La présidente réélue en 2014 se dit victime d’un « coup d’État » institutionnel. Sa mise à l’écart laisse le Brésil dans un chaos politique et économique.
Voilà, c’est fini pour Dilma Rousseff. Une large majorité de sénateurs a écarté du pouvoir la présidente brésilienne de 68 ans ce jeudi. Elle devait être remplacée dans la journée par son vice-président Michel Temer, qu’elle accuse de « coup d’État » institutionnel. En pleine tourmente, le géant émergent d’Amérique latine pourrait tourner ainsi la page de treize ans de gouvernements du Parti des travailleurs (PT), ouverte en 2003 par l’ex-président Luiz Inácio Lula da Silva, qui a présidé au boom socio-économique brésilien des années 2000. Les sénateurs ont voté à une large majorité de 55 voix (sur 81) l’ouverture formelle d’un procès en destitution de l’impopulaire dirigeante de gauche, accusée de maquillage des comptes publics, au terme d’une session historique entamée mercredi matin. Mme Rousseff, 68 ans, est par conséquent automatiquement écartée de la présidence pendant un délai maximum de 180 jours, dans l’attente du jugement final des sénateurs où un vote des deux tiers (54 sur 81), déjà dépassé jeudi, sera requis pour prononcer la destitution. Celui-ci pourrait intervenir en septembre, entre les Jeux olympiques de Rio de Janeiro (5-21 août) et les élections municipales d’octobre.
Dilma Rousseff devait s’exprimer jeudi après-midi, avant de quitter le palais présidentiel du Planalto et de prendre un bain de foule avec ses partisans. Le Parti des travailleurs a en effet convoqué ses élus et militants devant le siège de la présidence sous le mot d’ordre « Nous n’acceptons pas un gouvernement illégitime ». Ce futur gouvernement sera dirigé par le vice-président Michel Temer, 75 ans, ancien allié de Dilma Rousseff devenu rival, dirigeant du grand parti centriste PMDB qui a claqué la porte de sa coalition fin mars. Il s’adressera à la nation à 15 heures (19 heures en France) de la présidence, accompagné de son ministre des Finances Henrique Mereilles, selon le site d’information UOL. Il devrait annoncer la formation d’une partie de son gouvernement, centré sur le redressement économique.
Le pape concerné
Lors de son audience hebdomadaire sur la place Saint-Pierre à Rome, le pape François a dit espérer que le Brésil, « en ces moments de difficultés, avance sur le sentier de l’harmonie et de la paix, avec l’aide de la prière et du dialogue ». Des barrières métalliques ont été montées devant le Parlement à Brasilia pour séparer partisans et adversaires du gouvernement et 1 500 policiers ont été déployés.
Dans la capitale économique, São Paulo, des manifestants pro-Rousseff ont dressé des barricades pour bloquer certaines rues. Cette féroce bataille politique atteint son point culminant à trois mois de l’ouverture des Jeux Olympiques de Rio de Janeiro, décrochés en 2007 par l’ex-président Lula da Silva, mentor politique de Dilma Rousseff, en plein boom socio-économique. Le géant émergent d’Amérique latine, septième économie mondiale, tangue aujourd’hui au milieu de la plus grave crise politique de sa jeune histoire démocratique.
Ce pays continent de 204 millions d’habitants est englué dans sa pire récession économique depuis des décennies : PIB en recul de 3,8 % en 2015, et probablement autant en 2016, envolée de la dette, des déficits, du chômage, inflation proche des 10 %. Une grande partie de l’élite politique a été rattrapée par l’énorme scandale de corruption Petrobras, qui éclabousse de plein fouet le PT au pouvoir depuis 2003 et le PMDB de Michel Temer.