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Ces migrants qui meurent et disparaissent en Méditerranée

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Par Ali El Hadj Tahar

Des milliers de migrants sont morts ces dernières années en Méditerranée, devenue un cimetière pour eux. En dépit de ces records macabres, connus de tous, pourtant la route maritime la plus mortelle au monde continue encore à attiser la passion de la harga, ce désir de larguer les amarres pour se retrouver en terre des « libertés », du travail, du bonheur. Mais les terres promises ne sont pas toujours aussi certaines qu’on le croit. Semées d’embuches, les routes menant à l’Eldorado n’arrêtent pas de faire des victimes, laissant des milliers de familles éplorées.
Le naufrage le plus mortel a eu lieu en 2016, loin des côtes italiennes, lorsqu’un un bateau de pèche a chaviré avec à son bord 500 migrants dont seuls 162 ont pu être sauvés. Pour ne pas remonter très loin, rappelons qu’en juillet 2018, soixante-trois migrants étaient portés disparus après le naufrage de leur canot pneumatique au large de la Libye, selon le porte-parole de la marine libyenne. Seuls 41 migrants passagers du canot, portant tous des gilets de sauvetage, ont pu être secourus. En juillet 2019, un autre naufrage, également au large de la Libye, a laissé sans vie de nombreux migrants dont les secours ont repêchés 62 corps sur les côtes.
En 2019, l’Organisation internationale des migrations (OIM) a recensé 1283 décès avérés en Méditerranée. Le dernier épisode de cette longue série de tragédies remonte au 9 février dernier, quand au moins 91 personnes ont été portées disparues au nord de Garabulli, en Libye. Le 14 février, un navire transportant 18 personnes a quitté l’Algérie. Le sort de cette embarcation reste incertain, selon Paul Dillon, porte-parole de l’OIM. Un autre navire a échoué le 11 janvier 2020 en mer ionienne, près de la Grèce. Douze des 50 personnes qui étaient à son bord sont mortes et vingt seulement ont pu être sauvées, les autres étant portées disparues. Le dernier drame de la Mare Nostrum a fait passer à 20 000 le nombre de décès de migrants et de réfugiés en Méditerranée depuis 2014, selon l’OIM. Mare nostrum est une expression latine qui, traduite littéralement, signifie « notre mer » en évoquant la mer Méditerranée. Cette expression date de l’époque où les Romains avaient déjà vaincu les Berbères Carthaginois lors de la deuxième guerre punique, de 218 av. J.-C. à 201 av. J.-C. Ils étaient alors en mesure de contrôler la Méditerranée et toute sa côte maritime au point où ils la considéraient comme une sorte de « piscine de maison », d’où l’expression mare nostrum. Mais tout Romains qu’ils étaient, ils évitaient l’océan, qui se situait au-delà des colonnes d’Hercule. Il n’est pas évident qu’aujourd’hui, longtemps après la défaite des Carthaginois, les gens du Sud puissent considérer la Méditerranée comme une piscine. Pourtant ils s’échinent à la traverser avec les moyens du bord, comme autrefois, les Romains l’ont affrontée, mais pour aller au Sud, eux, et pour des raisons différentes, allant en conquérants comme l’avait fait avant eux et contre eux un certain Hannibal.
On m’a parlé d’un père, très éploré, quelque part en Algérie, qui refuse d’aller identifier ce qui resterait du corps de celui qui pourrait être son harrag de fils. On l’a appelé de l’ouest du pays, et il refuse d’ajouter de la souffrance à sa souffrance. Il refuse de voir un corps mutilé dans une morgue, acceptant de vivre entre espoir et désespoir. D’ailleurs, quel morceau de tissu ou de soulier pourrait lui prouver qu’il s’agit bien de son fils ? Que pourrait-il trouver de reconnaissable sur un corps sans vie, déformé depuis longtemps par le sel… ? Mais pourquoi cet acharnement à quitter le plus beau pays du monde ?
A. E. T.

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