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Fin du sommet arabe de Nouakchott : la montagne accouche d’une souris

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La 27e session ordinaire du Sommet de la Ligue des États arabes, qui vient de s’achever à Nouakchott, la capitale mauritanienne, n’a pas dérogé à la règle qui caractérise, ces dernières années, les réunions du genre : beaucoup de déclarations pompeuses et aucune décision concrète susceptible d’être rapidement traduite en actes.

Le Sommet de Nouakchott, pompeusement –et à la limite, cyniquement– qualifié de «Sommet de l’Espoir» s’est achevé sur des résultats des plus décevants. Au regard du moment historique, dans le sens où il est porteur de tous les périls pour son devenir, que traverse le Monde arabe. Des résultats qui révèlent la mainmise, plus voyante depuis l’avènement du sinistre et mal-nommé «Printemps arabe», paralysante des pétromonarchies du Golfe sur la Ligue arabe. Une lecture rapide du Communiqué final qui a sanctionné ses travaux confirme, en effet et largement, ce constat : les dirigeants arabes présents à cette Rencontre ayant reproduit leur «péché mignon», mais néanmoins fortement préjudiciable aux intérêts bien compris de leurs États et peuples, de «ponte» de déclarations pompeuses qu’ils savent sans lendemain. Et ce n’est pas le rappel de «leur engagement à adopter les meilleurs moyens pratiques pour faire face aux menaces et dangers qui pèsent sur la sécurité» du Monde arabe, qui pourrait inciter les moins acerbes de leurs critiques à travers le monde à changer d’opinion à leur égard. Surtout que sur un plan plus concret, en clair sur tous les graves sujets inscrits à l’ordre du jour de leur Rencontre de Nouakchott, ils se sont contentés de généralités et d’appels à la communauté internationale à participer à leur résolution. Cette attitude, copie conforme de celle qu’ont toujours adoptée les pétromonarchies du Golfe et les États arabes dits modérés, qui frise le défaitisme, transparaît nettement dans les passages du Communiqué final en question consacrés à la Question palestinienne. Rien dans le contenu de ces derniers, comme tout un chacun peut le constater, au demeurant, n’est au diapason des menaces qui pèsent sur le devenir de la Cause palestinienne, pourtant présentée à chaque Sommet arabe, y compris à celui qui vient de se tenir dans la capitale mauritanienne, «de Cause centrale» du Monde arabe. Et encore moins de la dramatique situation que vit, présentement, le peuple palestinien, et ce, au double plan de la sécurité physique de ses membres et de la préservation de ce –très peu– qui reste encore entre ses mains du territoire de la Palestine historique. D’où le sentiment de malaise, face à l’hypocrisie qui ressort de leur formulation, ressenti à la lecture des passages précités. Notamment à la lecture de celui où les dirigeants arabes, feignant en cela d’ignorer que la France, à l’instar, d’ailleurs, de tous les pays occidentaux, demeure un des soutiens les plus fermes à l’Entité sioniste, de «leur accueil favorable à l’initiative française (appelant) à la tenue d’une conférence internationale de paix» qui serait, summum de la duplicité française et de l’hypocrisie desdits dirigeants, «le prélude à l’arrêt de toutes les activités israéliennes de colonisation». Traduit en termes plus clairs, le dernier terme de l’initiative française accueillie favorablement par les dirigeants arabes réunis à Nouakchott, signifie que l’Entité sioniste peut, jusqu’à la tenue de la conférence envisagée, poursuivre allègrement son programme illicite, parce que’en violation de toutes les Résolutions onusiennes sur la Question, de réalisation de colonies de peuplement ; un programme, faut-il le préciser, qui présuppose la confiscation tout aussi illicite des terres palestiniennes. Le choix du recours aux généralités est également patent dans les passages consacrés aux autres points traités, à Nouakchott, par les dirigeants arabes ; un choix imposé également par les divergences existantes au sein de la Ligue arabe à leur propos. Que ce soit à propos des dossiers syrien, libyen, yéménite, irakien et soudanais, les dirigeants présents se sont contentés d’une formulation dans laquelle tout le monde trouve son compte. Mais sans qu’elle n’indique un chemin concret vers une résolution définitive des problèmes traités, qui préserverait l’unité des pays concernés, et la cohésion de leurs peuples respectifs. Cette situation abracadabrante dans laquelle se meut depuis quelques années la Ligue des États arabes, que la teneur du Communiqué final du Sommet de Nouakchott n’a fait que confirmer, était toutefois, pour tous les observateurs avertis de la scène arabe, parfaitement prévisible. Pas uniquement en raison, sommairement, de la division de fait de l’Organisation panarabe en deux groupes antagoniques : les pétromonarchies du Golfe et les pays qui acceptent leur diktat sur la Ligue (arabe), d’un côté, et ceux, dont l’Algérie, qui rejettent ce diktat. Mais du fait de l’attitude adoptée par les monarchies en question, principalement par leur chef de file, l’Arabie saoudite, dans les conflits constituant les dossiers traités; une attitude qui est loin d’être neutre puisque dans au moins deux de ces conflits, ceux syrien et yéménite, ces pétromonarchies ont fini par y devenir partie prenante: elles font, en effet, partie des Coalitions, internationale, dans le cas de la Syrie, et islamique, dans celui du Yémen, qui y interviennent militairement, directement. Cette absence de neutralité des pétromonarchies du Golfe, dans les conflits qui ensanglantent nombre de pays arabes, est ouvertement revendiquée par leurs responsables. Comble du cynisme, c’est à la veille même de l’ouverture du Sommet de Nouakchott que le ministre des Affaires étrangères du royaume des Al Saoud a cru bon de défendre les positions interventionnistes de son pays dans les conflits syrien, où il est allé jusqu’à exiger, comme préalable à toute ouverture d’un dialogue inter-syrien, la mise hors jeu politique du président Bachar al-Assad, et yéménite. Des positions qui s’inscrivent en porte-à-faux avec les résolutions, pourtant, «généralistes» de la Rencontre de la capitale mauritanienne. Et qui, de ce fait, confirment, on ne peut mieux, le double jeu des États du Golfe et de ceux qui, grâce aux vertus des pétrodollars qu’ils reçoivent en contrepartie, leur sont totalement inféodés, sur la scène arabe : en apparence, ils se font les chantres de l’unité du Monde arabe, de son développement et de la cohésion de ses peuples alors que, dans les faits, ils agissent dans un sens totalement opposé ; un sens qui cadre parfaitement avec les objectifs avoués et cachés du plan américano-sioniste de reconfiguration de la carte politique du Grand Moyen-Orient ; dans la terminologie politique étasunienne, toute l’espace qui couvre le Monde arabe, la Turquie, l’Iran, le Pakistan et l’Afghanistan. C’est par le même procédé de l’utilisation d’une formulation «généraliste», dans le sens où elle permet d’éviter d’aller à la précision des voies et mesures devant y mener, que les «pays forts» du moment de la Ligue arabe ont vidé de son sens la revendication récurrente de l’Algérie d’une réforme en profondeur, synonyme de sa démocratisation, du mode de fonctionnement de l’Organisation panarabe ; une réforme dont l’urgence a été une nouvelle fois soulignée, la veille de la tenue du Sommet de Nouakchott, par Abdelkader Messahel, ministre des Affaires maghrébines, de l’Union africaine et de la Ligue arabe, et, à son ouverture, par Abdelkader Bensalah, président du Conseil de la Nation, qui y représentait le président Bouteflika. Cette dérive dangereuse que connaît la Ligue arabe vient d’être dénoncée par une personnalité politique tunisienne ; une dénonciation dont l’importance réside dans le fait que son auteur appartienne politiquement à la Mouvance islamiste que l’on dit proche des pétromonarchies du Golfe. Membre du mouvement En-Nahda, Rafik Abdessalam, c’est son nom, qui a été ministre des Affaires étrangères dans les gouvernements qui ont suivi la victoire électorale de son parti aux premières élections législatives la fin du régime de Ben Ali, a, en effet, qualifié la Ligue arabe «d’organisation défaillante». Et ce, pour son incapacité –mais est-ce vraiment le cas ?– à régler les conflits et les crises qui affectent nombre de ses membres. Mais également pour la désignation à sa tête, au poste de secrétaire général –mais est-ce vraiment innocent, là aussi ?– de Ahmed Abou el-Gheit, ancien ministre des Affaires étrangères de Moubarak ; un homme, a-t-il déclaré, «inapte à occuper un tel poste (parce que) lié à des agendas étrangers sans rapports avec les intérêts arabes». Des critiques qui donnent plus de poids, en soulignant la nécessité urgente de sa concrétisation, à la récurrente revendication précitée de l’Algérie d’aller, non moins urgemment, vers une réforme de la Ligue arabe.
Mourad Bendris

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