« Nous continuerons de lutter, nous le jurons ! » : partout dans leur île, des milliers de Cubains réaffirment lundi, signature à l’appui, leur engagement dans la révolution socialiste malgré le décès de Fidel Castro.
Installés dans des écoles, hôpitaux ou des centres de travail, des registres les invitent, non pas à mettre leur paraphe dans un livre de condoléances, mais à signer « le concept de révolution », défini dans un discours du « Comandante » en 2000. « La révolution, c’est le sens du moment historique, c’est changer tout ce qui doit être changé », peut-on notamment y lire.
Manifestement émue, Lecsy Capote, une lycéenne de 16 ans, signe dans le quartier du Vedado à La Havane cet « engagement à préserver le legs du Commandant en chef et à défendre les conquêtes de notre révolution ». Au même moment dans la capitale, sur la place de la Révolution, une foule de Cubains éplorés défile dans le mémorial José Marti pour se recueillir face à un portrait de Fidel. « Fidel est mort mais ses idées vivent », assure, les yeux humides, Caridad Gonzalez Torres, 61 ans, qui a vécu presque toute sa vie avec Fidel Castro au pouvoir. Maintenant qu’il n’est plus là, « Cuba peut changer, mais avec les idéaux tellement ancrés en nous qu’a laissés Fidel, nous n’allons pas changer ». Ceux qui ont connu l’avant-Fidel et sont de sa génération affichent la même confiance, rappelant comment était l’île avant son arrivée, sous le dictateur Fulgencio Batista (1952-1959) : « Cuba avant Fidel, c’était un grand mensonge. La misère, l’absence d’opportunités, la prostitution : ça c’était Cuba », affirme Angel Ierselo, un écrivain de 80 ans. « Nous sommes convaincus que la lutte de Fidel a été juste, extraordinairement juste, et nous poursuivrons sur sa voie ». Dans la file d’attente pour monter au mémorial, certains sont déjà en pleurs. Après avoir traversé la salle d’hommage, sous les injonctions du service d’ordre leur demandant d’éteindre leurs portables et d’avancer vite, beaucoup laissent couler les larmes ou s’effondrent littéralement devant les caméras des journalistes venus du monde entier.
«En chaque Cubain, un Fidel»
S’appuyant sur une canne, Osvaldo Rodriguez Guerra, un retraité de 84 ans, est arrivé dès 5H00 (10H00 GMT), affrontant désormais, sans casquette ni ombrelle, le soleil de plomb pendant qu’il patiente dans la foule. S’il se dit « ému et triste », il assure ne pas être fatigué : Fidel Castro « nous a enseigné la résistance de l’être humain (…). Plus de 638 attentats (qui auraient été fomentés par la CIA, ndlr) et ils (les Etats-Unis, ndlr) n’ont pas pu en finir avec lui. Ils n’ont pas pu le vaincre et ils ne pourront pas nous vaincre. Cuba est socialiste ». « Sincèrement, Fidel nous a tout donné : la santé, l’éducation, la dignité, ce qui fait la fierté d’un peuple ». Son frère Raul, aux manettes depuis 2006, « a notre entière confiance comme si c’était Fidel » et même s’il a déjà dit qu’il partirait en 2018, « ce n’est pas grave, il y a des gens jeunes » prêts à prendre la relève, veut croire Osvaldo. Justement, présent dans la même foule venue rendre hommage au « Comandante », Luis René Allouis, un étudiant en sociologie de 22 ans au torse tatoué d’une croix, jure que si on tentait de renverser le régime socialiste à Cuba, « je prendrais un AK-47 et j’irais dans le maquis, comme Fidel ».
A ses côtés, son ami Ernesto Guevara Rodriguez, un étudiant en philosophie de 23 ans, juge cette éventualité très improbable car « Fidel a laissé sur de bons rails son oeuvre et son pays ». Filmant avec sa tablette, Leonardo Guijarro, un étudiant en histoire de 22 ans, baskets de marque aux pieds, croit lui aussi en l’idéal socialiste. « Fidel est mort mais il est parmi nous. Cette nouvelle si triste nous rend plus forts. En chaque citoyen cubain, il y a un Fidel ».
Difficile de trouver une voix discordante au sein de cette multitude dans laquelle cohabitent écoliers en uniforme, anciens combattants et autres citoyens de tous les âges : tous écoutent attentivement les réponses dès qu’un journaliste interroge l’un d’eux. Fidel Castro, dénoncé par l’ONU et par ses opposants pour des violations des droits de l’homme, a-t-il commis des erreurs ? « Jusqu’à présent, je crois qu’il n’a rien fait de mal », répond Alba Rodrigo, une couturière à la retraite âgée de 67 ans.