Nouer des alliances, stratégiques ou électoralistes soient-elles, en prévision des prochaines législatives entend pour les partis islamistes, aller en rangs soudés à l’effet d’aspirer à plus de sièges au Parlement. Cela étant, même si deux pôles ont pris naissance, il est à s’interroger sur la force d’un courant politique qui demeure en proie à des divergences internes.
En effet, cette initiative adoptée au moins par cinq formations d’obédience islamiste parmi celles les plus en vue de la scène politique nationale s’est soldée par un regroupement scindé en deux pôles distincts. Ainsi, le MSP (Mouvement pour la société et la paix) d’Abderrezak Mokri s’est fusionné avec le FC (Front du changement) d’Abdelmadjid Menasra. De l’avis de ses initiateurs, cette union se projette au-delà des échéances électorales. Adoptée le 5 janvier dernier, cette alliance prévoit un retour à l’ancienne formation mère, telle que créée par le défunt Mahfoud Nahnah dans les années 90, plus connue sous le nom de Hamas. Dans l’immédiat, les deux alliés comptent aller aux législatives prochaines avec des listes de candidatures communes qui seront menées sous la coupe du MSP. À moyen et long termes, autrement dit, cette fusion donnerait lieu à un seul parti à l’horizon 2018. D’ici là, deux congrès, extra et ordinaire, seront organisés comme démarche statutaire devant aboutir à l’objectif dit «stratégique». Quant au deuxième conglomérat, il est incarné par le FJD (Front pour la justice et le développement), Ennahda (Mouvement de la renaissance islamique) et Al-Binaâ (Mouvement de l’édification nationale). Les leaders de ce trio, respectivement Abdellah Djaballah, Mohamed Douibi et Ahmed Dane ont scellé officiellement leur alliance le weekend écoulé, et laquelle alliance, s’est soldée par la création de l’Union pour Ennahda, la Justice et l’Edification (UEJE). À l’instar du duo «MSP-FC», cette nouvelle aile qui incarne une bonne partie du courant islamiste envisage, elle aussi, et à priori, d’affuter ses armes pour s’attaquer au prochain rendez-vous électoral. Et puis, dans une deuxième phase, d’aller vers un projet pérenne leur permettant de se regrouper autour d’un seul parti.
Cependant, si l’hypothèse de l’ambition électorale semble tenir la route, l’aspect stratégique de telles initiatives, en revanche, laisse planer un certain doute sur la teneur aux yeux de l’opinion publique. Et pour cause, le timing voudrait qu’une telle alliance passe des plus conjoncturelles qu’elle ne constitue un projet de fond. De ce point de vue, il convient d’observer que la priorité est d’abord d’ordre électoraliste. «Autant aller aux prochaines législatives en rangs resserrés. Puis, et si les moyens le permettraient on va opter pour un bloc plus solide et plus durable si besoin est». Tel semble la motivation première des formations du courant islamiste, et lesquelles, pour contourner en quelque sorte la nouvelle loi électorale-qui impose à tout parti l’obtention de 5 % des suffrages pour espérer se frayer un chemin vers la deuxième chambre parlementaire- ont décidé de constituer deux conglomérats à l’effet de constituer un réservoir de voix à cet égard. Dès lors, difficile donc de croire, du moins au demeurant, à une quelconque alliance stratégique dans ce cas de figure. Ceci, dans la mesure où des voix discordantes au sein de ces formations montent au créneau pour disputer avec leur rivales la légitimité. D’autre part, l’ambition électorale des islamistes semble même prendre le dessus sur le projet politique partagé avec les partis de l’opposition. Une sorte de retournement de situation qui s’expliquerait par l’absence annoncée d’une bonne partie d’entre eux à la rencontre de l’ICSO (Instance de concertation et de suivi de l’opposition) qui devait se réunir hier. Ainsi, Ennahda de Douibi et le FJD de Djaballah déclarent ne pas pouvoir prendre part à ce conclave qui devait se tenir au siège du MSP. Autant d’indices qui en disent long sur l’intention prédominante.
Farid Guellil