Le procès de l’affaire Sonatrach 1, l’une des plus grandes affaires de corruption ayant secoué le pays ces dernières années, a pris fin, hier, dans la soirée. Le président du tribunal, Mohamed Reggad, ses deux assesseurs et les deux jurés ont commencé les délibérations dès la fin des plaidoiries pour prononcer dans les jours à venir le verdict. Un verdict très attendu vu que les peines requises par le procureur de la République sont très lourdes, atteignant 15 ans de prison pour l’ex-P-DG de Sonatrach, son fils, et l’ex-patron du groupement algéro-allemand Funkwerk. Ainsi, dans la journée d’hier, les avocats de El-Ismaïl Mohamed-Redha Djaafer, patron de la société Contel Algérie, se sont succédé à la barre pour tenter de convaincre le tribunal d’acquitter leur client. Pour son avocate, Ouaâli Nacira, El-Ismaïl Mohamed-Rédha Djaafar qui supervisait le groupe avait voulu s’engager dans l’investissement et avait réussi dans son entreprise, niant le réquisitoire du procureur général, selon lequel le groupe aurait été mis en place pour obtenir la deuxième tranche du projet du système de télésurveillance.
L’avocate a remis en cause les propos du procureur de la République lequel avait comparé la hausse des prix du groupe avec celle d’autres compagnies qui avaient souscrit au même projet, présentant pour preuve un document attestant d’un contrat conclu entre le groupe Sonatrach et une compagnie européenne qui avait acheté le système de télésurveillance auprès du groupe allemand Funkwerk en 2011. Cependant, elle a rappelé que les chefs d’accusation ne reposent pas sur des preuves, mais sur des déductions de la part de la police judiciaire. De surcroît, l’avocate a noté que Sonatrach n’a jamais été une entreprise à caractère commercial, mais plutôt une entreprise étatique contrôlée par les membres du gouvernement. Suivant la même ligne que ses confrères, l’avocate a rappelé qu’aucun préjudice matériel ou moral n’ait été jusqu’à ce jour établi par Sonatrach. Où se trouve le préjudice? Pourquoi n’a-t-on pas procédé à une expertise ? Comment peut-on parler de préjudice, alors qu’il n’y a aucun document attestant ce manque à gagner ? Nous sommes face à une véritable comédie», lance d’emblée l’avocate. «Comment on poursuit pour dilapidation de l’argent public sans estimer le préjudice», a-telle rajouté.
Aussi, elle dira que sur 1 843 contrats douteux liant Sonatrach à d’autres groupes, cités par la même partie, trois seulement ont fait l’objet d’une enquête. La défense a poursuivi son plaidoyer en soulignant que le travail de la police judiciaire constituait l’objet d’interrogations et mettait par conséquent en cause la crédibilité de l’action de cette partie censée veiller à l’application de la loi. L’absence d’une demande préliminaire pour engager une poursuite contre la société Funkwerk a été également relevée par la défense. Tout en rappelant que Sonatrach est la «colonne vertébrale» de l’économie algérienne, l’avocate a regretté que le commissaire aux comptes ne soit pas poursuivi en justice. Comment, le commissaire aux comptes distribue les dividendes et ne s’en est pas rendu compte si l’argent de Contel est d’origine frauduleux, s’est-t-elle interrogée. Regrettant la précipitation avec laquelle l’affaire a été traitée, l’avocate dira néanmoins que le peuple algérien est conscient que Sonatrach 1 n’est pas l’affaire de Mohamed Meziane et des hauts cadres, mais une affaire «bien plus profonde».
Certains veulent détruire Sonatrach
Pour sa part, Abdi Mourad a plaidé à l’acquittement de son client, tout en estimant déplorant ces fausses accusations de la part de la police judiciaire. Lui aussi, il a rappelé que la comparaison des prix ne reposait pas sur des arguments solides. L’avocat de El-Ismaïl a appelé, entre autres, à instaurer une commission d’experts pour évaluer le préjudice. «Tant qu’on ne saura pas quel est le préjudice, cela ne fait que témoigner qu’aucun préjudice n’ait été causé à Sonatrach», dira-t-il. Cependant, il a estimé que le vrai préjudice causé est d’essayer d’évincer Sonatrach du marché mondial du pétrole. En outre, l’avocat dira que l’affaire n’est autre qu’une tentative pour détruire le groupe Sonatrach, et quel est le meilleur moyen, pour ce faire, que de commencer par ses cadres !
De son côté, Khaled Dhina a qualifié ce crime économique d’un point noir pour la Justice algérienne qui doit répondre aux attentes du peuple. D’emblée, l’avocat dira que les contrats signés entre Sonatrach et Contel n’ont, en aucun cas, évoqué le mode de gré à gré. Regrettant que son client soit qualifié du cerveau de l’affaire, l’avocat a rappelé les compétences d’El-Ismaïl et de Contel dans le domaine du transport. Pour l’avocat, Mohamed Fadhel, le dossier contient des zones d’ombre, et ce, en dépit des audiences des accusés et des témoins.
Dans un autre sillage, l’avocat a regretté que le procureur de la République ait parlé au nom du peuple dans son réquisitoire, estimant qu’aucune personne n’a le droit d’agir de la sorte, sauf le président de la République.
Lamia Boufassa