Alors que les alliés, dont la France, fêtaient la victoire contre le fascisme hitlérien, en Europe, dans la partie sud du Monde, en Afrique, le système colonial aux pratiques similaires à ceux du nazisme, privait des peuples africains, outre de leurs droits politiques mais aussi de leur dignité.
Soumis pour demeurer au rang de sous-citoyens, car la citoyenneté était le propre du colonisateur civilisé, celui-ci n’admettant pas que des Algériens, enfants, femmes et hommes, jeunes et vieux ont exprimé leur droits légitimes à la dignité et à l’indépendance en scandant « Tahya El-Djazaïr (Vive l’Algérie :ndlr)» a commis durant des jours, en ce mois de mai 1945, les premiers pires massacres, à Sétif, Guelma et Kherata, contre les civils algériens, un génocide que le Monde pensait avoir enterrer, en fêtant, le 8 mai 1945, la fin de la 2eme guerre mondiale.
Un habitant et moudjahid qui avait échappé au génocide perpétré dans les gorges de Kherrata, en faisant le mort, déclarait, dans son témoignage notamment en mémoire des victimes algériennes «je ne pensais pas à la vie puisque je me savais déjà mort et un tel génocide n’est pas fait pour être oublié». La série des massacres avait débuté bien avant le jour du 8 mai 1945, à travers notamment la ville de Sétif et des régions environnantes, des soldats français armés, faisaient le porte-à-porte, obligeant des, enfants, femmes et hommes à sortir de leurs maisons puis les forçant à monter dans des camions… vers l’inconnu. Les cris et les pleurs des bambins retentissaient, notamment du côté de la Gare de Sétif et de Bab, Biskra, lesquelles étaient étouffés par les bruits des rafles qui se faisaient entendre de partout. Ceux qui avaient le reflexe de tenter de prendre la fuite ou de riposter aux soldats français, se faisaient abattre sur le champ. Et à un moment, sur la rue de Constantine, une voix sort de nulle part, criant haut et fort «Tahya El-Djazaïr, Tahya El-Djazaïr», et la volonté du peuple algérien, à en découdre avec sa condition de colonisé, d’indigène et de sous-citoyen, venait de s’exprimer pacifiquement, mais les autorités coloniales françaises se sont empressées d’interrompre cette voix, en criblant de balles, par plusieurs tirs de rafles, le jeune Saâl Bouzid, tombé en martyr, en brandissant les couleurs nationales, avec tant d’autres manifestants. Les responsables politiques et militaires de la France venaient par là, de sonner le début de la fin de leur occupation en Algérie et de la nuit coloniale, moins de 10 ans après, ces exécutions sommaires à travers différentes régions du pays, de civils algériens, enfants, femmes et hommes, la guerre de Libération nationale fut déclenchée, en 1954. Dans un de ses témoignages, le membre de la direction du Parti du peuple algérien (PPA), en 1940, le moudjahid Chawki Mostefaï, a déclaré, en 2010, que « les évènements de mai 1945 ont démontré l’impossibilité de négocier avec la France et c’était les prémices pour l’accélération de la lutte armée» a-t-il souligné. Sur le drapeau que brandissait le jeune martyr Saâl Bouzid, scandant «Tahya El-Djazaïr, Tahya El-Djazaïr», le Dr Mostefaï, dira qu’ «à cette époque, nous n’avions pas l’idée d’un drapeau national, c’était juste pour lever un emblème différent du drapeau français» a-t-il raconté. En fêtant la victoire des alliés sur le nazisme, en ce 8 mai 1945, les autorités coloniales françaises se sont livrées à des pratiques barbares contre le peuple algérien. Outre les exécutions sommaires dont ont été victimes des Algériens, certains, selon des témoignages ont été incinérés morts ou vifs dans les fours de l’usine de fabrication de chaux à Guelma, génocide commis par la France coloniale en Algérie, au moment ou dans la sphère Nord du monde, les responsables de cette même France fêtaient la fin du fascisme Hitlérien et de ses crimes contre l’humanité….
Mais de l’autre côté de la rive sud de la Méditerranée, tout est permis, pour faire taire, la voix d’un peuple exprimant pacifiquement son droit à refuser de vivre sous le joug colonial, sur la terre de ses ancêtres. Intervenant, lors d’un colloque, à Paris, en 2009, sur les massacres de mai 1945, la juriste Nicole Dreyfus, a comparé les crimes coloniaux, en Algérie à ceux commis par les nazis (1939-1945), déclarant «c’est la même chose, ces crimes reposent sur la même discrimination, leurs auteurs utilisaient les mêmes moyens» et d’ajouter ce sont exactement des crimes similaires» a-t-elle affirmé. Usant de tous les moyens pour faire taire et enterrer la voix du peuple, la France coloniale a été jusqu’à jeter des algériens au fond des gorges de Kherata, en les déchargeant des bennes des camions et des avions militaires survolaient les lieux pour achever les blessés. Dans son témoignage sur ces évènements, alors qu’il était lycéen, à Sétif, l’auteur de Nedjma, raconte que c’est là que son nationalisme s’est cimenté. à la tête du cortège, raconte Kateb Yacine, «il y avait des scouts et des camarades du collège qui m’on fait signe et je les ai rejoins (…) immédiatement, ce fut la fusillade, suivie d’une cohue extraordinaire». Et ne sachant où aller, poursuit-il «je suis entré chez un libraire, je l’ai trouvé gisant dans une mare de sang. Un ami de mon père qui passait par là me fit entrer dans un hôtel plein d’officiers qui déversaient des propos racistes». Poursuivant son récit, il dira qu’«il y avait là, mon professeur de dessin, une vieille demoiselle assez gentille, mais comme je chahutais dans la classe et ayant parlé une fois de faire la révolution comme les Français en 1789, elle me cria :- Eh bien, Kateb, la voilà votre révolution, alors, vous êtes content ?- et c’est en 1945 que mon humanitarisme fut confronté pour la première fois au plus atroce des spectacles» a déclaré K.Yacine. « J’avais vingt ans.
Le choc que je ressentis devant l’impitoyable boucherie (…) je ne l’ai jamais oublié. Là se cimente mon nationalisme.»
Karima Bennour