Aussi paradoxal que cela puisse paraître, les Algérois sont de plus en plus nombreux à fuir les plages du pays. La saison estivale a planté son décor, mais les estivants ne semblent pas enthousiastes à l’idée de passer leurs vacances sur les plages du littoral algérois.
Les images des plages sales et chères hantent toujours les esprits de ces derniers, qui préfèrent dépenser leur argent dans les pays voisins, à l’instar de la Tunisie qui offre de meilleures prestations. Certes, l’initiative est louable, mais quand on voit la façon avec laquelle cette interdiction est appliquée, beaucoup regrettent l’ère des plages payantes. « Il vous est demandé de surseoir à toute procédure de concession de plages ou de portions de plages à des opérateurs privés, hormis celles accordées aux établissements hôteliers et complexes touristiques sur une superficie correspondant à celle de l’exploitation de l’établissement», peut-on lire sur une instruction du ministère de l’Intérieur et des Collectivités locales adressée aux walis des 14 wilayas côtières, relative au déroulement de la saison estivale 2016. Alors que la gratuité d’accès est appliquée, pour la deuxième année consécutive, les plages algéroises étaient hier désertes des estivants. Manque d’animation, de propreté, de culture de la mer…sont remises en cause par les estivants rencontrés, hier, à Palm Beach sur la côte ouest d’Alger. C’est le cas de Merouane, jeune travailleur, qui venait passer ses vacances sur la plage. « Il n’y a plus d’ambiance. Il y quelques années, cette plage était vivante, il y avait de la musique, de la danse, on s’éclatait comme des fous, mais aujourd’hui ils ne sont pas nombreux à venir au bord de l’eau », a regretté notre interlocuteur. Pour lui, la gestion d’une plage c’est bien plus que de louer une table et quatre chaises au prix de 500 DA pour la journée. Aller à la plage est synonyme de détente, de moments de joie et de folies. « Hélas, l’ambiance est devenue pesante de nos jours ici. Je regrette d’être venu », nous a-t-il affirmé. «À l’époque, on dansait sur les rythme du rai, chaoui et un cocktail de RNB offerts par le DJ, installé sur place, les estivants se laissent emporter. Mais ce n’est plus le cas», a encore précisé Merouane ayant l’air nostalgique au beau vieux temps. Cependant, il dira que la décision de l’Etat est compréhensible vu que les plagistes ne cessaient d’imposer leur diktat aux estivants.
Du côté des familles, on déplore plutôt le manque de propreté sur les plages, sans oublier le déficit des infrastructures de base, telles que les douches, sanitaires, ou de vestiaires. Au cours de notre déplacement à la plage de Palm Beach, les nouveaux fonctionnaires de la wilaya qui se chargent de la gestion semblent dépassés et reconnaissent que le métier est «difficile». Même si ces derniers tentent de nous faire montrer les côtés positifs de la décision du ministère de l’Intérieur et des Collectivité locales, mais ces derniers n’hésitent pas à signaler quelques lacunes. Pour eux, le point le plus difficile à gérer reste la «sécurité».
«Dans la mesure où l’un des estivants rencontre des problèmes ici, c’est les fils de la mer qui peuvent intervenir. Ils connaissent le secteur mieux que d’autres», nous dira-t-il, tout en expliquant que leur diktat continue, d’une manière ou d’une autre, à être imposé. Par ailleurs, un autre fonctionnaire a expliqué que sans l’aide des «ex plagistes» nous ne pourrons faire ce travail. «Les plagistes sont des fils de la mer et de la région. Ils ont grandi sur le sable, et connaissent le métier dans ses moindres détails. Pour sa part, un autre fonctionnaire tient la nouvelle buvette, il est satisfait de la nouvelle réglementation. « Ce que le gouvernement a fait est bien. L’Office des parcs, des sports et des loisirs d’Alger (Opla) a permis à beaucoup de personnes dans le besoin de travailler et à la population d’avoir les commodités qu’il faut », explique-t-il. S’agissant du nombre de visiteurs, ils étaient tous unanimes à dire que celui-ci a nettement régressé. « Depuis la fin du mois du Ramadhan, on n’a pas assisté à de grands rushs. Ce que je peux vous dire, c’est qu’il y a eu peu de visiteurs », a déclaré un des fonctionnaires.
Le désarroi des plagistes
Pour les anciens plagistes, leurs affaires sont vite tombées à l’eau. Alors qu’il y a quelques années, l’été constituait leur « capital », cette année ils se retrouvent recrutés comme étant de simple fonctionnaires ne touchant pas plus de 24.500 DA par mois. Samir, un jeune homme, la trentaine, déambule sur la plage pieds nus. Il travaillait à Palm Beach depuis son plus jeune âge.
C’est avec un air triste qu’il affirme qu’il a perdu tout son matériel. Un coup dur pour lui qui ne travaille que la saison estivale. Tout comme Hamid, il a été recruté par la wilaya pour distribuer du matériel, mais ces derniers se plaignent du salaire jugé « très bas ». Pour Samir, la plage a perdu de son charme, contrairement à l’époque ou il la gérait. « On avait plus d’une soixantaine de travailleurs. On les payait à 2.000DA par jour, et aujourd’hui on n’est plus qu’une vingtaine », déplore-t-il en affirmant que «la gestion de la wilaya ne répond pas aux espérances des estivants qui veulent du prestige». «À une époque proche, des vraies discothèques ambulantes se formaient ici. On savait satisfaire nos clients, contrairement à ceux qui de nos jours ne font que que se préoccuper d’assurer une table et quatre chaises aux familles», dira-t-il avec ironie.
Lamia Boufassa