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BOUALEM AMOURA, S.G DU SATEF, MEMBRE FONDATEUR DE LA CONFÉDÉRATION DES SYNDICATS ALGÉRIENS : «L’Algérie aura beaucoup à gagner à agréer la CSA»

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Ce projet syndical couvait déjà au début des années 90. Il a traversé deux longues décennies. La première a connu l’amorce de l’ouverture démocratique en Algérie avec l’éclosion du champ politique et l’avènement transpartisan. Quant à la seconde, elle aura été marquée par une montée du front social quoique le mouvement syndical ait connu aussi ses années de clandestinité. Mais l’idée de fédérer les forces syndicales du pays aura besoin de mûrir. C’ est ainsi qu’est née, le 10 octobre 2018, la Confédération des syndicats algériens, mise sur pied par plusieurs organisations autonomes. Dans cet entretien qu’il nous a accordé, Boualem Amoura, président du Satef, l’un des partisans derrière ce conglomérat syndical, revient, de fil en aiguille, tantôt en témoin et tantôt en acteur, sur la naissance et les objectifs assignés à la CSA.

-Le Courrier d’Algérie : Récemment, 13 organisations syndicales ont proclamé la naissance de la Confédération des syndicats algériens (CSA), dont le Satef est partie prenante. Dites nous, comment l’idée a t-elle germé ?
-Boualem Amoura : L’idée de la mise sur pied d’une Confédération des syndicats algériens remonte aux années 90. Je cite la date du 17 mars 1994 qui avait réuni alors plusieurs organisations autonomes. Quoique certaines parmi elles ont disparu de la scène aujourd’hui, d’autres, par contre, ont vu le jour. Toutefois nous n’avions pas croisé les bras. À chaque fois, il y a des tentatives de relancer le projet : en 1998, 2000, 2006, et 2008… Ceci pour dire que l’idée ne date pas d’aujourd’hui. Jusqu’à récemment, nous en avons encore essayé dans le cadre de l’Intersyndicale. Mais c’est en juin 2016 que nous avons adopté le principe d’aller vers sa constitution. L’élément déclencheur, comme ce fut aussi la goutte qui a fait déborder le vase, était la Tripartite du 5 juin de cette année qui a décidé de supprimer la retraite anticipée sans condition d’âge. Suite à quoi, les syndicats de la coalition se sont donnés le mot. Nous nous étions réunis plusieurs fois sous une quinzaine. Au départ, chaque syndicat vient avec sa propre vision. D’ailleurs certains se sont retirés pour demander plus de temps alors que d’autres ont été dissous comme le syndicat de Sonelgaz (Snateg, ndlr). Depuis lors, nous avons installé une commission technique qui a travaillé sur l’élaboration d’un avant-projet de statuts pour la CSA. Il faut savoir que certains articles ont constitué un vrai casse-tête et un sujet à polémique entre les syndicats. D’ailleurs les présidents des organisations interviennent à chaque fois pour aplanir les différends entre camarades. Mais les plus récalcitrants parmi nous ont fini par comprendre l’importance d’une confédération syndicale et son rôle dans la lutte pour les droits des travailleurs. Dès lors, chacun a fait des concessions de son côté et le projet a mûri. Enfin, lors de la dernière réunion de la commission, qui s’est tenue fin octobre 2018, on a débouché sur l’annonce de la naissance de la CSA, proclamée ainsi le 10 octobre suivant.

-L.C.A. : Cette confédération se veut une force syndicale de poids qui «risque» de faire de l’ombre à l’UGTA. Il y a comme cette idée dans votre imaginaire… n’est ce pas ?
-B. A : La Centrale syndicale, qui prétend représenter les travailleurs algériens et défendre leurs intérêts, a dévié de sa mission pour devenir un syndicat du Patronat. Dans ce cas là l’UGTA se retrouve en mal de représentativité. L’exemple vient de la Fonction publique où les syndicats les plus représentatifs sont autonomes. Et si nous créons, aujourd’hui la CSA, c’est parce que nous sommes convaincus que l’Algérie aura besoin d’une deuxième centrale. Regardez nos voisins, marocains et tunisiens, ils en ont quatre à cinq centrales, qui jouent un rôle important dans le mouvement syndical des travailleurs. Elles sont aussi à l’avant-garde des luttes pour la démocratie. D’autre part, un tel projet est à même de donner une image positive d’une Algérie démocratique sur le plan international et d’éviter ainsi qu’elle soit la cible de campagnes de dénigrement. Au plan interne, il faut dire que nous avons perdu les acquis issus de l’ouverture démocratique du début des années 90.

-L.C.A. : Vous déniez la représentativité à l’UGTA. Là vous semblez penser à une situation qui pourrait vous être profitable…
-B. A : Regardez ce qui s’est passé au complexe sidérurgique d’El Hadjar, à Annaba. Les travailleurs en ont pris les rênes et ils ont chassé les représentants du syndicat. Partant de ce fait, il y a comme une volonté de la part des travailleurs de nous rejoindre. Je ne vous cache rien, nous avons été contactés en 2016 par des travailleurs de Sonatrach, quoiqu’ils doivent avoir d’abord leur propre syndicat pour inté- grer la Confédération. Actuellement, il y a un grand mouvement des travailleurs du groupe pétrolier qui veut lancer un syndicat autonome. Il a décidé d’agir après la signature du Pacte de stabilité entre l’UGTA et Sonatrach.

-L.C.A. : Au titre des motivations qui ont fait courir la création de la CSA. N’auriez-vous pas d’autres objectifs au-delà de défendre droits et acquis sociaux des travailleurs ?
-B. A : Le peuple algérien a mûri. Les travailleurs algériens ont besoin de s’affirmer, de s’affranchir du tutorat et d’être autonomes. En d’autres termes, lorsqu’un travailleur ne peut pas subvenir aux besoins de sa famille, elle ne peut plus croire aux histoires qu’on lui raconte. Donc il prend son destin en main. Aujourd’hui, les travailleurs algériens de tous bords doivent se prendre en charge. Il faut qu’il y ait des syndicats autonomes dans les entités privées et pas uniquement dans la Fonction publique. J’ai parlé tout à l’heure d’acquis perdus. La retraite anticipée en est un. De ce fait, si les travailleurs ne bougent pas, ils en perdront davantage. Lorsqu’on revendique l’augmentation des salaires, nous n’avons pas honte de le dire. Car faut-il savoir que le niveau salarial en Algérie est des plus bas dans le monde. Quand vous avez un SNMG à 18 000 DA, qu’est ce que vous pourriez bien faire avec un tel montant ? C’est pour cela que nous demandons à revoir la politique salariale du pays. Vous avez aussi le recul du pouvoir d’achat d’où la nécessité d’instituer un observatoire de surveillance de l’inflation. À ce moment là, dès que sa tendance augmente, on procède aux ajustements des salaires. Dans ce sillage, nous sommes d’ailleurs contre la planche à billets qui est derrière l’inflation.

-L.C.A. : Vous comptez bien influer sur les décisions de la Tripartite alors que le pilier social y est représenté par l’UGTA. Pour ce faire, vous devez avoir la côte auprès des travailleurs. Qu’en est-il justement des secteurs représentés au sein de la CSA ?
-B. A : La CSA fera en sorte à ce qu’elle soit une force syndicale représentative de tous les secteurs d’activité au niveau national. L’objectif, en effet, c’est celui de peser de tout notre poids sur les grands dossiers sociaux que sont la retraite anticipée, le Code du travail, le droit au libre exercice syndical… Pour la représentation maintenant, il y a le secteur de l’Éducation, un syndicat de la Formation professionnelle, le SNTMA (techniciens d’Air Algérie), le syndicat des Postiers, le syndicat des Imams, les praticiens de la Santé ainsi que le secteur agricole représenté par les vétérinaires.

-L.C.A. : Avant d’activer, la CSA doit d’abord être agréée. Or, on connaît le rapport de force qui vous unisse avec les autorités. Ne craignez-vous pas dans ce cas un refus ?
-B.A. : Nous sommes en train de compléter les dossiers de certains camarades (entretien enregistré mardi dernier Ndlr). Une fois toutes les pièces réunies, nous allons déposer une demande d’agrément auprès du ministre du Travail. Ceci pour ce qui est de la procédure administrative. Maintenant, pour la délivrance ou pas de l’agrément, nous sommes optimistes, car l’Algérie ne peut pas se permettre une crise à l’international, elle qui est signataire de la convention n° 87 de l’Organisation internationale du travail (OIT). En tout état de cause, l’Algérie aura beaucoup à gagner à délivrer l’agrément à la CSA et à l’autoriser d’exercer son droit syndical.

-L.C.A. : Parlons un peu de votre secteur de prédilection. La remédiation pédagogique fait polémique. C’est la levée de boucliers des partenaires sociaux que vous êtes. Pourquoi ?
-B. A : Aussitôt que nous (Satef) avions lu la circulaire de Mme la ministre, nous avions été contre. Non pas que la remé- diation est spécifique mais surtout et parce qu’elle est obligatoire. Nous sommes respectueux des lois de la République et les lois de la République définissent les journées de travail et les périodes de repos. De ce fait, faire travailler les enseignants le samedi après-midi est une décision irréfléchie et inacceptable. Plus que ça, cette circulaire s’applique uniquement aux paliers primaire et moyen et exclut les lycées. Or, la 1ere année secondaire enregistre un niveau de redoublement de 30%. C’est là qu’il doit y avoir plus de remédiation. Mme Benghebrit aurait dû nous consulter sur cette question, comme prévu dans la Charte d’Ethique dont nous sommes signataires. Ce n’est malheureusement pas le cas, sinon on aurait expliqué pourquoi la loi algérienne n’oblige pas l’enseignant à travailler le jour de week-end. Nous ne sommes pas contre, mais, et surtout, ne perdons pas de vue le fait que le travailleur a une famille à charge, a droit à un congé, a besoin d’une activité sportive pour se relaxer…Et puis, travailler hors des périodes réglementaires est considéré comme étant des heures supplémentaires. Je dois vous rappeler que c’est là un grand dossier que nous avons déjà ouvert, en 2011, avec la tutelle. Il s’agit de la question des rythmes scolaires. Ils consistent par exemple à déterminer les horaires d’entrée et de sortie des élèves, les périodes de vacances, les horaires spécifiques pour les régions du sud… etc.
Entretien réalisé par Farid Guellil

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