«Après un séjour de quatre années en France, Azzedine Stambouli s’installe aux États-Unis où, rapidement, il se fait une place au soleil. C’est cette expérience acquise qu’il veut mettre à la disposition de l’Algérie par le biais de la MAHF»
Le Courrier d’Algérie : – Comment est née la MAHF (Maghreb-American Health Foundation), la Fondation Maghreb-Amérique de santé ?
Azzedine Stambouli : – Tout a commencé en 2008. Cette année-là, j’ai fait venir, grâce à mes relations aux États-Unis et pratiquement par mes propres moyens, le jeune Mounib Ferchichi qui, atteint de Spina bifida, était alors dans un état désespéré. On a même fait dire à ses parents que son cas était irrécupérable. On l’a récupéré de l’hôpital Mustapha-Pacha d’Alger dans un état comateux. On l’a dirigé sur Maillot Clinic, aux États-Unis, par avion spécial médicalisé. Il faut dire qu’au début j’avais pris contact avec un hôpital américain qui m’avait exigé 100 000 dollars pour les soins de Mounib. Fort heureusement, Maillot Clinic a accepté de le prendre totalement en charge. Et gratuitement. Cette action a eu un large écho parmi les familles algériennes qui vivaient ce que la famille de Mounib avait vécu avant son transfert aux États-Unis. Qui se sont mises à inonder l’ambassade de ce pays à Alger de lettres de félicitations. Des lettres que celle-ci a transférées au Département d’état. Lequel a trouvé là, semble-t-il, matière à soigner quelque peu l’image des états-Unis, fortement détériorée auprès des opinions publiques arabes depuis l’invasion de l’Irak, en 2003. C’est, à mon humble avis, dans cette intention qu’il m’a été demandé de réfléchir à la mise sur pied d’une fondation qui prendrait en charge de telles actions. Surtout que j’ai réussi à transférer Mounib sans aucun « cents » officiel. Comme je n’avais aucune expérience en matière de création d’associations, le Département d’état m’a fait parvenir tous les textes réglementaires précisant la procédure pour le faire. Ma dernière réticence ainsi vaincue, j’ai décidé de passer à l’action. Surtout que la demande qui m’a été faite, est venue à un moment où moi-même je voulais concrétiser une idée qui me tenait à cœur depuis de nombreuses années déjà. Depuis quelques temps, je réfléchissais, en effet, à comment mettre à la disposition de mon pays l’expérience que j’ai acquise aux états-Unis ; un pays où le système de Santé est des plus sophistiqués et des plus performants. Mais un système qui peut, j’en suis pleinement convaincu, convenir à nos besoins et à nos mentalités. J’ai pensé à AAF, Algeria-American Foundation, mais la dénomination était déjà utilisée. Je me suis alors rabattu sur MAHF qui a vu le jour en 2012. Une ouverture sur le Maghreb qui ne me faisait pas perdre de vue que l’Algérie devait y demeurer la cible privilégiée de nos activités futures. D’ailleurs, la première action à laquelle nous avons pensée devait se dérouler en Algérie. Surtout que depuis l’action réussie avec Mounib, nous avons reçu des centaines de demandes de prises en charge du genre. Et que chaque cas qui nous était ainsi exposé était à faire fendre les cœurs les plus endurcis. Mais cela n’a pas pu se concrétiser…
– Est-ce pour des raisons bureaucratiques ?
– Non. Nous avons pris contact avec une clinique privée à cet effet. Mais des oppositions se sont faites jour. Des neurochirurgiens, pour des raisons difficilement défendables, n’appréciaient pas notre action. Difficilement défendables parce que, à travers le monde, le traitement du spina bifida se fait dans les 72 heures qui suivent la naissance. Alors qu’en Algérie, et jusqu’à présent, on trouve des enfants âgés de presque 15 ans qui sont toujours en attente d’être traités. Si les personnes qui se sont opposées à notre action au prétexte qu’elles prenaient déjà en charge cette pathologie le faisaient effectivement, je pense qu’on n’aurait pas une situation pareille…
– Avez-vous une explication à une telle attitude ?
– Franchement, je n’en ai aucune. Bien mieux, je ne voudrais pas rentrer dans leurs polémiques.
Dès le départ, ils se sont opposés à notre venue. Hier (NDLR : avant-hier), ils ont remis cela en organisant un sit-in devant l’entrée de l’hôpital… Pour en revenir aux familles, généralement de conditions modestes qui nous ont contacté, j’ai pris l’engagement de m’occuper de leurs enfants. Devant l’impossibilité de le faire en Algérie, je l’ai fait en Tunisie. C’était, en 2012. J’ai pris une dizaine de gosses.
– Le traitement est coûteux ?
– En Algérie, une intervention est facturée à 30 millions de centimes. Dans les cliniques privées, s’entend parce que dans les hôpitaux publics elle se pratique de moins en moins.
– Comment expliquez-vous alors l’opposition de certains à votre action ?
– Je ne sais pas. Mais qu’il y ait au niveau du seul hôpital Mohamed-Boudiaf de Médéa quelque 300 enfants, dont l’âge varie de quelques jours à 15 ans, en attente d’être opérés est, pour moi, une véritable catastrophe. Et là, je ne remets pas en cause la compétence des neurochirurgiens algériens. Sauf que je trouve difficilement recevable l’argument avancé par un médecin de Blida qui a participé au sit-in d’hier (NDLR : avant-hier) selon lequel le nombre restreint d’interventions effectuées dans les hôpitaux nationaux était dû à la non maîtrise par les anesthésistes y exerçant des techniques qui peuvent maintenir sous anesthésie pendant plus de trois heures des enfants en bas âge. Surtout qu’une simple discussion entre anesthésistes et réanimateurs pourrait résoudre le problème. Et que je leur ai proposé de discuter avec eux pour trouver un terrain d’entente…
– Alors ?
– Ils ont refusé. Ils m’ont même traité d’escroc…
– Qui a pris l’initiative d’organiser l’opération en cours ?
– Il y a un peu plus d’une année, l’hôpital de Médéa a organisé une journée de sensibilisation sur la pathologie du spina bifida. à laquelle j’ai pris part, à partir de Washington, par vidéoconférence. Les idées que j’y ai exposées ont plu à certains présents qui m’ont contacté pour qu’on organise une action qui permettrait un échange d’expériences entre les spécialistes algériens et leurs confrères américains. Surtout que ces derniers ont développé des traitements vraiment avancés. Ils sont arrivés à traiter le spina bifida avant même la naissance de l’enfant qui en est atteint.
Lors des discussions que j’ai eues avec ceux qui m’ont contacté, je me suis engagé à ramener des sommités. C’est ce que j’ai fait. Pour preuve, la présence parmi les membres de l’équipe médicale du Professeur Broos, une sommité mondiale en néonatalogie, la branche de la médecine qui s’occupe des prématurés. Bien mieux, j’ai ramené des spécialistes issus de quatre universités. Donc, de quatre écoles différentes. Ce qui signifie qu’ils sont porteurs de techniques différentes. Ce qui constitue indéniablement un plus pour les spécialistes algériens qui vont les côtoyer durant leur séjour.
– Y aura-t-il une suite ?
– Je le souhaite. Et ce, d’autant plus que les autorités administratives (wali et directeur de la Santé), la direction de l’hôpital de Médéa et les spécialistes y exerçant se sont pleinement engagés dans cette action. Et que les médecins américains ont été superbement surpris par la compétence de leurs confrères algériens. Sauf que je souhaite également l’élargir à d’autres pathologies. Et ce, pour le grand bien de nos malades, de nos spécialistes et de notre système de Santé qui gagnerait à se rapprocher de celui américain…
De notre envoyé spécial Mourad Bendris