«Allons-y !», «Let’s climb !»… Bras dessus, bras dessous, 82 stars et femmes du cinéma, Cate Blanchett et Agnès Varda en tête, ont réclamé samedi «l’égalité salariale» dans le 7e Art au cours d’une montée des marches «100 % féminine» pour le premier Festival de Cannes post-Weinstein.
Un événement inédit dans l’histoire du Festival, immortalisé par une photo réunissant Salma Hayek, Claudia Cardinale, Kristen Stewart, Marion Cotillard, Léa Seydoux et des dizaines d’autres actrices, productrices, monteuses, décoratrices, distributrices, etc. «Nous mettons au défi nos gouvernements et nos pouvoirs publics pour appliquer les lois sur l’égalité salariale», a déclaré la réalisatrice Agnès Varda, une figure du cinéma d’auteur français, qui a pris la parole aux côtés de la très hollywodienne présidente du jury, Cate Blanchett, toute de noire vêtue. «Nous mettons au défi nos institutions pour organiser activement la parité et la transparence dans les instances de décision. (…) Nous demandons l’équité et la réelle diversité dans nos environnements professionnels», ont-elles lu sur le tapis rouge, l’une en anglais, l’autre en français. Elles étaient 82 sur le tapis rouge, comme les 82 films réalisés par des femmes invitées en compétition depuis la première édition, selon les organisateurs. Soit moins de 5 % en plus de 70 ans d’existence. «Les femmes ne sont pas minoritaires dans le monde et pourtant notre industrie dit le contraire», ont encore souligné Cate Blanchett et Agnès Varda, dans ce discours militant. «Il est temps que toutes les marches de notre industrie nous soient accessibles. Allons-y !», ont-elles encore lancé. Une action symbolique à l’initiative du collectif français 50/50 pour 2020 contre les inégalités dans le 7e Art et de Time’s Up, pour aider les victimes de harcèlement sexuel après l’affaire Weinstein. Au sein du jury, la réalisatrice Ava DuVernay et Cate Blanchett font partie de Time’s Up. Face au séisme Weinstein, le Festival de Cannes avait jusqu’ici répondu de manière pragmatique, distribuant un flyer qui rappelle les peines maximales encourues pour harcèlement (trois ans de prison et 45 000 euros d’amende), avec un numéro de téléphone pour toute victime ou témoin.
Palme ex-aequo
«On n’a pas encore les chiffres mais il y a eu des appels», a affirmé samedi la secrétaire d’Etat française à l’Egalité femmes-hommes, Marlène Schiappa, en déplacement sur la Croisette. Cannes est «un endroit qui doit être sécurisé pour les femmes», a-t-elle insisté. Le Festival avait envoyé un premier signal en faveur des femmes avec un choix de jury majoritairement féminin, mais s’est fait discret sur les questions de harcèlement ou de discriminations. En plus de 70 ans, seule une réalisatrice, Jane Campion en 1993, a reçu une Palme d’or pour «La leçon de piano», ex-aequo avec le Chinois Chen Kaige. Agnès Varda avait reçu une Palme d’honneur en 2015, un titre honorifique. Hostile à toutes discriminations positives, le Festival avait été critiqué cette année pour n’avoir retenu pour la course à la Palme d’or que trois réalisatrices, même si elles sont bien plus nombreuses dans les sections parallèles. Samedi soir a eu lieu la projection du film de la première d’entre elles, la Française Eva Husson, «Les Filles du soleil», sur un bataillon de combattantes kurdes, qui tentent une offensive militaire, après s’être échappées des mains des djihadistes. Une journaliste française interprétée par Emmanuelle Bercot suit ces femmes au combat, dont la sergente Bahar, jouée par l’Iranienne Golshifteh Farahani dans le film qui pourrait diviser la critique, au vu des premières réactions. Cette journée cannoise «100 % féminine» sera suivie dans les prochains jours par des débats et des engagements concrets. Dimanche, la ministre française de la Culture Françoise Nyssen présentera avec son homologue suédoise Alice Bah Kuhnke, un plan pour soutenir financièrement les jeunes réalisatrices du monde entier. Lundi, une charte pour favoriser la diversité et la parité dans les festivals sera signée par les trois hommes chargés des sélections cannoises. L’autre film en compétition samedi était «Trois visages», projeté en l’absence de son réalisateur, l’Iranien Jafar Panahi, auquel les autorités de Téhéran interdisent les déplacements à l’étranger. Il est le deuxième cinéaste à ne pas pouvoir accompagner son film à Cannes après le Russe Kirill Serebrennikov.