Les agriculteurs de la wilaya d’Aïn-Témouchent et les céréaliers, en particulier, touchés par le stress hydrique pour la deuxième année consécutive, sont toujours dans l’expectative et espèrent toujours des gestes de solidarité par la collectivité nationale et du gouvernement pour pouvoir entamer la campagne labours-semailles dans de bonnes conditions.
Ils ont subi de grands préjudices durant la campagne moissons-battages écoulée. Les objectifs qui visaient une production de plus de 2 millions de quintaux au début de la saison agricole 2015-2016 n’ont pas été honorés à cause de la sécheresse qui a sévi dans toute la région oranaise, à partir du mois de mars 2016. Pour rappel, la pluviosité enregistrée était de 300 mm environ et la pluviométrie tombée mal répartie, une situation qui s’est traduite par l’échaudage des grandes cultures céréalières sur toute l’étendue emblavée, estimée à 110 ha.
L’érosion des moyens financiers des céréaliers
En janvier 2016, les premières réactions sont venues de la part des gros propriétaires fonciers (GPF) de la plaîne de la M’léta, d’une superficie de 20 000 ha environ. Connue par la caractéristique de ses sols comme étant des terres à forte rétention d’eau, la M’léta, pendant la période prolongée de la sécheresse (hiver-printemps 2016), a été sérieusement ébranlée par la calamité naturelle (sécheresse). Un bon nombre de GPF ont cru que le climat allait s’améliorer quand des parties habilitées ont annoncé des semaines de pluie. Ils ont emblavé de nouveau leurs terres les mois de janvier et février. Mais l’anticyclone est resté stationnaire de la mi-février à fin mars-début avril, dans plusieurs régions céréalières de la wilaya d’Aïn-Témouchent et dans l’Oranie. Une situation qui s’est compliquée davantage et qui s’est traduite par l’érosion des moyens financiers des céréaliers. La presse et les médias, au niveau local et à l’échelle nationale, titraient à grandes manchettes la situation hydrique qui y prévalait dans la wilaya et l’Ouest algérien. Ils ont médiatisé les doléances des fellahs et plus précisément celles émises par l’Union paysanne et la chambre professionnelle. «Le couteau a touché l’os», disaient des céréaliers lors d’une réunion des fellahs, à la demande des deux entités citées plus haut. Et séance tenante, des voix se sont élevées pour expliquer que bon nombre de fellahs ont reçu des avertissements de la part des établissements financiers qui leur sont débiteurs pour les prêts de campagne labours- semailles.
Les céréaliers demandent AUX pouvoirs publics à décréter la M’léta «zone sinistrée »
Pendant ce temps, il était trop tôt pour le ministère de l’Agriculture et du Développement rural (MADR) de décréter la wilaya d’Aïn-Témouchent «zone sinistrée» à cause du stress hydrique alors que les fellahs en réclamaient ça. Tout le long de la période du stress hydrique, les informations qui venaient, par bribes, du ministère habilité, étaient bien mesurées et évitaient de parler de zones sinistrées. Cependant, au niveau local, les céréaliers ont saisi, à plusieurs reprises, les niveaux décisionnels et exécutifs pour demander la reconduction du fonds de garantie contre les calamités agricoles (FGCCA) à même de pouvoir bénéficier des aides ou des indemnisations. Malheureusement, le fonds en question a été destitué depuis belle lurette, d’une part, et la situation économique de l’Algérie commençait à connaître des revers successifs avec la baisse, en cascades, des prix du pétrole, à l’échelle mondiale, d’autre part. Au niveau des services agricoles, les avis techniques sur la situation calamiteuse qui prévalait, dans la wilaya, se succédaient à mesure que le stress hydrique s’installait et perdurait. La radio locale, regroupant les principaux responsables concernés par le dossier de la céréaliculture, avait abordé cette thématique avec la problématique du stress hydrique et ses retombées néfastes sur la production céréalière et le développement économique de la région, d’un côté, et sur les bourses des fellahs et les créances impayées, pesant lourd sur les décisions futures à prendre, d’un autre. Lors de cette réunion, on commençait à voir clair, et c’est pour la première fois qu’on parlait de zones sinistrées partielles. La M’léta étant la région qui a été citée nommément par les responsables des services agricoles de la wilaya d’Aïn-Témouchent.
Les avertissements agricoles contre le ver blanc
Cependant, les faibles rendements enregistrés, durant la campagne 2015-2016, ne sont pas dus uniquement aux conditions climatiques défavorables en matière de précipitations pluviométriques, mais aussi à des pics d’apparition du ver blanc des céréales. Ce fléau n’a pas pris la proportion souhaitée dans les discutions des responsables locaux des services agricoles. Mais, à l’échelle régionale, c’est le Centre régional de protection des végétaux (CRPV) de Misserguine (Oran) qui a lancé des avertissements agricoles. C’est dans le cadre de l’application du plan d’action de lutte contre le ver blanc des céréales, et en préparation de la campagne labours-semailles 2016-2017, que le CRPV d’Oran a abrité le 22 juin 2016 le premier regroupement régional pour la création d’un réseau local destiné à la prise en charge de ce ravageur. Ce dernier, qui porte sérieusement préjudice à la filière céréalière, nécessite la synergie de tous les intervenants de cette filière. Les wilayas de l’Ouest mises à contribution sont Oran (DSA, CAW et CCLS), Aïn-Témouchent (DSA et CCLS), Sidi-Bel-Abbès (ITGC) et les CCLS, aïnsi que des opérateurs économiques. Après ouverture de la séance, Mme Bekri, la directrice du Centre régional, a donné un aperçu sur la problématique du ver blanc et l’impact des dégâts occasionnés durant la campagne écoulée dans la région ouest. À ce titre, des communications ont été présentées, montrant les foyers d’infestation du ver blanc. Les intervenants, qui ont abordé cette thématique, ont mis en exergue le dispositif du plan d’action de lutte contre le ver blanc et les actions à engager avec l’ensemble des participants. Le regroupement a dégagé la feuille de route à suivre par le comité de pilotage comprenant la désignation d’un représentant de chaque structure. Dans cette optique, l’accent a été mis sur l’importance qu’il y a de lancer une large campagne de sensibilisation et de vulgarisation par le biais des médias lourds, durant l’été. Tout ce dispositif d’envergure régionale nécessitait un financement adéquat et des moyens à mobiliser en faveur de la réussite des opérations de lutte contre le ver blanc. Certainement, les débats se sont étalés sur les moyens à mettre à la disposition du comité de pilotage de lutte contre le ver blanc. Ce point précis est très important car la disposition des moyens financiers dépendent de l’efficacité et l’efficience du dispositif de lutte notamment quand il s’agit d’un phénomène de grande envergure qui risque de s’étendre et toucher d’autres régions.
Synthèse et situation générale de la production céréalière
Il fallait attendre les choses se décanter jusqu’à la fin de la campagne moissons-battages, dans les régions tardives. Pour cela, il n’est pas permis d’avoir des statistiques par wilaya céréalière, non pas parce qu’elles ne sont pas disponibles, mais à cause de la rétention de l’information, d’un côté, mais aussi à cause des chiffres contradictoires qui émanent de plusieurs organes chargés de livrer les chiffres, d’un autre. Certains niveaux décisionnels préfèrent se référer aux données des CCLS, des coopératives qui comptabilisent réellement ce qui a été livré par les céréaliers, car celles mises par l’administration sont toujours estimées. Souvent, on a tendance par ces chiffres prévisionnels à induire en erreur les services centraux du ministère de l’Agriculture et le Développement rural, aïnsi que l’Office national de statistiques. Selon les informations la production céréalière livrée aux CCLS de la wilaya d’AïnTémouchent ne dépassait pas 600 mille quintaux à la fin de de la campagne en juillet dernier contre 1 200 000 quintaux la campagne précédente. Les données du MADR disent «que la production des céréales a connu une baisse notable, en raison d’une faible pluviométrie, estimée à 33 millions de quintaux à l’échelle nationale contre 40 millions enregistrée durant la campagne 2015-2016. Dans son registre, le ministre du MADR a indiqué que la baisse de la production était de 11%. Elle est due essentiellement à la sécheresse qui a frappé certaines régions céréalières, dont notamment Tiaret, Sidi Bel-Abbès, Aïn-Témouchent, à l’Ouest et Tébessa, à l’Est. À l’Ouest du pays, selon le ministre, la baisse est évaluée à 40%. Et d’ajouter : «C’est pour la troisième fois consécutive que la production céréalière est affectée par la sécheresse en raison d’une faible pluviométrie». Sur un autre registre, rappelons-le, le directeur général de l’Institut technique des grandes cultures (ITGC), Omar Zaghouane, avait affirmé «que près de un (1) million d’hectares semés en céréales pour la campagne 2016 a été perdu suite au déficit hydrique enregistré durant l’hiver dernier». Et d’ajouter: «Ce stress hydrique a fait que plus d’un tiers de la superficie ensemencée se trouve sinistré et perdu. Donc, la production qui sera récoltée représente les deux tiers de la superficie semée laquelle est estimée à 3,3 millions hectares.» À Aïn- Témouchent, les céréaliers ont commencé à transformer les cultures céréalières en fourrage à partir du mois d’avril 2016. Cette fenaison aurait, vraisemblablement faussé les statistiques à tel point qu’il était difficile de savoir quel a été le taux des superficies perdues dû à la sécheresse. Certans fellahs de la région procèdent au fauchage et déclarent le sinistre par la suite. Ce jeu est difficile à contrôler sur le terrain.
La céréaliculture à l’irriguée et le peu d’engouement enregistré
Devenu de plus en plus aride à semi-aride, notre pays est sensible au stress hydrique. Aïn-Témouchent et ses environs le sont davantage car les pluviosités enregistrées ne dépassent que très rarement les 400 mm. À cause de cette déficience, les responsables du secteur de l’agriculture et des ressources en eau avaient, ces derniers temps, opté pour le développement de la céréaliculture à l’irriguée. Depuis qu’on en parle seulement 5 500 hectares sur les 110 000 hectares emblavés sont irrigués, un chiffre qui a été communiqué par la DSA lors d’une réunion au niveau de l’APW d’Aïn-Témouchent. Des rendements record (60 q/ha) ont été enregistrés par des céréaliers qui ont regagné le club des 50 (production de 50 et plus). Et pourtant, les ressources hydriques non conventionnelles (réutilisation des eaux usées à des fins agricoles) existent pour développer la céréaliculture à l’irriguée. Au total, il y a 6 lagunes et 3 stations d’épuration pour irriguer 600 à 800 ha quand on utilise l’irrigation économique (goutte-à-goutte). Ce qui est déplorable est le fait de constater que les terres agricoles relevant de l’État ne sont pas détenues par des agriculteurs qui ont l’esprit de partenariat, bien que les textes portant concession desdites terres soient clairs et explicites. Aujourd’hui, il est grand temps d’accorder beaucoup d’importance aux grandes cultures stratégiques pour diminuer le fardeau de la facture alimentaire et le poids de l’importation. Qui doit mettre en route un dispositif en vue de développer la céréaliculture à l’irriguée. L’État doit commencer par la pose des jalons d’une politique nationale en mesure de lever les handicaps qui hantent le développement de l’agriculture à l’irriguée.
Boualem Belhadri