L’ancienne athlète nationale et double championne du monde du 1 500 mètres, Hassiba Boulmerka, a fustigé, hier, la politique sportive entreprise actuellement par les autorités publiques, notamment au niveau des financements des fédérations et ligues sportives, qui sont établis dans des circonstances non transparentes.
«Il n’y a pas de transparence dans les dotations financières attribuées aux différentes fédérations sportives », a-t-elle indiqué hier au Forum du Courrier d’Algérie, ajoutant qu’ : « il y a des fédérations qui ont bénéficié de sommes très élevées, mais qui ne disposent d’aucun athlète ou champion national ou africain ». Ces anomalies et constats, faits par la première athlète algérienne à remporter une médaille d’or de sport olympique algérien, sont dus aux réformes des politiques sportives suivies par le pays après 1989, et aussi le manque d’intérêt des responsables pour le sport. Un état des choses qui est dû également aux calculs politiciens qui se font souvent au dépens du sport et montre, fait observer l’interlocutrice, qu’il n’ « y a pas d’engagement politique pour changer les choses ».
«On parle beaucoup des responsables, de ministres, des entraineurs et techniciens que d’athlètes et des joueurs. Or, c’est anormal. L’athlète devrait être au fond de toute politique dans le domaine. Les politiques suivies après 1989 ont été anarchiques et même suicidaires pour le sport algérien », regrette Boulmerka. Pour l’athlétisme, le paysage n’est guère à l’optimisme, note Boulmerka, qui s’interroge sur le rôle que jouent actuellement les fédérations et ligues sportives. Illustrant ses propos, elle souligne le fait que des ligues existent même en n’y comptant aucun athlète et qui continuent de bénéficier d’un budget et autres dotations étatiques alors qu’elles ne disposent pas de clubs et ne forment aucun athlète ou sportif. Tout cela alors que les spécialistes de la scène sportive de pays expriment des craintes quant aux chances de nos athlètes participant aux Jeux africains de la jeunesse se déroulant actuellement en Algérie.
«On est arrivé à une situation catastrophique où l’on ne peut ni former, ni financer, ni encadrer, ni faire rien du tout», s’exclame-t-elle. Boulmerka critique également la politique de sponsoring adoptée par le ministère de la Jeunesse et des Sports pour remédier au faible financement étatique, estimant que cela ne saurait se substituer réellement aux efforts étatiques, car le sponsoring ne profitera qu’aux clubs d’élites et aussi parce que l’économie algérienne n’est pas assez puissante pour permettre un financement durable.
En guise de solutions, Boulmerka préconise une «vraie volonté politique» dans le domaine et de mettre un ministre «qui saura comment rassembler toute la famille sportive et résoudre les conflits». Une sorte de «vrai père du renouveau sportif en Algérie», qualifie Boulmerka, qui affirme ne pas comprendre pourquoi l’État a renoncé à l’ancien modèle de formation engagé depuis l’indépendance. L’abandon de la politique pyramidale engagée par le pays, se basant sur la recherche et la valorisation des compétences n’a pas été remplacé par une sérieuse alternative en place, constate Boulmerka, qui appelle en outre à « des assises sportives pour faire le bilan et s’en sortir avec des solutions afin de ressusciter le sport en Algérie ». « Les compétences ont été sélectionnées dans les écoles et le suivi et les stages étaient continuels. Cela commence déjà avec les Jeux parascolaires qui se déroulaient périodiquement», illustre-elle. «Sortir de cette situation archaïque ne serait arrivé sans deux conditions : soit revenir à l’ancien modèle où le ministère des Sports fait comme avant et qui finance et prend en charge tout sur le plan sportif. Soit donner une autonomie aux ligues régionales et notamment en terme de gestion des moyens matériels et financiers », explique Boulmerka.
«On a mis à la tête de certaines ligues des gens bénévoles auxquels on a donné des sommes d’argent allant jusqu’à 30 milliards de centimes. Comment ils vont faire alors ? Et qu’est-ce que l’on attendait d’eux ? », s’interroge-t-elle, en mettant également en garde contre tout recensement de la politique de formation. «Le sport devient de plus en plus coûteux. Pour réussir dans les différentes compétions sportives il faut y mettre de l’argent. Faute de quoi on risque de recourir au repêchage des athlètes au lieu de les former », analyse-t-elle.
Hamid Mecheri