«Les collectivités locales doivent, dorénavant, jouer un rôle de provocateur de développement». C’est Abdelatif Benachenhou, ancien ministre des Finances et économiste de son état, qui le soutient. Il l’a fait, avant-hier, lors d’une conférence-débat que le CARE (Cercle d’action et de réflexion autour de l’entreprise) a organisée, en son siège algérois, sous le thème expressif «Innovations pour le développement des territoires».
Un rôle qui présuppose, a-t-il déclaré, «la modernisation de leur gestion». Notamment en matière de finances, dont «la réforme est une urgence», a-t-il ajouté. Dans ce cadre, il a recommandé ce qu’il a appelé « une reconstruction de la fiscalité locale » de telle sorte que puissent être identifiées, pour reprendre l’expression qu’il a utilisée, «les villes riches et les villes pauvres». Et dans la foulée, de rendre possible la non moins nécessaire réorientation «du budget de l’état» en direction «des seules wilayas pauvres» ; les autres, celles disposant «de ressources locales», telles des recettes fiscales, douanières ou générées par l’existence d’un domaine public important, «peuvent, en cas de besoin, a-t-il expliqué, recourir au marché financier ou bancaire». Se voulant plus explicite sur ce point, l’ancien ministre des Finances a précisé que «les territoires qui ont assez de ressources peuvent aller à l’emprunt pour financer des équipements déterminés». Non sans ajouter, à l’évidence, pour «balayer» l’argument, au demeurant, fondé, d’absence de compétences au niveau local pouvant mener à bien ce genre d’opérations, que ne manqueront pas de brandir ceux que toute réforme un tant soit peu audacieuse effarouchent, que «des spécialistes (algériens) en la matière peuvent aider ces territoires à appliquer ce mode de financement». S’adressant, à l’évidence, là aussi, mais cette fois-ci, aux partisans de l’égalitarisme envers et contre tout (et tous), Abdelatif Benachenhou a appelé « les collectivités locales à accepter, en terme de dotations publiques, un traitement différencié ». C’est, a-t-il poursuivi en guise d’explication, un moyen sûr d’arriver à ce que «l’ensemble des territoires se développent à la même cadence ». Comme pour souligner l’urgence d’aller vers les réformes qu’il préconise, l’ancien ministre des Finances – il l’a été à deux reprises : une première fois, entre 1999 et 2001, et une seconde fois, entre 2003 et 2006 – a rappelé les conclusions auxquelles a abouti une récente – elle date de décembre dernier – du ministère de l’Intérieur portant sur les disparités existantes, en matière de ressources financières, entre les 1541 communes du pays. Selon lesdites conclusions, en effet, «62% de ces communes», soit 958 de ces entités, sont classées «pauvres» ; «31%,» soit 480 communes, «moyennes» ; et «seulement 7%», soit 103 communes, «riches». Revenant à son idée première de donner aux collectivités locales «le rôle de provocateur de développement», Abdelatif Benachenhou a tenu à déclarer que cet objectif ne peut être atteint que dans le cas, «impératif», a-t-il souligné, «où une révision de la stratégie nationale de l’investissement» est opérée. Seul à même, selon lui, «de créer le développement et la richesse», l’investissement en question doit être, a-t-il soutenu, «impérativement orienté vers le développement des filières primaires» que sont «l’agroalimentaire, les manufactures et le médicament». Dans un registre rapproché, l’ancien ministre des Finances a saisi l’occasion de cette conférence-débat pour saluer les nouvelles dispositions introduites, sur le plan économique, par la nouvelle Constitution. Notamment, celles relatives, a-t-il dit, «à l’égalité consacrée entre les secteurs économique privé et public», et «à l’élargissement de la mission de contrôle de la Cour des comptes, jusque-là limitée aux seules finances publiques, au secteur public marchand».
Mourad Bendris