Le Maroc tient ses élections générales, dans un contexte marqué par non seulement les craintes d’un taux d’abstention élevé en rapport avec les précédents scrutins, en raison de la perte de confiance de l’électorat marocain dans la classe politique et voire même le système politique marocain en général, lequel est dominé par le rôle du Roi et son institution royale.
Une méfiance qui s’est accentuée après la présence en force du parti islamiste PJD de Saâd Eddine El-Othmani au parlement et à la tête du gouvernement après avoir miroiter, par des discours de l’islamisme politique qu’il était l’alternative aux partis traditionnels marocains et en mesure d’apporter les solutions aux difficiles conditions socio-économiques du peuple marocain alors que le pays est en pleine crise économique. D’ailleurs les Marocains n’apprécient plus les dépenses, les acquisitions et les caprices du roi atteignant des sommes faramineuses, qu’ils qualifient de « folies » alors que la population marocaine s’enfonce dans la pauvreté. Le journaliste Salah Elayoubi écrivait il ya quelques mois, sur son blog : « les dernières révélations de la presse internationale (sur l’achat de l’hôtel particulier en France) ont largement contribué à amplifier la réputation de cupidité du roi et éroder son capital de sympathie » indiquant que « l’affairisme décomplexé et ostentatoire de la famille royale fait le reste. Mohammed VI se comporte de plus en plus en milliardaire provocateur » affirmant qu’ « Ils sont loin les premiers moments du règne, lorsque le marketing du palais inventait la légende du roi des pauvres. ». Le PJD espère encore décrocher un nombre des 395 sièges du parlement, qui lui permettent un troisième round à la tête du gouvernement marocain, ce qui n’est pas à sa portée, après son maigre bilan durant ces deux derniers mandats, sauf si le passage à l’officialisation des relations maroco-israëliennes sous le règne du parti islamiste a été pour rester en position confortable pour la troisème fois, dans la chambre des représentants outre parmi plus de 31 000 candidats aux élections locales et régionales qui se tiennent aussi aujourd’hui. Alors que ces élections interviennent dans un contexte marqué, par les conséquences désastreuses de la pandémie de la Covid 19, les conditions socio-économique des marocains fortement frappés par les conséquences de la pandémie et la persistance du nombre élevé des contaminations, la machine économique du royaume a été durement secouée notamment dans le secteur du tourisme, lequel garantissait avant la pandémie des gains financiers importants au royaume. Le Maroc fait face à une crise économique en pleine pandémie faut-il le noter. Autre secteur fragilisé alors qu’il assurait des prestations de service en deçà des attentes des citoyens privés déjà par un système de santé à deux vitesses, de couverture sanitaire et d’accès difficile aux soins et médicaments gratuits, la perte d’emploi de milliers de marocains a propulsé de nouveaux arrivants dans le seuil de pauvreté déjà intenable pour des dizaines de milliers d’autres marocains. Même le plan de relance économique annoncé pendant l’été 2020 d’environ 12 milliards d’euros ou d’un projet inédit de généralisation de la couverture médicale d’ici 2025 n’a pas été pour rassurer les marocains quant à leur avenir, non seulement avec la persistance des dégâts de la pandémie mais aussi d’absence de perspectives à l’horizon, traduite par le flux migratoire de milliers de jeunes, garçons et filles du royaume vers l’eldorado européen, via les embarcations de fortunes en Méditerranée ou par le passage vers les enclaves espagnoles de Ceuta et Mellila.
Un scrutin général pour contrer l’abstention résultat du désintérêt des marocains de la classe dirigeante
Pour le scrutin d’aujourd’hui, trois partis politiques marocains, dont les islamistes à la tête du gouvernement et la principale formation libérale de l’opposition ont été unanimes à dénoncer, l’usage illégal d’argent durant la campagne électorale dans le royaume et les marocains se sont demandés qui alors n’a pas eu recours à cet argent sale. Si Abdellatif Ouahbi, secrétaire général du Parti libéral, Authenticité et Modernité (PAM,), formation politique fondée pour rappel, par Fouad ElHimma, un ami du Roi Mohamed VI, a eu à déclarer «nous accusons le Rassemblement national des indépendants (RNI, libéral) d’inonder la scène politique avec de l’argent», le Parti de la Justice et du Développement (PJD a de son côté dans un communiqué condamné «l’utilisation obscène de fonds pour attirer les électeurs et certains superviseurs des bureaux de vote», sans nommer aucun parti. Le RNI, qui appartient à la coalition gouvernementale, lequel parti est piloté par l’homme d’affaires Aziz Akhannouch, une des plus grandes fortunes du royaume, ministre de l’Agriculture depuis 2007, son patron est décrit comme proche du Palais royal, comme ce fut le cas avant lui du fondateur du parti PAM, en l’occurrence Fouad El-Himma. Les trois prétendent pouvoir diriger le prochain gouvernement issu des résultats du scrutin législatif, durant toute une campagne qui n’a pas emballé les marocains, lassés des discours récurrents à chaque rendez-vous électoral et de fausse promesses politiques, alors que leurs conditions socio-économiques poursuivent leur dégradation ainsi que le pouvoir d’achat, situation accentuée depuis près de deux ans par la pandémie de la Covid19. Les 18 millions de marocains appelés à voter aujourd’hui, pour élire, les députés, les élus locaux et régionaux outre qu’il sont confrontés à un modèle de scrutin complexe peinent à voir dans ce vote un nouvel mode de gestion et de gouvernance des affaires de la cité, sur fond du rôle secondaire des institutions du pays quant aux choix et décisions à promouvoir, face à la domination de la parole, la décision et les choix du Roi, comme faut-il le rappeler a été mis au centre du mouvement marocain du 20 février.
Il est à noter que le vote aujourd’hui pour la première fois, le même jour, pour élire les 395 députés de la Chambre des représentants et plus de 31 000 élus communaux et régionaux vise selon les initiateurs de la forme à augmenter le taux de participation, qui avait était de 43 % lors du scrutin législatif de 2016. Une réforme qui va sans nul doute pas atteindre son objectif, au regard du désintérêt affiché par les marocains à l’action politique d’où une campagne électorale des partis en course qui n’a pas réussi à emballer les électeurs. Ces derniers, dans les faits, savent que les grandes décisions dans les domaines stratégiques comme l’agriculture, les énergies ou encore l’industrie, des secteurs en mesure de donner une dynamique socio-économique, notamment par le recul du taux de chômage dont celui des diplômés, émanent d’initiatives royales, indépendamment de qui des partis siège à l’assemblée ou dirige le gouvernement.
Aussi l’opinion marocaine qui s’est et continue de s’opposer à la normalisation des relations avec le royaume chérifien et l’entité sioniste va peser dans le scrutin général d’aujourd’hui, notamment concernant le facteur de l’abstention, l’enjeu majeur de cette élection outre les profondes disparités sociales qui s’accentuent au Maroc.
Karima Bennour