La criminalisation de la colonisation fera bientôt l’objet, en Algérie, d’une loi dont l’élaboration a été confiée à une commission ad hoc installée, dimanche, par le président de l’Assemblée populaire nationale, Brahim Boughali.
Elle est composée des représentants de tous les groupes parlementaires, et ce « en réponse au consensus de tous les courants politiques sur cette question, et en hommage à la mémoire de nos valeureux ancêtres, de la génération de la résistance à celle de la glorieuse Révolution de libération », a fait savoir le président de l’APN lors des travaux d’une journée parlementaire. Elle pourra faire appel à toutes les compétences, aux experts et aux juristes intéressés par les questions mémorielles et les crimes commis contre l’Algérie, l’Homme et l’Histoire durant la période 1830-1962.
La commission sera sous la supervision de la présidence de l’Assemblée populaire nationale. Brahim Bougali a déclaré que la question de la mémoire ne s’érode pas avec le temps et restera au cœur des préoccupations des Algériens jusqu’à ce qu’elle soit traitée de manière objective et équitable. Il a affirmé que « la question de l’histoire dans notre pays n’est pas présentée, comme on le promeut, comme une monnaie d’échange », expliquant que « le président algérien a été clair lorsqu’il a affirmé que la question de la mémoire n’est pas soumise à la prescription ni à l’oubli, et n’est pas ouverte à des concessions ou à des compromis ».
Pour le président de l’APN, « nous ne pouvons pas permettre que la vérité soit ignorée : La criminalisation du colonialisme n’est pas une option, mais un devoir national et moral envers nos martyrs et notre histoire ». La série de crimes coloniaux est interminable : les massacres collectifs, les enfumades de Dahra (1845) où des centaines d’Algériens ont été brûlés vifs dans des grottes , les crimes de Laghouat (1852) avec l’utilisation d’armes biologiques , les massacres du 8 mai 1945, qui ont fait plus de 45 000 martyrs », les essais nucléaires dans le sud du pays, les millions de mines antipersonnel tout au long des frontières avec le Maroc à l’ouest et à la Tunisie à l’est, le massacre du 17 octobre 1961 à Paris,…. Le mois dernier, dans une déclaration à la presse, en marge de la clôture d’une journée d’étude organisée par l’APN sur le thème des « Explosions nucléaires françaises en Algérie : un crime contre l’humanité et l’environnement », Brahim Boughali avait annoncé que l’Assemblée procédera à l’ouverture du dossier de la criminalisation du colonialisme français en Algérie, en réponse à la revendication populaire en Algérie.
Ce dossier « suivra son cours », avait-il ajouté en affirmant que l’Assemblée « plaidera pour la défense des chouhada et des droits des victimes des explosions nucléaires ». Il avait expliqué qu’il s’agit d’ »une responsabilité qui nous incombe et que nous devons assumer, et nous n’abandonnerons jamais nos engagements envers notre peuple, nos chouhadas et toutes les victimes qui souffrent encore aujourd’hui ». A propos des explosions nucléaires françaises en Algérie, le président de l’APN avait souligné qu’elles sont « un crime imprescriptible notamment avec la persistance de leurs effets sur la santé, en raison des radiations présentes sur les sites où elles ont eu lieu ». Il avait insisté sur « l’importance de rectifier les termes liés à ces crimes (explosions au lieu d’essais) », soulignant qu’il incombe à l’APN « une grande responsabilité du point de vue de la préservation de la dignité des chouhada et des victimes ». Le président de l’APN avait réaffirmé que son instance parlementaire tend à plaider en faveur de la nécessité de « contraindre la partie française à reconnaître ses crimes, à indemniser les victimes et à nettoyer les sites des explosions ». L’idée d’un projet de loi criminalisant le colonialisme n’est pas nouvelle, elle avait été lancée il y a plusieurs années mais le dossier était resté dans les tiroirs. Ce dossier ressort à la faveur de la volonté exprimée par le président Abdelmadjid Tebboune de faire de la question de la Mémoire une priorité pour l’Algérie.
M’hamed Rebah