Toutes les lectures s’invitent au débat autour de la question fastidieuse de l’heure, celle de la chute vertigineuse des prix pétroliers, qui laisse supposer une certaine incertitude sur les économies, parmi celles dont les ressources s’agrègent sur la production de l’or noir. Certes, le constat était prévisible depuis plus d’une année, déjà. Mais la récente immersion enregistrée par le baril de pétrole, plongé au-dessus de 30 dollars, fait parler, de nouveau, les spécialistes. C’est le cas de l’ex-P-DG de Sonatrach, Abdelamadjid Attar, qui a fait part, hier, de son analyse sur un contexte qu’il dit être difficile à conjecturer. Dans tous les cas de figure, la problématique ne peut être posée en dehors du contexte international, tant les cours pétroliers sont régis par les règles du marché mondial. Mais, il n’est pas non plus dans l’intérêt du pays de rester en position d’observateur. Car, assister impuissant à ce qui se passe n’est pas le bon choix, à même d’espérer un rebondissement de la valeur monétaire du pétrole. Faut-il, à ce titre, placer l’économie dans les nouvelles orientations mondiales qui se dessinent à l’horizon, et qui se focalisent sur les énergies renouvelables et les nouvelles technologies, comme moyens garants d’un développement durable. Revenant au prix du pétrole. Pas loin qu’hier lundi, les cours du Brent de la mer du Nord, référence du pétrole algérien, sont cotés à 29,07 dollars le baril. De l’avis des experts, les raisons de cette décadence s’incombent à l’abondance de la production mondiale, en cette matière énergétique, estimée à 2 millions de baril, alors que la demande tend vers le bas. Pour renverser la donne, il est bien entendu, comme l’a formulé l’Algérie sur la tribune de l’OPEP, dont elle est membre, de revoir à la baisse le volume de production du niveau de l’Organisation. En dépit du branle-bas de combat et du travail de lobbying mené à cet effet, des pays parmi les grands exportateurs de l’OPEP, à leur tête l’Arabie saoudite, ont été réticents à l’idée de baisser la production. D’autre part, les stocks américains constitués de réserves importantes en hydrocarbures de schiste, et d’une surproduction de l’Iran susceptible d’être écoulée sur le marché international en prévision de la levée des sanctions économiques contre ce pays. Téhéran a même annoncé une surélévation de sa production pour atteindre 500 000 barils/jour. Dans ce même contexte, la crise prévalant en Chine, de surcroît, une puissance mondiale de par sa marge de croissance économique élevée, a causé un recul de sa consommation énergétique interne. En tout état de cause, ces facteurs ne sont que des indices qui n’augurent pas d’un rééquilibrage des prix, du moins durant l’année 2016. C’est autour de cette problématique lancinante que l’ex-P-DG du groupe Sonatrach a esquissé son analyse. Intervenu sur les ondes de la Chaine 3, Abdelmadjid Attar tente de dissiper les ardeurs, nées des derniers chiffres qui donnent froid dans le dos. Il estime que les niveaux enregistrés par le baril à l’heure actuelle, entre «28,30 et 35 dollars le baril (sic)», sont un plancher infranchissable. Et pour cause, selon lui, ces prix représentent un seuil qui correspond au coût moyen de la production mondiale qui s’établit au minimum à 25 dollars le baril dans les zones offshores, alors qu’il atteint parfois 40 dans d’autres zones, a-t-il expliqué. Qu’en est-il des estimations des experts qui prévoient des baisses pouvant aller jusqu’à 20, voire 10 dollars ? Attar, non moins vice-président de l’Association algérienne de l’industrie du gaz, récuse cette expertise et pense qu’il est «impossible» de présager un tel niveau de recul. Ce n’est tout de même pas une affirmation, sachant, a-t-il indiqué, que faire des prévisions relève, aujourd’hui, d’une tâche «extrêmement difficile», en raison, semble-t-il, de la complexité dans laquelle baigne l’évolution du prix du baril.
D’ailleurs, au début de la crise en été 2014, les spécialistes, les pays producteurs d’hydrocarbures et même les experts du FMI ont annoncé un niveau de 60 dollars/baril comme plancher en terme de baisse des prix. Mais, les chiffres effarants enregistrés récemment ont remis en cause toutes ces prévisions, a souligné Attar, comme pour étoffer son argumentaire. En revenant sur la genèse des crises pétrolières, l’expert national prévient que la situation actuelle n’est pas similaire à celle des années 86 ou de 2008. Pour lui, jusqu’alors, les prix du pétrole répondent à des considérations géopolitiques inhérentes aux instabilités sécuritaires et répondent aussi, selon ses explications, à la loi de l’offre et de la demande. Ce qui n’est pas le cas du choc pétrolier prévalant à l’heure actuelle dans le monde, où «la situation est complètement différente». Qu’est-ce qui peut donc expliquer cette nouvelle donne ? La réponse réside, selon l’hôte de la Chaine 3, dans les évolutions économiques en cours dans le monde. En effet, de plus en plus, les pays parmi les plus émergés adoptent de nouveaux modes productifs et de consommation basés sur les énergies renouvelables et les progrès technologiques. C’est ce qui fait que le monde d’aujourd’hui «consomme moins». À titre d’exemple, il n’y a qu’à se référer à l’industrie automobile, où les constructeurs misent sur la réduction du carburant pour comprendre cette baisse ascendante dans la consommation des énergies fossiles, a expliqué Attar. D’ailleurs, contrairement à ce que présagent les experts, l’ancien patron de Sonatrach ne pense pas que l’Iran va peser gravement sur le cours des marchés pétroliers. Pour lui, ce pays ne pourrait atteindre les volumes élevés de production annoncés, comme le prétend-on. À comprendre, par ces propos, qu’il y a là spéculation sur les prix, qui reste tout aussi un facteur aggravant dans la fluctuation des marchés. D’autre part, la consommation de l’énergie gazière, qui va crescendo au détriment du pétrole, est, pour lui, une nouvelle donne qui ne ferait que précipiter davantage la chute des prix de l’or noir. Des raisons, somme toute, qui laissent croire à Attar que les marchés pétroliers et l’économie mondiale sont soumis à une sorte d’un nouvel ordre mondial qui ne dit pas son nom, et qui augure d’une crise internationale, a laissé entendre l’expert national. S’agissant de la marge de manœuvre de l’OPEP, Attar déplore un manque de solidarité des pays membres, et estime que l’Arabie saoudite qui aurait pu peser de son poids ne pourrait revoir à la baisse sa production.
Épuiser le FRR ou bien recourir à l’endettement, le dilemme
Évoquant l’impact de la crise pétrolière sur l’économie nationale, Attar estime que le plan anticrise, adopté par le gouvernement, ne pourrait donner des résultats de manière prompte. Selon lui, il faudra attendre d’ici 3 à 4 ans pour jauger les mesures prises, et dire, à ce moment là, si cela aurait marché. Devant la chute des ressources de la rente pétrolière, l’ex-P-DG du groupe pétrolier national pense que l’Algérie a dû son salut au FRR (Fonds de régulation des recettes) et les réserves de change, qui représentent une certaine garantie pour la couverture des importations. Même si, d’autre part, il pense que le pays n’a pas le choix que d’épuiser le FRR pour le besoin national ou bien de recourir à l’endettement international, ou à l’emprunt obligataire. Quand bien même l’option de s’orienter vers le financement du FMI a fait craindre plus d’un, parmi notamment experts, économistes et la classe politique, Attar estime, lui, qu’«il est temps de penser sérieusement à l’endettement». Et pour cause, cet impératif est dicté, selon lui, par le besoin de financer les projets d’envergure et les infrastructures publiques. Pour ce qui est de la diversification de l’économie, l’expert pense qu’il faudra du temps pour passer à l’économie productive et s’affranchir de la dépendance aux hydrocarbures.
Farid Guellil