Accueil ACTUALITÉ 8e réunion des pays voisins de la Libye : rien de concret

8e réunion des pays voisins de la Libye : rien de concret

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Les pays voisins de la Libye se sont réunis, hier, dans la capitale tunisienne. Depuis le début de la crise libyenne, c’est la huitième fois qu’ils le font. Pour rappel, ce cadre a été institué, à l’initiative de l’Algérie, en mai 2014. Et ce, en marge de la conférence ministérielle du Mouvement des non-alignés qui s’était tenue, alors à Alger.

Pour les participants à sa première réunion, l’objectif était, pour reprendre les déclarations faites à son ouverture par notre ministre des Affaires étrangères, Ramtane Lamamra, de «trouver les voies et moyens pouvant établir un dialogue entre les parties (libyennes) afin d’arrêter l’effusion de sang des Libyens, d’assurer le consensus national, de consolider les institutions de l’état et de préserver sa souveraineté et son intégrité territoriale loin de toute ingérence étrangère». Un objectif, faut-il le préciser, qui est loin d’être atteint. Malgré les multiples réunions du genre qui se sont tenues entre-temps ; la situation d’ensemble en Libye n’ayant pas cessé de se compliquer et celle sécuritaire, de se dégrader. C’est à la résolution de cette difficile équation que les ministres des Affaires étrangères de l’Algérie, de la Tunisie, de l’égypte, du Soudan, du Tchad, du Niger et du Mali se sont attelés hier. Non pas seuls mais avec la contribution du représentant spécial du Secrétaire général de l’ONU, l’Allemand Martin Kobler, du Secrétaire général (sortant) de la Ligue arabe, l’égyptien Nabil Al Arabi, et des représentants de l’Union africaine et de l’Union européenne. Avec, selon les dernières informations en provenance de la capitale tunisienne traitant de ce sujet, aussi peu de résultats concrets susceptibles de débloquer l’imbroglio libyen que lors des réunions précédentes : les voisins de la Libye s’étant, selon les mêmes sources, contentés de réaffirmer « leur disponibilité à présenter tous les soutiens nécessaires au Conseil présidentiel libyen » – pour rappel, une instance exécutive mise en place par les Accords de Skhirat, signés en avril 2015 par les représentants des deux parlements rivaux libyens – ; et le président de cette instance, Fayaz El-Serradj, d’appeler « à une mobilisation internationale pour combattre le terrorisme ». Ce qui, pour nombre d’observateurs avisés de la scène libyenne, était parfaitement prévisible tant la situation en Libye paraît aujourd’hui inextricable. Une inextricabilité qui prêterait à rire n’était-ce le tragique de ses conséquences sur le peuple libyen et les sérieuses menaces qu’elle fait peser sur la stabilité et le devenir, surtout, des pays de son voisinage. Deux Parlements antagoniques, trois gouvernements – le troisième que dirige le président susmentionné du Conseil présidentiel libyen, censé remplacer les deux autres rivaux existants et présenter comme étant d’union nationale, a été formé le 16 du mois en cours – et une multitude de milices fortement armées qui passent leur temps à se « faire la guerre », est, en effet, une situation qui n’a pas facilité la tâche aux participants à la réunion d’hier. Et ce, d’autant plus que celle-ci, à l’évidence, ne relève nullement du fortuit. Pour les mêmes observateurs, l’imbroglio libyen est, en effet, savamment entretenu par ceux qui œuvrent à la reconfiguration de la carte politique de l’aire arabo-sahélienne ; une reconfiguration qui, faut-il le rappeler, va dans le sens de la préservation et de la pérennité de leur domination sur ce vaste espace à cheval sur les continents africain et asiatique et, de ce fait, à l’importance géostratégique avérée, et de leur mainmise sur les immenses richesses qu’il recèle. Des objectifs pernicieux auxquels tentent de s’opposer l’Algérie par son plaidoyer constant pour une solution politique et négociée de tous les conflits et crises qui embrasent l’aire arabo-sahélienne. Un plaidoyer que le ministre des Affaires maghrébines, de l’Union africaine et de la Ligue arabe, Abdelkader Messahel, a, de nouveau, défendu hier à Tunis pour le cas libyen. Et que la Tunisie semble avoir fait sien. Et qui les place quasiment en porte-à-faux avec l’approche occidentale (à propos de la situation chez notre voisin du sud-est). Prenant prétexte sur le danger de la présence de Daech sur le territoire, certains pays européens, dont la France, « privilégient, selon Sofiane Sakhri, professeur à l’université d’Alger et spécialiste des Relations internationalistes, l’approche sécuritaire ». Sauf que ce penchant pour le choix sécuritaire, que confirment d’ailleurs les menaces qu’ils ne cessent de proférer d’y intervenir militairement, ne vise pas, selon notre interlocuteur, « à un quelconque apaisement de la situation y prévalant mais plutôt s’inscrit dans les plans occidentaux visant à son démembrement ». Des plans qui ont, avec ce nouvel « échec » des pays du voisinage libyen à aller au-delà des discours lénifiants de circonstance, toutes les chances de se concrétiser. Surtout que la position de certains pays de ce voisinage demeure trouble. C’est le cas de l’égypte et du Soudan qui ont la particularité d’avoir présentement des relations très étroites avec le royaume des Al Saoud ; lequel apparaît, de plus en plus nettement, comme un des pays-relais de l’application de la stratégie occidentale de reconfiguration de la carte politique de l’espace arabo-sahélien. Cette étroitesse des liens entre l’Arabie saoudite et les deux pays du Nil est confirmée, on ne peut mieux, par l’implication de ces derniers dans toutes les actions scabreuses initiées par le premier ; les plus patentes étant leur participation à la coalition armée contre le Yémen et leur appui à la proposition des pays du Golfe classant le Hezbollah libanais comme organisation terroriste. De là à dire que ces deux pays ne sont pas étrangers à cet énième échec du groupe des pays voisins de la Libye, est un pas que nombre d’observateurs ont déjà franchi. Toute la question est de savoir en contrepartie de quoi ils agissent ainsi. Surtout que tout démembrement de la Libye ne sera pas sans conséquences sur son voisinage…
Mourad Bendris

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