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Camps de concentration : Des films documentaires consignent les crimes coloniaux

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La torture pratiquée par la France coloniale en Algérie depuis le début de l’occupation jusqu’à la veille de l’indépendance, la politique de déplacement des populations autochtones et les camps de concentration sont des questions ayant suscité l’intérêt de nombreux chercheurs, historiens et cinéastes, qui ont décidé de consigner les témoignages de moudjahidine et d’anciens condamnés à mort afin d’exposer, au grand jour, des violations flagrantes des droits de l’homme dont les séquelles persistent encore aujourd’hui.

Les historiens et les chercheurs en histoire d’Algérie s’accordent à dire que la France coloniale a pratiqué la torture dès 1830 et n’a eu de cesse de martyriser les civils et les prisonniers tout au long de sa présence en Algérie. Ces pratiques ont laissé des séquelles physiques et psychiques sur les moudjahidine et les familles des martyrs qui ont vécu la torture ou les déplacements forcés vers les camps militaires, selon les déclarations de l’avocat des militants et révolutionnaires du Mouvement national et de la Révolution, le regretté Amar Bentoumi, dans le documentaire « Silence, on torture ». Après des années de lutte et d’écriture de l’histoire, « nous avons pu mettre à nu la réalité de la France coloniale et dévoiler au monde son vrai visage, de bourreaux qui foulaient aux pieds les droits de l’Homme, notamment le droit à la dignité et à la liberté », avait-il indiqué.
« Avec un occupant qui a été jusqu’à coudre les lèvres des moudjahidine, il ne pouvait y avoir d’autre moyen de dialogue en dehors des armes, » a-t-il expliqué. Réalisé par Mohamed Guettas, le documentaire « Silence, on torture », dont le scénario est signé par Abdelouahab Benmansour, braque la lumière sur les centres de torture, théâtre des pires crimes contre l’humanité, à travers des témoignages vivants de moudjahidine, qui reviennent, non sans peine, sur des scènes de sang et des méthodes de torture imaginées par la soldatesque française pour supplicier les révolutionnaires en les plongeant dans une spirale infinie de douleur et de souffrance. Grâce à des témoignages vivants, ce film documentaire (produit par le ministère des Moudjahidine) révèle au Monde des crimes contre l’humanité imprescriptibles que la France coloniale a tenté depuis d’occulter à travers ses directives et lois.
Parmi ces témoignages, ceux des moudjahidine Boudjamaa Fellah et Abdelkader Ben Kacimi qui ont évoqué la gégène, le passage à tabac, le viol, la bassine de nuit et bien d’autres méthodes de torture aussi cruelles les unes que les autres. Les moudjahidine Mohamed Bakir et Ameur Hadjersi ont reconnu être encore hantés par les supplices qui leur ont été infligés.
Le documentaire évoque également l’ordonnance N11 cosignée par le ministre de l’Intérieur, Maurice Bourgès Maunoury et le ministre de la Défense, le général Pierre Kœnig, en juillet 1955 portant « adhésion totale et complète du Gouvernement français dans la guerre d’Algérie », et qui stipule de facto d’ouvrir le feu sur tout Algérien dont les mouvements sont suspects.
Au mois d’août de la même année, une autre instruction signée par le ministre de la Justice, Robert Schuman et le général Kœnig précise la conduite à tenir en cas de plaintes pour des crimes perpétrés par les forces de l’ordre, à savoir l’annulation de la responsabilité pénale des auteurs et le classement sans suite des faits, car justifiés par les circonstances, la nécessité, ou l’ordre de la loi. Autrement dit, le pouvoir civil garantissait aux bourreaux la protection et l’impunité, souligné la même source.
« Silence, on torture » consigne la tragédie du peuple algérien, à travers des photos et des séquences d’archives que les enfants d’aujourd’hui auraient peut-être du mal à regarder, mais qui étaient bel et bien le lot quotidien des Algériens loin des yeux des médias étrangers. A présent, ils sont le témoin de l’atrocité abominable du colonisateur et de sa transgression de tous les us et lois garantes de la dignité de l’être humain et de son intégrité physique et morale.

Camps de concentration : le cas de Bouhmama (1954-1962)
Chercheure en histoire à l’Université de Tours en France, Ouanassa Siari Tengour précise, dans le documentaire d’Abderezak Hellal sur les centres de concentration dans les Aurès, que les premiers déplacements forcés des populations autochtones de leurs dechras et faubourgs avaient débuté en novembre 1954 dans les environs d’Oued El Abiod et Oued Addi. Elles furent placées dans ces camps sous haute surveillance militaire. Elle évoque, à ce propos, la journée du 19 novembre 1954 lorsque les parachutistes du Colonel Ducourneau ont atterri sur les mechtas de « Hambla », « Akriche » et « Boucetta » où ils ont obligé les femmes à mettre le feu à leurs maisons avant de tirer à bout portant sur celles qui ont refusé et opposé une résistance, à l’instar des chahidate Mansoura et Djoumoua Bouchetta, Fatma Djaghrouri et Fatima Berrehaïl. Plus précise, l’historienne souligne que le Colonel Ducourneau avait été chargé par le général Cherrière de «la mise en oeuvre » des ordres de déplacement de la population des Aurès vers les camps de concentration, avec « l’accord des autorités civiles », c’est-à-dire l’accord du Gouverneur de Constantine Dupuche , du Gouverneur général Roger Léonard et du ministre de l’intérieur François Mitterrand.

Révolution algérienne: les offensives du 20 août 55, un acte sauvagement réprimé dans le sang
Selon la chercheure, le Général Georges Parlange, ramené du Maroc où il avait acquis une grande expérience dans l’apaisement des tribus et une parfaite maitrise de la langue amazighe, « avait joué un rôle important dans la consécration de l’expérience des camps de concentration ». Le nom de cet Officier des Affaires indigènes, arrivé dans la région (Aurès) début 55 et investi des pleins pouvoirs militaires et civils, est étroitement lié aux Sections administratives spécialisées (SAS), dont la finalité était le contrôle des populations placées dans ces camps.
Le documentaire reprend également le témoignage de Marc Garanger, photographe officiel au sein de son régiment, qui raconte que « les soldats français rasaient les villages d’origine et obligeaient leurs habitants à reconstruire d’autres à proximité des postes militaires entourés de barbelé. Appelés nouveaux villages, ils étaient en réalité des camps de regroupement coloniaux ». Dans la commune de Bouhmama, les Moudjahidine se rappellent le massacre de 45 civils, hommes, femmes et enfants, dans la forêt de Béni Imloul et comment cette paisible localité a été transformée en lieu de torture par le colonisateur dès qu’il y ait mis les pieds le 4 novembre 1954. Un grand camp de regroupement est créé dans la zone d’Afraksou, avec trois accès et 11 postes de contrôle, incluant les Douars d’Ouldja, de Mellagou et de Chélia. D’autres centres ont été créés dans la région des Aurès comme Toughlane, Ouldja, Khirane, Aïn Mimoune et Kaïs.Une année avant l’indépendance (1961), le nombre de ces centres s’élevait à 2.392 regroupant plus de 1,9 million d’Algériens, souligne la chercheure Siari Tengour, citant des statistiques françaises.

Main Rouge : les crimes occultés
Acculée par son échec à faire face à la Révolution de libération, la France coloniale a eu recours à des méthodes totalitaristes pour anéantir l’Armée de libération nationale (ALN) et tous ses sympathisants à l’intérieur et à l’étranger. L’organisation « Main rouge » a été, ainsi, une autre preuve de l’abominable en termes de racisme et de persécution du colonisateur français.
A travers leurs témoignages dans le cadre de leur participation au film documentaire « Main rouge : les crimes occultés », les chercheurs en histoire ont été unanimes à relever que cette organisation avait incarné « la dérive institutionnalisée » de la colonisation française. Le documentaire met en lumière les circonstances de l’apparition de cette organisation « fantoche » utilisée par les services de renseignement français pour neutraliser les dirigeants, les sympathisants et soutiens de la Révolution.
A ce titre, le scénariste Mustapha Ait Mouhoub précise que le film « jette la lumière sur une étape très sensible de l’histoire de la révolution algérienne », une étape qu’il qualifie de « guerre de l’ombre », « et qui est peu connue, car l’œuvre de la section Action des renseignements français », explique-t-il.
Preuves historiques à l’appui, ce document visuel illustre le recours du colonisateur à des méthodes extrêmes pour saper toute entreprise de libération de l’Algérie, et comment le FLN a réussi, quant à lui, à faire face aux exactions de la « Main rouge » en réorganisant ses actions sur le territoire français, à partir de 1958, selon les témoignages de Dahou Ould Kablia, Omar Boudaoud et Daho Djerbal.

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