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Argentine : les services secrets, un pouvoir parallèle devenu incontrôlable

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Les services secrets argentins, dont la présidente Cristina Kirchner a annoncé une profonde refonte, sont devenus un pouvoir parallèle, échappant parfois à l’autorité politique, expert en intimidations et en méthodes brutales, héritées de la dictature (1976-1983). L’ombre des services plane sur l’affaire Alberto Nisman, procureur mort mystérieusement le 18 janvier, et la présidente a annoncé qu’elle allait faire le ménage et dissoudre le Secrétariat au renseignement (SI, ex-SIDE) pour créer une Agence fédérale du renseignement. Le constat de la présidente est partagé par des figures de l’opposition. La députée Patricia Bulrich, du parti conservateur PRO, a décrit «un monde sous-terrain incontrôlé», préconisant une réforme en profondeur du SI au lendemain de la mort du procureur. L’affaire Nisman a affaibli la présidente, car elle était directement accusée d’entrave à la justice par celui-ci, et les partisans du gouvernement estiment que la mort du magistrat est un coup monté des services. «Ils l’ont utilisé vivant, et ensuite, ils ont eu besoin de lui, mort», a accusé la présidente. Suicide ou assassinat ? Les premiers éléments de l’enquête indiquent un suicide, mais les investigations se poursuivent. Au siège du SI, au numéro 11 de la rue du 25 Mai, à quelques dizaines de mètres du palais présidentiel, Mme Kirchner avait mis le feu aux poudres en décapitant les services secrets en décembre. «La décision de remplacer en décembre les trois principaux dirigeants du SI a provoqué un grand traumatisme. Je ne sais pas si les services ont quelque chose à voir avec la mort de Nisman, mais certains sont furieux contre Kirchner et capables de nuire», a confié à l’AFP un ancien fonctionnaire de la SIDE. Intouchables du renseignement Le plus célèbre d’entre eux est Antonio Horacio Stiles, connu comme Jaime Stiusso. Il était le patron opérationnel du SI, celui qui connait tous les dossiers et les arcanes de la maison, où il était entré en 1972. L’expédier à la retraite est perçu en interne comme un crime de lèse-majesté. Directeur des opérations de la SI et chargé du dossier AMIA, un attentat contre une mutuelle juive qui avait fait 85 morts en 1994 et sur lequel enquêtait aussi M. Nisman, il voyait défiler les patrons «politiques» tout en conservant le pouvoir réel sur ses troupes. Le pouvoir a longtemps hésité avant de trancher dans le vif. Alors qu’il était très lié au procureur, que son nom a été cité dans la procédure et qu’il est pointé du doigt par Mme Kirchner, M. Stiusso n’a pas été convoqué par la procureure qui enquête sur la mort d’Alberto Nisman. Pour la politologue Claudia Guebel, «depuis la fin de la dictature, jamais personne n’a pu mettre de l’ordre dans le Secrétariat au renseignement, qui brasse des anciens de la dictature et des agents qui ont grandi en démocratie». Claudio Lifschitz, proche collaborateur du juge Juan José Galeano, chargé du dossier AMIA de 1994 à 2003, a dénoncé sans relâche «la participation d’agents de renseignement à l’attentat de l’AMIA et jamais», regrette-t-il, «la justice fédérale ne les a entendus dans le cadre de l’enquête». «Peut-être par peur», ajoute-t-il, ou comme beaucoup l’affirment, «parce que le lien existant entre la justice et les services de renseignement est très étroit». Pour avoir fait entrave à l’enquête sur l’attentat qui a frappé l’AMIA, le bâtiment rassemblant les associations juives de Buenos Aires, le président Carlos Menem (1989-1999), le juge Galeano et le patron du SIDE dans les années 1990, Hugo Anzorreguy, seront jugés et attendent la date de leur procès. Dans l’affaire Nisman, chargé du dossier AMIA depuis 2004, l’enquête semble piétiner. Le premier inculpé est un informaticien de 35 ans, Diego Lagomarsino, homme de confiance du procureur, à tel point que ce dernier lui avait demandé de lui fournir une arme. Il l’a fait et il est mis en cause par le parquet. La presse argentine lui prête un lien avec le SI et la procureure n’exclut pas d’étendre son inculpation.

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