De nombreuses initiatives gouvernementales et individuelles ont été entreprises ces dernières années dans le domaine de la numérisation du patrimoine culturel, un point important dans le processus de sa sauvegarde qui reste le meilleur outil contemporain de production de données scientifiques et de préservation de la mémoire et de l’identité d’une nation.
Ces expériences qui touchent à plusieurs domaines comme le manuscrit, le théâtre, et le cinéma, restent cependant limitées et insuffisantes devant le chantier colossal que représente l’inventaire et la numérisation du patrimoine culturel algérien dans toute sa richesse.
Le ministère de la Culture avait lancé en 2016 un portail électronique entièrement dédié au patrimoine matériel et immatériel, au cinéma, à la musique, au théâtre et autres formes d’expression avec l’objectif de vulgariser et promouvoir la diversité et la richesse du patrimoine algérien auprès d’un large public. Ce site reste aujourd’hui encore limité à quelques aspects comme la musique andalouse alors qu’une grande partie du contenu n’est pas encore mise en ligne, a-t-on constaté.
Le quatrième art effectue lui aussi depuis cinq ans une numérisation de son fonds documentaire et des 192 productions que compte son répertoire. Vidéos, textes dramaturgiques, photographies et affiches sont accessibles aux chercheurs, étudiants et professionnels de la culture, a indiqué à l’APS Aghiles Messadi, responsable des archives et de la documentation au Théâtre national algérien.
Le patrimoine bâti lui aussi n’est pas en reste avec des projets comme celui des fouilles opérées en 2015 au tombeau de la reine touareg Tin Hinan à Tamanrasset qui a intégré des relevés en 3D permettant la reconstitution et la restauration du monument en cas de dommage, explique l’archéologue et chef de ce projet Farid Ighilahriz. Ce chercheur évoque également l’aspect de la mise en valeur que permet cette numérisation par des opérations virtuelles de promotion.
La numérisation préventive est également au coeur des travaux du laboratoire d’architecture méditerranéenne de l’Université Ferhat-Abbas de Sétif qui a élaboré en 2018 un inventaire en 3D des biens culturels afin de créer une banque de données pour la restauration en cas de dommage.
Les manuscrits, un trésor de connaissances
Les manuscrits restent les biens culturels les plus fragiles et nécessitant une numérisation urgente, particulièrement les manuscrits religieux détenus par des zaouïa ou des particuliers.
Abdallah Baichi, responsable des études et de la recherche au Centre national des manuscrits à Adrar évoque 153 opérations de numérisation effectuées dans ce centre en partenariat avec 85 khizana (bibliothèque traditionnelle). Il estime cependant que le centre rencontre de « grandes difficultés pour récupérer les manuscrits malgré de nombreuses campagnes de sensibilisation des détenteurs ».
Plusieurs universités et institutions ont commencé à numériser leurs fonds documentaire à l’instar de la Bibliothèque nationale, de l’Université de l’Emir Abdelkader à Constantine, du Haut conseil de la langue arabe, du Haut conseil islamique ou encore du Haut commissariat à l’Amazighité.
La numérisation au service du cinéma
Un patrimoine d’un autre genre est également concerné par cette numérisation salvatrice, le septième art nécessite lui aussi des opérations de sauvegarde des anciennes bobines et de passer à d’autres formats.
La Cinémathèque algérienne, plus ancienne et plus importante du continent africain et du monde arabe, a déjà numérisé 15 courts métrages algériens des années 1960.
Le directeur de cette institution, Salim Aggar, explique que ce musée du cinéma dispose de 60 000 bobines pour un répertoire de plus de 5000 films algériens et étrangers, précisant avoir reçu dernièrement un budget pour l’acquisition de matériel de restauration pour enrichir le laboratoire.
De son côté le Centre national du cinéma et de l’audiovisuel (CNCA) a finalisé la numérisation de 16 films des 120 œuvres inscrites, indique son directeur Mourad Chouihi précisant que ces opérations son effectuées « en France, et en Italie où se trouvent encore les copies négatives ».
Le jeune réalisateur Nabil Djedouani a, pour sa part, lancé en 2012 une chaîne sur Youtube et une page Facebook baptisées « Archives numériques du cinéma algérien » qui comptent un grand nombre de films, vidéos, revues, photographies, et affiches avec l’objectif de « faire connaître et promouvoir le cinéma algérien ».