitutionnel. Peine perdue pour eux, puisque leurs dossiers ont été invalidés comme annoncé hier, par le CC.
Ce n’est pourtant pas une mince affaire. Abdelaziz Belaïd, Belkacem Sahli – à qui s’ajoute le général à la retraite Ali Ghediri qui a nié toute intention de sa part de se présenter à cette élection- ont dû retiré leurs dossiers de candidatures à la dernière minute : le dernier jour de délai limite de dépôt des candidatures, donnant ainsi un coup dur aux partisans de la tenue de ce rendez-vous électoral dans les délais. Avec le report de ce scrutin présidentiel, l’équation est toutefois loin d’être résolue : le communiqué du Conseil constitutionnel stipule clairement que c’est à Bensalah de «parachever le processus électoral jusqu’à l’élection du président de la République», or l’une des conditions préalables du mouvement populaire pour accepter des élections est le départ de ce dernier et son gouvernement dirigé par Noureddine Bedoui. «Pas d’élections avec le gang», comme slogan qui retentit chaque vendredi de mobilisation populaire et citoyenne. Il y a plus fort à parier que ce mot d’ordre continuerait à résonner durant les prochaines manifestations populaires.
Hamid Mecheri