Invitée hier au Forum du quotidien « Echaab », la professeur et experte en droit constitutionnel, Fatiha Benabou, a livré son analyse sur les prochaines élections législatives de 12 juin, estimant qu’elles représentent le moyen idéal pour traduire la volonté du peuple. « Le peuple ne peut exercer sa souveraineté sans mécanismes », a-t-elle plaidé d’emblée. Selon elle, le peuple, selon les articles 7 et 8 de la Constitution, exerce son pouvoir par des élections et des référendums, invitant les forces vives du Hirak à s’organiser et à se structurer en vue de ces joutes électorales. Sur un autre registre, Mme Benabou a donné des remarques à propos des interrogations sur l’éventualité d’une prochaine annonce par le chef de l’État de l’organisation des élections locales anticipées. Un débat suscité par l’article 315 du décret présidentiel publié au Journal officiel n°17 du 10 mars, introduite dans le projet d’ordonnance portant régime électoral, promulgué la semaine dernière. Un article que d’aucuns estiment qu’il ouvre la voie à la dissolution des Assemblées communales et de wilayas, après la dissolution de l’Assemblée populaire nationale. Pour Mme Benabou, « il n’y a pas d’articles dans la Constitution qui autorisent le président de la République à dissoudre les Assemblées populaires communales. Le Président peut seulement dissoudre une APC, trois, voire 20 à cause du blocage », a-t-elle fait remarquer, précisant que la loi algérienne ne prévoit pas la dissolution des 1 541 communes que compte le pays. « Cela ne s’est produit qu’une seule fois en 1992. À l’époque, le Haut Comité d’Etat (HCE) a, en vertu de la loi portant état d’urgence, dissout les Assemblées communales car il y a eu un conflit entre le fronton républicain des communes et les communes islamistes du FIS », a-t-elle rappelé. La constitutionnaliste a fait observer aussi la dissolution d’un certain nombre d’APC en Kabylie en 2005, une dissolution due aux blocages dans ces collectivités, a-t-elle noté. Le recours à ces mesures de dissolution a été dicté, a-t-elle expliqué, en vertu de l’article 46 du code communal qui a énuméré les conditions permettant aux autorités de dissoudre une Assemblée où un groupe d’Assemblées, mais pas la totalité des APC du pays. Selon Fatiha Benabou, les dispositions de la dissolution des APC s’appliquent dans les cas suivants : violation de dispositions constitutionnelles, annulation de l’élection de tous les membres de l’Assemblée, démission collective des membres de l’Assemblée. Parmi les cas éligibles à l’application des procédures de la dissolution des APC figure aussi le fait lorsque le maintien de l’Assemblée est source de dysfonctionnements graves, dûment constatés, dans la gestion communale ou de nature à porter atteinte aux intérêts et à la quiétude du citoyen.
« Le phénomène de l’abstention n’est pas propre à l’Algérie »
Mme Benabbou a estimé que la convocation par le président de la République du corps électoral en vue de l’organisation des élections législatives du 12 juin est conforme à la Constitution et respecte les délais légaux fixés de 3 mois, ajoutant que le décret présidentiel sera effectif dès approbation du Conseil constitutionnel. Interrogée sur l’absence dans le projet d’ordonnance portant régime électoral de toute mention claire de combiner les élections législatives et locales à la même date, la constitutionnaliste a expliqué qu’il n’y a pas urgence ou des raisons exceptionnelles qui imposeraient un tel choix. S’agissant de la crainte du spectre d’une abstention électorale, notamment que les législatives souffrent d’une faible adhésion des électeurs, la constitutionnaliste a fait savoir que le phénomène de l’abstention électorale est devenu planétaire et n’est pas une spécificité à l’Algérie. La faible adhésion des votants est constatée même dans les pays démocratiques, a souligné Fatiha Benabbou, notamment en raison de la montée des partis d’extrême droite derrière lesquels se tiennent les lobbies de l’argent et des médias. Quant au cas de l’Algérie, le phénomène électoral est dû aux « grands échecs dans lesquels les partis qui étaient au pouvoir à une époque ont été impliqués », a-t-elle diagnostiqué. Sur ce, Mme Benabbou a mis en cause les pratiques des partis politiques qui ont soutenu pendant deux décennies l’ancien président Bouteflika, qui ont mis leurs intérêts personnels et partisans aux dessus de ceux du peuple. « la meilleure façon de répondre à ces partis et de les empêcher de reprendre le pouvoir est que les vrais partis jouent leur rôle de voisinage et convainquent l’électeur de leurs programmes par une action directe, en contactant l’électeur et l’avertissant de ne pas laisser sa voix vide », a-t-elle indiqué. En disant cela, Benabbou tient à préciser qu’elle ne plaide pas pour l’exclusion des partis de l’ancienne alliance présidentielle des prochaines élections, affirmant qu’il est nécessaire de laisser la parole au peuple pour les juger à travers des élections libres et transparentes.
Hamid Mecheri