Partiellement fouillés en 2018, les vestiges de Zakhiku dateraient du milieu du second millénaire avant notre ère. Le réchauffement climatique met à rude épreuve les réserves d’eau de l’Irak, révélant ainsi des sites archéologiques jusqu’alors inaccessibles.
Une fois n’est pas coutume, les vestiges millénaires de l’antique Mésopotamie ont jailli des tréfonds d’un lac et non pas des profondeurs arides du désert. Moins chanceux que Moïse, un site archéologique situé au Kurdistan irakien a été sauvé des flots le temps de quelques semaines. Dans un déluge inversé, la sécheresse extrême, qui a accablé l’Irak l’an passé, a considérablement réduit la retenue d’eau du barrage de Mossoul, sur le Tigre, révélant par la même occasion les linéaments d’une cité de l’âge du Bronze. Les archéologues présents dans la région n’ont pas manqué de se saisir de cette aubaine éphémère. Le site n’est pas inconnu. Indiqué sous le nom de Kemune sur les cartes contemporaines, le lieu-dit s’appelait autrefois Zakhiku. Les mappemondes n’existaient pas encore en ce temps où, en Égypte, régnaient les pharaons de la XVIIIe dynastie, celle d’Akhenaton et de Toutânkhamon. Cette terre mésopotamienne chargée d’histoire, située à une cinquantaine de kilomètres au nord de Mossoul, a été inondée dans les années 1980, après l’ouverture du barrage construit à l’époque de Saddam Hussein. Elle n’avait jamais été fouillée, jusqu’à ce qu’une précédente sécheresse offre, en 2018, l’occasion à des archéologues d’y planter leurs pelles et leurs truelles. Bonne pioche : cette première fouille fait surgir les vestiges d’un palais daté du royaume du Mittani, entre 1550 et 1350 avant notre ère. La rudesse implacable de la dernière sécheresse a cependant dépassé cet épisode précédent. Les besoins en eau des agriculteurs irakiens ne se sont pas réduits en décembre, malgré la douceur des températures, si bien que les réserves déjà bien entamées ont atteint un seuil critique cet hiver. Mais le tragique de la situation a rendu de nouveau accessible le site archéologique de Zakhiku, à peine effleuré en 2018. Épaulés par des archéologues des universités allemandes de Fribourg et de Tübingen, les chercheurs de la Kurdistan Archaeology Organization (KAO) ont pu mettre au jour, entre janvier et février, un ensemble urbain tout à fait insoupçonné. Il a passé la plus belle partie des quarante dernières années sous les eaux du Tigre.
Des tablettes sauvées des eaux
Renouant avec le palais déjà mis au jour quatre ans plus tôt, sans doute le centre politique de Zakhiku, les archéologues ont découvert autour de la structure un pan merveilleusement préservé de la cité mittanienne. De larges fortifications flanquées de tours, des ateliers, un entrepôt monumental… Nombreuses sont les bâtisses de brique à avoir été conservées, parfois jusqu’à plusieurs mètres de hauteur. En complément de la zone fouillée, le relevé en surface du site aurait permis aux chercheurs de cartographier l’intégralité de la superficie de la cité, large de 6 hectares environ.