«Si vous osez dénoncer des actes frauduleux, ainsi qu’une gestion précaire d’une entreprise nationale ou même autre, vous seriez automatiquement viré de votre job ! Donc il vaut mieux fermer les yeux et rester motus bouche cousue, pour qu’ils ne vous montrent pas la porte de la sortie.» En effet, c’est le cas de deux membres du conseil d’administration de la Compagnie algé- rienne d’assurance et de réassurance (CAAR), qui ont été licenciés abusivement par le président directeur général, pour cause d’avoir dénoncé certains dépassements au sein de cette compagnie des assurances, malgré les 30 ans de service. Suite au dernier message du chef de l’État sur l’importance de la dénonciation des actes frauduleux au sein de la société, le secrétaire général du syndicat de l’entreprise CAAR, Abdennacer Louni, et le président du comité de participation de cette même entreprise, Mohamed Mehdane, ont dénoncé la gestion «douteuse» de la CAAR dans plusieurs affaires, à l’instar du dossier des œuvres sociales et des dossiers de remboursement des clients. Les ex-membres du conseil d’administration ont tenu à préciser que leur «licenciement abusif» a été fait après leur refus de valider le bilan de l’exercice 2017, présentant, selon eux, de nombreuses irrégularités. «Nous n’avons eu de cesse d’interpeller les autorités, à leur tête le ministre des Finances, afin qu’elles mettent un terme aux incessantes pratiques douteuses érigées en institution, malheureusement, nous n’avons reçu aucune réponse», ont-il soutenu. «L’intérêt que nous portons à cet établissement financier du secteur public, créé en 1963, nous amène aujourd’hui à révéler de graves dépassements au sein de la CAAR. Il s’agit, entre autres, de dilapidations de deniers publics, d’abus de pouvoir exercé par une minorité qui gravite autour du président-directeur général, et bien entendu le laxisme de ce dernier qui laisse faire. Pis encore ; encourageant des pratiques qui relèvent à nos yeux du pénal.» Dans une lettre qu’ils avaient adressée au ministère des Finances, le 1er février dernier, les deux membres du comité avaient expliqué que, suite aux chiffres des bilans annuels «douteux, enregistrés depuis 2005, le comité a voulu initier une mission d’expertise des comptes, conformément à l’article 110 de la loi 90/11, cependant, la direction générale s’est formellement opposée». Une décision qui, selon eux, «cache de nombreuses affaires douteuses». Plusieurs milliards de dinars avaient disparu des comptes de la compagnie et sans aucune justification. Dans ce sens, ils avaient appelé le ministre des Finances à intervenir dans cette affaire, notant que tous les documents prouvant leurs propos ont été joints à la lettre. «Après notre dénonciation, nous avons été menacés d’être licenciés par le P-DG de l’entreprise, et ce, avec des appuis externes, notamment par certaines personnes au sein de la Centrale syndicale, ainsi qu’au sein du ministère», a-t-il précisé. Quelques mois plus tard, a-t-il ajouté, le P-DG de la CAAR a procédé illégalement à la dissolution du comité, sachant que cette décision ne relève pas de ses prérogatives. Au mois de juin dernier, une deuxième lettre a été transmise à la tutelle, où les deux membres dénoncent, une fois de plus, la situation «catastrophique» de leur compagnie, et appellent le ministre à intervenir au plus vite. «À ce jour, nous n’avons reçu aucune réponse de la tutelle pour les deux lettres, bien au contraire, la situation a encore empiré, car nous avons été victimes de licenciement abusif», fait savoir Louni.
Med Wali B.