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Le Comité national des marins-pêcheurs tire la sonnette d’alarme : « Les récifs de corail menacés par la mafia »

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Le président du Comité national des marins-pêcheurs, une organisation des gens de mer affiliée à l’UGCAA (Union nationale des commerçants et artisans algériens), n’est pas allé par quatre chemins pour désigner ceux qui pillent une des plus importantes richesses de l’étroit plateau continental algérien, le corail, à savoir.

Dans un entretien qu’il a accordé à notre journal, hier, Hocine Bellout a ouvertement accusé «une mafia composée d’éléments nationaux et étrangers, des Tunisiens et des Italiens notamment, de mettre en péril cette richesse». Et ce, par un braconnage systématique des récifs existants, localisés dans leur quasi-totalité dans la portion du littoral national comprise entre les villes de Jijel et d’Et-Tarf. «Systématique», dans le sens où cette mafia, «équipée en matériel de plongée sophistiqué et comporte dans ses rangs des plongeurs chevronnés, a intensifié ses activités ces dix dernières d’années». Parce que, a-t-il tenu à nous le préciser, «le phénomène, alors d’intensité nettement moindre, remontant aux années 50 du siècle passé». Pour nous donner une idée à même de nous permettre de saisir le caractère systématique du braconnage qu’il dénonce, le président du Comité national des marins-pêcheurs nous a déclaré que «depuis 2002 quelque 120 tonnes de corail ont été illégalement pêchées des récifs nationaux et tout aussi illégalement sorties du territoire national, via la Tunisie». Et «qu’en 2007 une italienne, connue dans le milieu interlope de la pêche illicite du corail, sous le sobriquet de «la Mama», a été arrêtée, sur la plage “Le-Caroube”, près d’Annaba, avec, en sa possession, deux tonnes de corail qu’elle était sur le point de leur faire emprunter le même chemin de sortie illégale (du territoire national)». Cet «intérêt» pour le corail algérien, notre interlocuteur l’explique par un certain nombre de raisons. Parmi lesquelles : «sa qualité de couleur rouge, il est, nous a-t-il dit, très recherché dans le monde ; sa valeur : un kilogramme vaut, actuellement, 1 800 euros ; et l’importance de ses «gisements », les plus riches du bassin méditerranéen».
Des faits (le caractère systématique du pillage et ses raisons) que le Comité qu’il préside a, selon Hocine Bellout, communiqués, à maintes reprises, aux autorités compétentes. «En vain», a-t-il amèrement regretté. Non sans ajouter, sur un ton aussi accusateur que fortement irrité, que ces dernières «n’ont ni la volonté ni le pouvoir de faire quoi que ce soit pour mettre le holà à cette grave atteinte à l’économie nationale, et aux richesses de nos fonds marins». Un constat qu’il appuie par le silence des pouvoirs publics sur la proposition que le Comité national des marins-pêcheurs leur a faite, en 2005, «de mettre en place une police de la pêche». Une police qui existe, nous a-t-il dit, «partout à travers le monde et qui aurait pu, s’il elle avait été mise en place, s’opposer efficacement de la mafia qui pille notre corail». Mais pas uniquement à cela. Pour Hocine Bellout, en effet, l’existence d’une telle police aurait pu également mettre un terme à deux autres phénomènes qui menacent dangereusement «l’équilibre écologique et biologique du littoral algérien». Et, par conséquent, «l’activité de la pêche dans notre pays». Le premier de ces phénomènes est «la pêche à la selaâ» ; «selaâ» étant, selon notre interlocuteur, «le terme que les gens de la mer utilisent pour désigner la dynamite». Un explosif qui est ramené, a-t-il ajouté, «en grande partie de l’étranger, notamment du Maroc, et qui est surtout utilisé le long du littoral ouest ; plus précisément, de Bou-Haroun à Ghazaouet».
Avec tous les dégâts irrémédiables sur le milieu marin des zones où il est utilisé : «un bâton de dynamite provoque des destructions sur un rayon de 5 km à la ronde et à une profondeur de 20 m ; des destructions qui durent 50 ans». Et d’ajouter plus explicite : «Durant tout ce temps, aucune espèce de poissons et d’algues ne peut s’y reproduire». Un danger qui prend toute sa dimension quand on sait que le long de notre littoral vivent «194 espèces de poissons et 600 variétés d’algues». Quant au second de ces phénomènes que l’existence d’une police de la pêche pourrait enrayer, il s’agit de la pollution du littoral. Qui a atteint, selon lui, «des niveaux dangereux». Une pollution, généralement, «d’origine industrielle, mais également d’origine domestique». Pour nous donner une idée de la gravité de ce phénomène, notre interlocuteur nous a fait part des conclusions de certaines études faites à travers le monde. Selon ces dernières, nous a-t-il dit, «un gramme de mercure déversé en mer reste intact 3 000 ans ; un mégot de cigarette peut polluer jusqu’à 9 litres d’eau, tout en restant intact cinq années ; un litre d’huile usée, l’équivalent d’une surface d’un terrain de football à 40 m de profondeur ; et 7,5 m3 de déchets, l’équivalent de 100 ha, à la même profondeur».
De là, a-t-il poursuivi, «les nombreuses demandes que le Comité national des marins-pêcheurs a adressées aux pouvoirs publics, pour procéder à la réalisation, en urgence, de stations d’épuration le long du littoral et sur les berges des cours d’eau traversant des zones habitées ou des zones d’activités industrielles». En guise de conclusion, Bellout a tenu à nous déclarer que lui et le comité qu’il préside «continueront, malgré tout ce que cela pourrait leur coûter de «désagréments», à dénoncer tous les dangers qui menacent la pérennité de l’activité de pêche et les ressources halieutiques de notre pays».
Mourad Bendris

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