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Béchar : Tabelbala, une daïra aux richesses inestimables

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Les citoyens de Tabelbala veulent être rattachés administrativement à la wilaya de Tindouf La ville de Tabelbala qui se démarque par son parler local, le koarandzé, un dialecte qu’on ne rencontre nulle part ailleurs, ses sites préhistoriques très riches en outils du Pré-acheuléen et de l’Acheuléen, ses tombes géantes de 7 m de long et ses tombes de Sabaâtou Rijal, dort aussi sur de riches gisements de kaolin, de baryte, de titan et de zicron ou hyacinthe.
Tabelbala s’allonge sur 7 km de long entre Erg Erraoui à l’Ouest et le mont Kahal à l’Est. Elle est située à la longitude 4.333, latitude 29 067 et à une altitude de 465. C’est une daïra qui se trouve à 380 km du chef-lieu de wilaya de Béchar. Le territoire de la commune de Tabelbala s’étend sur 60 560 km_ et compte 7 000 habitants. Dès l’entrée, c’est le bordj militaire construit en 1910 qui attire votre attention. Il est construit sur un monticule à l’endroit même où se trouvait un ancien ksar servant de halte au Sultan Noir. Le bordj, qui est le point le plus élevé, exerçait une surveillance directe de la région du Mahiez. Nos guides avancent, que c’est là, qu’étaient détenus entre autres Habib Bourguiba et quelques temps après Ferhat Abbas. Cherayaâ est le premier quartier de la ville que vous verrez à gauche de la route. Les nouvelles habitations sont construites entre la route et l’ancien Cherayaâ, un Ksar qui a été bombardé en 1908 par le capitaine Martin, qui s’est heurté à l’hostilité particulièrement des Aït Sful à l’égard de l’envahisseur étranger. C’est aussi à Cherayaâ qu’on rencontre encore de nos jours le plus grand nombre de personnes s’exprimant entre elles en Koarandzé. Plus loin, se trouve le centre-ville où se concentrent les institutions publiques. Cherayaâ, dit aussi Ifragniou, est habité par les descendants des Aït Sful, Ksar Mahlouf ou Lami par les ouled Sidi Makhlouf Ben Ali El Balbali (décédé vers 1533) et les Ouled Bouaza qui s’y sont réfugiés après le rezzou de Kalaât Sidi Ali Ben Othmane, Zaouïa ou Koara par les Ouled Sidi Brahim, Ouled Biri, les Ouled Belaciad. La concentration de ces familles en ces lieux revient au fait qu’ils ont érigé leurs habitations sur les terres qu’ils ont toujours possédés. Les migrants venus plus tard tels que les Arib, Chamba et Réguibat, entre autres, se sont installés au centre-ville. Le visiteur ne manquera pas de remarquer qu’au niveau de tous les quartiers cités, plusieurs maisons sont en chantier. Tabelbala se mue. Les Belbalis ont opté pour la brique de ciment et le béton armé dans la reconstruction de leurs habitats au lieu et place de la brique en terre et le tronc de palmier, matériaux fort adaptés aux conditions climatiques de la région. Il y manque aussi un noyau de musée pour préserver les outils préacheuléens et acheuléens du vol, du vandalisme et de toute forme de déperdition. Pour le moment aucune structure d’accueil n’existe à Tabelbala. Il n’y a ni hôtel, ni auberge de la jeunesse, ni restaurant. Les archéologues, les anthropologues et linguistes nationaux ou étrangers de passage dans la région pour des études doivent compter sur l’hospitalité légendaire des habitants. À quelques kilomètres de l’intersection des routes de Tabelbala et de Tindouf se trouve la Dhaya, une étendue d’eau constituant une halte pour les oiseaux migrateurs. Non loin de là, se trouvent aussi des sites préhistoriques offrant un espace d’étude aux chercheurs et aux amateurs de tourisme écologique. Origine du nom de Tabelbala. Mustapha Makhloufi, président d’une association culturelle éponyme, dira que Tachenghit serait le premier nom désignant l’actuelle Tabelbala. Au cours de notre recherche documentaire nous avons retrouvé ce nom dans les notes de Melle Alimen Marie-Henriette (1900-1996) intitulées «Chronologie des formations concernant les industries acheuléennes dites de Tabelbala-Tachenghit, éditées par l’Académie des sciences de Paris en 1968. Dans « un parler Berbéro-Songhay du sud-ouest algérien (Tabelbala) élément d’histoire et de linguistique » Mohammed Tilmatine cite dans son étude A. Cancel, selon lequel Tabelbala serait une corruption de Tabelbert. Il dira que les habitants de Tabelbala usaient du nom de « Tawerbets » entre eux pour désigner leur localité. Mohammed Tilmatine envisage une piste arabe à l’origine du nom de Tabelbala. Selon lui, Tabelbala proviendrait de la racine arabe «blbl» d’où le verbe « balbala», «youbablilou» qui signifie parler de manière inintelligible, pêle-mêle. Pour notre part, nous citons l’expression très usitée de nos jours «zaraâ l’balbala » autrement dit semer la zizanie. Le préfixe Ta ajouté à la racine balbala avec un T final muet, est une forme d’amazighisation du nom. On le retrouve dans Tamentit, Taghda, Tamehdi, Talmine, Tamesse etc…

Tombes géantes et tombes de Sabaâtou Rijal
Abdallah Brahmi un natif Koara, homme très instruit sur les richesses du patrimoine de Tabelbala et qui a côtoyé Champeault et tout récemment Lameen Souag, deux linguistes qui se sont longuement penchés sur le dialecte koarandzé, dira qu’il faut faire la différence entre les tombes géantes et les tombes de Sabaâtou Rijal. Certaines tombes se trouvant au cimetière de Ksar Zaouïa ont la particularité de mesurer jusqu’à 7m de long. Certaines versions populaires racontent que ce sont des tombes d’une race de géants qui aurait vécu dans la région. D’autres disent que la longueur de la tombe n’a rien à voir avec la taille du mort, c’est plutôt dû au rang social qu’il occupait. Plus son rang était important, plus on allongeait sa tombe. Pour étayer sa thèse, Abdallah Brahimi nous montrera la tombe de 7m qui se trouve à l’intérieur d’un mausolée. Il dira que d’après les anciens, cette tombe est celle de Sidi Bouzekri, un homme saint qui serait le père d’Ahl Chenghit, c’est-à-dire des habitants de Tachenghit, qui n’est autre que l’ancienne appellation de Tabelbala. Tout près des tombes géantes se trouve le mausolée abritant les tombes énigmatiques des Sabaâtou rijal, les sept hommes. La version populaire locale dit qu’à l’approche de l’aube d’un jour lointain, le muezzin de la mosquée de Ksar Zaouïa était monté en haut du minaret pour annoncer la prière du Fadjr. Il aurait vu une caravane de chameliers qui quittait un lieu très proche où elle avait fait halte durant la nuit, sans que personne ne s’en aperçoive. Poussé par la curiosité, le muezzin se serait rendu au matin à l’endroit que la caravane avait quitté. Là, il aurait découvert 7 tombes fraîchement érigées. Personne ne savait à qui elles appartenaient. Ce dont on était sûr, c’est que ce sont des tombes de musulmans de sexe masculin, vu la façon de placer les pierres tombales à la tête et au pied du mort qui est différente de celle marquant la tombe d’une femme. Les gens de Ksar Zaouïa ont érigé un mausolée pour abriter ces 7 tombes énigmatiques. Le mausolée en question est de forme rectangulaire de 10 m de long sur 8 m de large. Le dôme est soutenu par quatre piliers en arcades de style mauresque. On y entre par un portique avec arceau. Quatre tombes à gauche et trois tombes à droite, séparées par les piliers au milieu desquels se trouve un passage de 3 m. Le cimetière porte le nom de Makbarat Sabaâtou Rijal. On y trouve encore les restes de quelques jarres de faïence attestant la richesse de l’artisanat local. À moins d’un kilomètre d’ici se trouvent des gisements de kaolin de différentes couleurs. Abdallah Brahmi nous assurera qu’il y a seulement quelques années, ce vieux cimetière constituait un vrai musée à ciel ouvert de faïencerie artisanale locale. Les pilleurs ont emporté toutes les pièces intactes. À 1km de là se trouvent les ruines de Kalaât Sidi Ali Ben Othmane. Seuls deux pans de murs sont encore debout parmi un grand tas de pierres juché sur un monticule. Au milieu de ces ruines se trouve encore conservée la tombe de Sidi Ali Ben Othmane. Mustapha Makhlouf, notre guide, nous dira que les Ouled Sidi Ben Othmane ont été décimés lors d’une razzia par des guerriers qui ont traversé l’Erg Erraoui pour venir jusqu’ici. Il ajoutera qu’ils ont surpris les Ouled Sidi Ben Othmane à l’heure de la prière du vendredi. Ils tuèrent les hommes et pillèrent leurs biens. Ceux qui sont parvenus à fuir le massacre se sont réfugiés à Ksar Makhlouf , ce sont les actuels ouled Bouaza et à Ksar M’louka dans la wilaya d’Adrar. Au bas du monticule se trouve le cimetière dit «Makbarat 66 M’hammed ».
Les anciens racontent que 66 hommes prénommés M’hammed ont été tués lors de ce rezzou et ils sont enterrés à cet endroit. C’est dire le nombre important de personnes tuées dans ce rezzou si on tient en compte que tout le monde ne s’appelle pas M’hammed. Ce cimetière présente une autre particularité. Il y a certaines tombes très anciennes qui ne sont pas orientées vers l’Est comme il est de tradition dans l’orientation des sépultures musulmanes. Les têtes de ces tombes sont dirigées vers le Sud. Ces tombes sont là selon toute vraisemblance depuis la période antérieure à l’islamisation des populations autochtones. Des tombes orientées de la même façon ont été découvertes près du Ksar de Mougheul, à 360 km au nord d’ici.

Un musée préhistorique à ciel ouvert
Malgré le pillage des outils préhistoriques et protohistoriques qui s’est fait par les forces coloniales de 1907 à 1957 et qui a continué à se faire par des chercheurs venus sous le couvert d’études, le versant nord du mont Kahal est encore un musée à ciel ouvert constitué par de très riches ateliers d’industrie d’outillage pédonculé atérien. Les plus belles pièces découvertes ici se trouvent bien sûr dans les musées européens, mais ce qui en reste présente un gisement multi-niveaux. Les archéologues y trouveront encore des outillages dont les époques se chevauchent, s’enrichissent et présentent différentes phases d’évolution. Lors de notre visite des gisements de kaolin de différentes couleurs près de Ksar Makhlouf, Brahmi Abdallah nous a signalé la présence d’un atelier d’outillages préhistoriques situé à 200 m plus loin. Sous un acacia, nous avons pu relever la présence d’outils coupants, piquants et contondants non emmanchés tels que hachereaux, racloirs et grattoirs. Nous sommes arrivés à la conclusion que cet atelier devait servir, en outils de silex, les gens de l’époque qui venaient extraire le kaolin nécessaire à la fabrication d’objets de poterie. Il faudrait signaler aussi la présence de l’utilisation du kaolin comme matériau d’étanchéité dans les conduites souterraines reliant les puits des foggaras, technique de captage des eaux souterraines introduite il n’y a pas si longtemps dans la région. Deux hypothèses se présentent dans ce cas de figure. Ces outils sont là depuis le paléolithique ou le néolithique, ou bien ce sont les constructeurs de foggaras qui se sont servis d’outillages ramassés dans des sites préhistoriques.

Le korandzé
Les autochtones de Tabelbala communiquent entre eux en Korandzé, prononcer koara n’ dzy, une langue qu’on ne trouve nulle part ailleurs. Ce n’est ni du tamazight, ni du zénatia, ni de l’arabe. De A. Basset, Cancel, Champault, Mohammed Tilmatine et plus récemment Lameen Souaq, des chercheurs qui se sont penchés sur le Korandzé, nous nous référons à A. Basset étant donné que c’est lui le premier qui a étudié cette particularité linguistique encore intacte pour vous donner un aperçu sur son historique. Le Korandzé, selon A.Basset, les traditions parlaient de populations noires qui auraient précédé les Berbères et, par suite, les Arabes dans les oasis. Il paraît difficile que le dialecte de Tabelbala, au vocabulaire en majorité sonrai ou (songhai), mais riche de formes berbères et de racines arabes, puisse être raisonnablement identifié comme un dialecte, non seulement préislamique mais protohistorique. Les Songhai (sonraï) étant arrivés assez récemment au soudan, de l’est ou du sud du Niger, on se demande par quel caprice de l’histoire et de l’économie, ils auraient pu fonder une petite colonie à travers le désert, en un point aussi septentrional.
Faute de documents, il nous faut aboutir à l’hypothèse sans gloire d’un dialecte imposé par les nombreux esclaves de langue Sonrai, qui, transitant au cours des siècles par Tabelbala où devait être fixé un noyau important de main-d’œuvre servile, y refaisaient leurs forces, avant d’être menés sur les marchés marocains. Les formes et la faible part de vocabulaire berbères, ont été probablement versées dans le fond commun par les Aït Sful au XIXème siècle, mais le dialecte s’est maintenu suffisamment fort pour conserver sa morphologie et sa syntaxe originale (Relevé du Balbali a été fait au cours des années 1951 et 1954). En 1910, seuls les hommes lettrés parlent l’arabe. La masse de la population, et la totalité des femmes et des enfants ne connaissant que le Belbali, Kora n-dié(le parler de Kora). L’administration française ayant adopté l’arabe comme langue de contact, tous les hommes en 1961 étaient devenus bilingues. Rares encore, par contre, étaient les femmes qui comprenaient les paroles de leurs prières. Dans l’oasis, prières et chants exclus, tous les échanges se font en belbali. Le kora n-dzé n’est parlé qu’à Tabelbala. les habitants des oasis voisines en disent que c’est une langue de Jnun, montrant par-là à quel point elle leur est inintelligible. Dans une étude faite en 2011 par Lameen Souag, chercheur post-doctorant, School of Oriental and African Studies (Londres) il est fait état de quelques petites différences entre les parlers des deux principaux villages, Kora (Zaouïa) et Ifrinyu (Cheraïa.) distants d’environ 7 km seulement.
Messaoud Ahmed

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