Depuis ces derniers jours, un déficit de communication est observé chez la maison relookée du Front de libération nationale (FLN), en raison, dit-on, du répit imposé par nombre de ses responsables politiques. Cela s’apparente à un black-out, du moins conjoncturel. Mais, selon une source, au fait des arcanes du parti, durant cette trêve, Saâdani se lance dans une véritable entreprise de récupération d’une bonne partie de ses adversaires.
Par contre, ce qui est pour le moins anodin, c’est que depuis le 10e congrès qui a vu intronisé Amar Saâdani au poste de secrétaire général, la direction politique qu’il dirige peine à communiquer, sous prétexte, et à juste titre d’ailleurs -tentons-nous de le dire- que le comité central (CC) et le bureau politique (BP), deux instances prééminentes de l’ex-parti unique, ne sont pas mis sur pied. Ce constat fait craindre aux partisans de Saâdani qu’il ne soit bien une défaillance stratégique qui jouera en faveur de l’opposition et risque de rallumer la flamme de la contestation de ses animateurs, dont la garde reste de mise. C’est le cas d’un néo-membre du CC qui a fait part de ses appréhensions quant à ce risque encouru, mais qui reste tout de même confiant quant au «plan» de son mentor à la tête de l’ex-parti unique. «Actuellement, les ex-membres du BP et du CC qui assurent toujours la permanence au sein du siège national de Hydra, ont reçu des instructions fermes de ne pas s’exprimer au nom du parti, à juste titre d’ailleurs, tant que la nouvelle équipe du BP n’est pas installée», a révélé notre interlocuteur, rencontré, avant-hier à Alger. Le même responsable qui s’est exprimé bien évidement sous le sceau de l’anonymat a tenu à expliquer cette situation. «Saâdani n’est pas dupe. Malgré qu’il s’en réjouisse du fait qu’il a reçu la caution du président de la République, Abdelaziz Bouteflika, et que le CC est renforcé par un bon nombre de hauts cadres de l’État, à leur tête une dizaine de ministres du Gouvernement, rien ne lui échappe. Il garde un œil vigilant, non pas uniquement sur les plus farouches parmi ses opposants de l’extérieur, mais bien aussi sur ses «partisans» de l’intérieur du parti…», a-t-il souligné. Saâdani a peut-être sous-estimé la «capacité de nuisance» des vieux routiers du FLN, mais pour son partisan, durant cette trêve, le secrétaire général essaie également de récupérer des cadres, jusque-là, se proclamant du camp de l’opposition, a-t-il révélé. L’inébranlable homme successeur d’Abdelaziz Belkhadem, semble même ignorer ses détracteurs à tel point qu’il n’a pas jugé utile d’intervenir pour répondre aux déclarations des adeptes de Salah Goudjil, sénateur du tiers présidentiel, qui maintiennent la pression sur l’actuelle direction du parti, quand bien même elle a eu le quitus et le soutien de Bouteflika. Cette vacance, qu’explique néanmoins le besoin de mise en répit des responsables du parti, pourrait profiter à l’aile de l’opposition qui vient de revenir à la charge, après une brève accalmie observée par ses animateurs avant le congrès. Ceci étant dit, même si Saâdani a gagné la bataille du fait d’avoir réussi à imposer l’organisation de son congrès, la guerre médiatique semble lui faire défaut, du moins tant le CC et le BP ne sont pas là à assurer l’avant-garde du FLN. Cette situation joue bien l’avantage de ses adversaires qui ont, en effet, profité de cette absence pour reprendre du poil de la bête après la déconvenue du congrès, pour rebondir à nouveau et venir demander, là encore, la disqualification de ce congrès et les résolutions y ont découlé. En effet, lors d’une réunion qu’ils ont tenue, jeudi dernier, les frondeurs conduits par Salah Goudjil ont interpellé l’Institution judiciaire et ont promis de faire toute la lumière autour de la «transgression des statuts du parti et des lois de la République, lors du 10e congrès qu’ils jugent illégitime». Lors de cette réunion à laquelle ont pris part les chefs de file et caciques du FLN-redresseur, parmi lesquels Aderrahmane Belayat, Abdelkrim Abada et bien d’autres détracteurs de Saâdani, Goudjil a fait savoir que son équipe «est en train de monter un dossier sur les malversations et irrégularités constatées durant le 10e congrès», et comptent mettre les institutions au pied du mur, afin de faire valoir leur revendication d’annulation pure et simple de la rencontre tenue à la Coupole du complexe olympique Mohamed-Boudiaf, fin mai dernier. De son côté, il est fort à parier que Saâdani qui savoure toujours sa «victoire» face à ses détracteurs, sait pertinemment que beaucoup de choses restent encore à faire, tant la liste de la composante du CC n’est pas encore arrêtée, et tant ce qui conviendrait d’appeler les fosses notes ne sont pas corrigées. Interrogé à savoir quand est-ce que la réunion du CC aura lieu, notre source a affirmé qu’elle n’aura pas lieu avant le mois de Ramadan, et a assuré qu’elle interviendra, sauf circonstance imprévue, peu après l’Aïd, a-t-il dit, l’air confiant.
Farid Guellil
