Les potentialités de l’Algérie en matière de gaz de schiste sont considérables, selon les chiffres que vient de dévoiler la compagnie nationale Sonatrach. L’Algérie dispose de 4 940 trillions de pieds cubes (TCF) de réserves de gaz de schiste, dont 740 TCF sont récupérables sur la base d’un taux de récupération (TR) de 15%, selon les évaluations réalisées par la Compagnie nationale avec des compagnies pétrolières internationales sur cinq bassins sahariens. Ces réserves récupérables ont été calculées pour les prospects d’Ahnet, Timimoun, Mouydir, Illizi et Berkine. Avec un TR de 15%, l’Algérie occupe la 4e position mondiale, en termes de ressources techniquement récupérables, juste après les États-Unis, la Chine et l’Argentine. Pour ce qui concerne les réserves à l’état liquide (pétrole, condensat…) dans les cinq bassins cités, elles s’élèvent à 248 milliards de barils. Ces estimations de réserves d’hydrocarbures non conventionnels ont été obtenues grâce à un plan d’action pour l’évaluation du gaz de schiste, entamé en 2009, et devant s’étaler jusqu’à 2018-2020. Durant la première phase de ce plan, étalée entre 2009 et 2010, le groupe Sonatrach a réalisé une évaluation régionale en exploitant les données disponibles (cartographie sismique, diagraphies, indices de forage…). En 2009, Sonatrach a réussi à consolider sa base de données en matière de schiste en acquérant des données complémentaires qui l’ont aidée à affermir les volumes en place le long des sections ciblées. Depuis 2011, Sonatrach mène une opération d’évaluation du potentiel de gaz de schiste, dans les bassins sahariens, pour déterminer les zones les plus favorables pour l’implantation de projets-pilotes. C’est en 2013 que le groupe est passé à une autre étape, celle du forage de puits-pilotes, afin de connaître, entre autres, la productivité de la formation et le type de fracs à réaliser, et de faire l’évaluation économique du projet. Sonatrach a retenu, pour cette étape, la réalisation de trois forages horizontaux, dans le bassin d’Ahnet, avec le concours de trois sociétés de services, sachant qu’elle a déjà fait appel aux services d’une première société pour le premier puits réalisé, et devrait aussi se faire assister par une autre société pour le deuxième puits. Le projet-pilote d’Ahnet devrait s’achever à la fin 2015, affirme-t-on auprès du groupe lequel a également inscrit, dans cette phase de ce plan d’action, la réalisation, à partir de 2016 et jusqu’à 2020, de deux puits-pilotes en partenariat sur les bassins de Berkine et Nord Timimoun.
L’Union internationale du gaz relativise les craintes
Les préoccupations environnementales, liées à l’exploitation du gaz de schiste, dans le monde, doivent faire objet d’une évaluation «rationnelle et objective» devant aboutir à des approches opérationnelles et réglementaires assurant le développement de cette source d’énergie, estime l’Union internationale du gaz (UIG). Dans une publication, intitulée «Gaz de schiste: les réalités sur les préoccupations environnementales», l’UIG relève que, jusqu’ici, le débat sur l’impact environnemental s’est limité à opposer des avis contradictoires entre partisans et opposants à la fracturation hydraulique «sans jamais s’axer sur une évaluation fondée, rationnelle et objective» de ces craintes. Ce travail d’évaluation devra aider à mettre en place des approches opérationnelles et réglementaires devant accélérer et réguler le développement du gaz de schiste «qui joue, désormais, un rôle fondamental dans le mix énergétique mondial», souligne ce rapport de l’UIG, une association internationale regroupant 91 pays membres, dont l’Algérie, à travers l’Association algérienne de l’industrie du gaz (AIG). Concernant la préoccupation, selon laquelle la fracturation hydraulique pourrait avoir des effets néfastes sur les nappes d’eau, l’UIG précise que ce ne sont pas seulement les forages horizontaux qui traversent les nappes d’eau, puisque même les forages verticaux, qui sont une pratique bien établie dans la production du pétrole et du gaz conventionnel, traversent des aquifères, en toute sécurité, sans pour autant provoquer des incidents. «Des millions de puits verticaux ont été forés, depuis l’avènement de l’industrie pétrolière, sans enregistrer des incidents majeurs», souligne l’organisation. Les rares incidents de contamination des eaux souterraines sont dues à des tubages de puits défectueux, d’où la nécessité d’assurer une bonne cimentation de ces installations. En outre, ces incidents ont été vite résolus et maîtrisés par les compagnies pétrolières, selon le rapport de l’UIG.
La perception des risques «souvent excessive»
La perception des risques attribués à l’exploitation du gaz de schiste est souvent excessive, alors que l’industrie pétrolière dispose de moyens, lui permettant de maîtriser ces risques pour peu que les mesures adéquates soient prises, affirme l’expert pétrolier, Francis Perrin, cité par l’APS. «Il existe, aujourd’hui, les moyens de travailler correctement sur le gaz de schiste, compte tenu de l’évolution des techniques et de l’expérience considérable accumulée aux États-Unis», soutient Perrin, président de la société Stratégie et politiques énergétiques (SPE), une société qui édite cinq publications énergétiques, dont Pétrole et Gaz arabes (PGA). Les risques de polluer les nappes phréatiques relèvent plutôt d’un non-respect des normes assurant l’intégrité des forages. La fracturation hydraulique, qui suscite des appréhensions, «est utilisée, depuis plusieurs décennies, par les compagnies pétrolières sans, pour autant, provoquer des controverses jusqu’à ce que l’on parle, tout récemment, des gaz de schiste», a soutenu cet expert.
Mix et sécurité énergétiques
Le gaz de schiste en Algérie doit avoir sa place, à long terme, comme une ressource complémentaire dans le mix énergétique national et ne doit, en aucun cas, être considéré comme «une rente», affirme l’expert Abdelmadjid Attar. Cité par l’A PS, l’ex-P-DG de Sonatrach a déclaré que toute confirmation technique et rentable de gaz de schiste dans les cinq années à venir ne pourrait faire l’objet d’une éventuelle exploitation qu’au-delà de dix à quinze ans. Cette production devra venir, à ce moment, en appoint aux besoins internes du pays, et non en tant que rente, explique-t-il, en insistant pour que ce gaz soit considéré comme une «une alternative partielle et un simple complément à la sécurité énergétique du pays au-delà de 2030». Actuellement, insiste-t-il, l’Algérie est seulement au stade de l’exploration, c’est-à-dire l’étape d’évaluation du potentiel récupérable, si les techniques actuellement existantes permettent son extraction sans risques, dira-t-il. «Dans une décennie, le problème de la sécurité énergétique, en Algérie, deviendra de plus en plus préoccupant vu la croissance de la consommation interne», avise-t-il.
Chems Eddine Chitour plaide pour la poursuite de l’exploration du gaz de schiste
Les études d’exploration lancées par Sonatrach pour le gaz de schiste doivent se poursuivre pour permettre d’évaluer les réserves réelles de cette énergie non conventionnelle, a affirmé l’expert, Chems-Eddine Chitour. «L’étude de gaz de schiste doit se poursuivre, nous devons terminer rapidement la phase d’exploration pour procéder aux évaluations réelles de la ressource», souligne Chems-Eddine Chitour, qui regrette le fait que la seule estimation faite dans ce sens provient d’une étude américaine. Le gaz de schiste est une richesse à exploiter rationnellement et les forages d’exploration sont nécessaires pour maîtriser la technique, considère cet expert, ajoutant que leur faible nombre «n’hypothèquera pas les fondamentaux de la vie au Sahara».
Mohamed Djamel