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Archéologie : L’extraordinaire découverte d’un gigantesque site maya au Mexique

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Certains sites archéologiques restent longtemps enfouis avant qu’un hasard ne les sorte de l’oubli. C’est le cas de cette plateforme gigantesque vieille de près de trois millénaires mise au jour au Mexique. Surélevée de 10 à 15 m par rapport au niveau du sol, la construction s’étend sur 1400 m de long et 400 m de large. Les images publiées dans la revue Nature le 3 juin révèlent également les fossés et chaussées entourant la plateforme monumentale.

Sur place, les archéologues ont pu dater 69 échantillons de charbon de bois au carbone 14 détaillant toute la séquence de construction. Ce complexe gigantesque, baptisé «Aguada Fénix» par ses découvreurs, a été construit plus de 1000 ans avant notre ère par les Mayas. Avec ses 3000 ans d’existence, cette construction monumentale appartenant à cette civilisation est la plus vieille jamais découverte. Réalisée en terre, cette énorme plate-forme est surmontée de plusieurs structures dont une pyramide de près de 4 mètres de haut. Pratiquement orienté nord-sud, la plateforme artificielle est reliée à au moins neuf chaussées. La masse totale de pierres employées dans la construction de la plateforme, des bâtiments adjacents et des réservoirs d’eau, est supérieure à celle mobilisés dans l’érection de la pyramide égyptienne de Gizeh.
Selon Takeshi Inomata, archéologue à l’Université d’Arizona (États-Unis) et premier auteur de la publication, le volume total de la plate-forme et des bâtiments qu’elle supportait était d’au moins 3,8 millions de mètres cubes, ce qui signifie que ce complexe était même plus grand que la plus grande pyramide égyptienne. Il a également calculé qu’il aurait fallu que 5 000 personnes travaillent jours et nuits pendant six ans pour le construire. « Nous pensons que c’était un complexe cérémoniel », explique Inomata. « [C’était] un lieu de rassemblement, impliquant éventuellement des processions et d’autres rituels que nous ne pouvons qu’imaginer », dit-il.
C’est une équipe internationale d’archéologues qui a découvert ce site prometteur susceptible de dévoiler des mystères sur les interactions entre Olmèques et Mayas. Pour cela, ils ont utilisé des outils aéroportés comme le lidar ― une sorte de radar utilisant un rayon laser ―, fixé sur un drone. Les 69 échantillons de charbon de bois exhumés sur place ont permis aux chercheurs de dater le monument de 1 000 ou 800 ans av. J.-C. Ce site serait donc très ancien par rapport à l’histoire de la civilisation Maya qui s’étend de 2 500 av. J.-C. à 1 500 apr. J.-C. Takeshi Inomata précise : « À notre connaissance, il s’agit de la plus ancienne construction monumentale jamais trouvée dans la zone Maya et la plus grande le toute la région pré-hispanique ». L’étude a rassemblé des chercheurs américains, mexicains, japonais et une française. Les fouilles ont permis d’exhumer de petites sculptures d’environ 50 cm de haut représentant des pécaris, un suidé (cousin du cochon), la tête dressée et les pattes ramenées sous le corps. Les céramiques trouvées in situ sont différentes de celles des Olmèques (2 500 av. J.-C. – 500 av. J.-C.) dont le territoire est situé un peu plus à l’est, mais les chercheurs n’ont pas encore publié des dessins ni des photos. Ils ont également découvert de l’obsidienne, une pierre volcanique vitreuse grise, verte, rouge ou noire, une matière minérale que les Mayas allaient chercher dans les Hautes terres du Guatemala, tandis que les Olmèques la trouvaient au Mexique.
Ali El Hadj Tahar

Chaussée, fossés, céramiques mais pas de maisons…
Désormais appelé « Aguada Fénix » par les chercheurs, ce grand site archéologique situé au Mexique, dans l’État de Tabasco, au sud-ouest de la péninsule du Yucatan, fait partie d’une vingtaine de sites qu’ils viennent de mettre en évidence, en balayant une zone de 800 km2. Aguada Fénix n’était pas totalement enfoui dans la forêt tropicale, et les archéologues arpentant le terrain depuis des décennies n’avaient pas réussi à le localiser dans cette grande savane arborée. Selon Jon Lohse, un archéologue de Terracon Consultants Inc. qui étudie l’histoire ancienne la région et qui n’a pas pris part à l’étude, la structure elle-même témoigne d’un mode de vie bien établi. « Les constructions monumentales réalisées par des personnes pré-sédentaires ne sont pas rares à travers le monde », dit-il. Takeshi Inomata précise, quant à lui, que ce site cérémoniel est moins ancien que celui de San Lorenzo, à 385 kilomètres à l’ouest dans une région qui était habitée à l’époque par le peuple olmèque. Construit au moins 400 ans plus tôt qu’Aguada Fénix, San Lorenzo dispose d’une colline artificielle en terrasse. Il possède également des statues colossales représentant des hommes. Cependant, selon l’archéologue Ann Cyphers de l’Universidad Nacional Autónoma de México, qui a travaillé sur le site de San Lorenzo, les deux sites sont « tout à fait distincts ».
La construction initiale de la plate-forme aurait commencé vers 1 000 avant notre ère, mais l’absence de bâtiments antérieurs à Aguada Fénix suggère qu’au moins jusqu’à cette période, les habitants de la région – probablement les ancêtres des Mayas classiques – se déplaçaient entre des camps temporaires pour se nourrir. Les chercheurs n’ont pas de réponses quant à la manière et aux raisons ayant soudainement poussé cette population à construire une structure aussi massive et permanente. La période maya classique, lorsque l’empire était à son apogée, se situe longtemps plus tard, soit entre 250-900 après J.-C..
Ce qui est étrange c’est qu’aucun bâtiment résidentiel n’ait été trouvé sur ou autour de la structure. Il est donc difficile de savoir combien de personnes ont pu vivre à proximité. La taille imposante de la plate-forme suggère que ses constructeurs abandonnaient progressivement leur mode de vie de chasseur-cueilleur, pour devenir agriculteur sédentaires probablement du fait de la culture du maïs, dont des preuves ont également été trouvées sur le site. Mais où et comment habitait la population ? Le fait qu’aucun habitat domestique en « dur » n’ait été trouvé signifie-t-il que la population vivait sous des abris construits en matière périssable, et qu’elle pratiquait encore chasse, cueillette et pêche tout en cultivant le maïs ? Comment pouvait-elle créer des chaussées bien pavée et des fossés, une pyramide de 4 mètres de haut, avoir une céramique et travailler l’obsidienne sans être bien logés ?
A. E. T.

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