Abderrezak Makri estime que les propositions de convoquer des élections anticipées et une refondation de système politique, formulés récemment par le Président Bouteflika, ne sont en fait qu’ « une copie intégrale » de l’initiative lancée en été dernier par son propre parti, le Mouvement pour la société de la paix (MSP). Une manière de ce leader islamiste, aux ambitions louches, de récupérer le mouvement populaire appelant au changement. Avec une scène politique très agitée et dominée par des protestations pacifiques dans les rues contre un cinquième mandat de Bouteflika et réclamant plus de démocratie, Makri et son initiative de « Consensus national » compte bien reprendre la main, à la faveur de son annonce de se retirer de la course à El-Mouradia. Makri modifie son agenda selon les nouvelles données, il veut désormais récupérer les dernières propositions formulées par le Président Bouteflika, dans sa lettre accompagnant le dépôt de son dossier de candidature par son directeur du staff électoral. « Le pouvoir et certains partis de l’opposition formulent aujourd’hui des propositions qui ne diffèrent pas de celles proposées par le MSP à travers son initiative de consensus national », a-t-il déclaré lundi dernier, se référant aussi à l’initiative de Mazafran, plateforme de revendications politiques lancée par un groupe d’acteurs et de partis politiques, dont le MSP. Le président du MSP a pointé aussi l’indifférence du pouvoir car si les propositions de son initiative « été prises en compte, dès le début, ce qui aurait évité au pays de se retrouver dans la situation actuelle ». Ayant du mal à se remettre de la déception de sa non participation à l’élection, lui qui a défendu, bec et ongles l’option de la participation avant que le Conseil consultatif décide, à la dernière minute, le contraire, Makri a même court-circuité la réunion des partis de l’opposition dans l’après-midi de la même journée – lundi – en organisant le matin une conférence de presse de son parti. En cause des difficultés qui lui complique la tâche, ou plutôt, « le rêve » de Makri, les marches populaires qui gagnent de plus en plus la rue et touchant différentes couches et catégories de la société. Visant à être la seule carte et alternative devant l’État et à être hégémonique dans l’opposition – Makri a refusé d’assister à la réunion des partis de l’opposition initiée par Abdellah Djaballah pour se dédouaner de tout engagement vis-à-vis des élections -, Makri n’a pas encore atteint une masse critique suffisante pour pouvoir changer seul les choses. Il lui faut donc composer avec les nouvelles donnes : « Croyez-moi, quand on est rentré en réunion, personne ne savait qu’on allait prendre une telle décision. Ce n’est qu’au cours des débats qu’il est apparu que 60 % du Madjliss echoura ont choisi d’écouter la rue et les préoccupations des citoyens», tente-t-il d’expliquer. Makri explique ce changement de position par le choix de rejoindre « la voix de la rue et du peuple ». En adoptant de telles déclarations, Makri répète la même erreur faites par les islamistes dans les années 1990, en se montrant vouloir plutôt marcher en ordre dispersé et prendre ses distances avec cet élan populaire qui s’exprime à l’occasion de chaque marche populaire. Makri vise donc le leadership sur ces manifestations et non pas de les suivre et encadrer pour faire aboutir les revendications du peuple. Propulser l’Algérie parmi les dix premiers pays émergents et instaurer un modèle libéral de libre initiative et investissement, tels sont les promesses de campagne de celui qui se voit déjà l’homme fort de l’Algérie avant de voir ses ambitions carrément remis en veille. Pour se faire repêcher, il penche plutôt pour un discours contradictoire : en janvier dernier Makri avait déclaré lors du « Forum de Liberté » que « l’opposition ne peut pas compter sur la rue » ou encore « la rue algérienne est anesthésiée » avant de revenir récemment pour soutenir les protestations dans la rue en posant même des photos de lui en train de manifester lors des deux marches des vendredis passés. Avant l’entame de la course à la candidature, encore Makri avait juré qu’il ne se présenterait pas au cas du cinquième mandat pour Bouteflika, il dira pus tard, devant le grand étonnement des journalistes, qui sont tous restés bouche bée, et après la convocation du corps électoral, qu’il sera candidat aux présidentielles « même en cas de la confirmation de la candidature de Bouteflika ». Un double jeu qui résume bien la méthode Makri.
Hamid Mecheri