Le ministre du Travail, de l’Emploi et de la Sécurité sociale, Mourad Zemali a évoqué, depuis Skikda, le cas de la Caisse nationale des retraites (CNR) faisant un démenti formel face aux allégations surmédiatisées dans les réseaux sociaux selon lesquelles cette institution serait en situation de faillite.
Pour M. Zemali la réalité est que la CNR se trouve en situation de «déséquilibre financier » sous l’effet de diverses causes et fait face à un déficit d’environ 50 %. Dans ce contexte le ministre du Travail, de l’Emploi et de la Sécurité sociale a fait savoir que l’État algérien est intervenu courant 2018 pour pallier à ce déséquilibre via l’affectation d’environ 500 milliards DA pour résorber ce déficit, rappelant dans la foulée les grands efforts déployés au niveau du système de sécurité sociale pour trouver d’autres mécanismes de financement de cette caisse. Il importe de rappeler que La Caisse nationale des retraites se trouve depuis plusieurs années face à d’énormes difficultés financières qui menacent sérieusement sa pérennité. Certains vont jusqu’à dire que si la situation financière actuelle de la CNR perdure en l’absence d’une réforme profonde, celle-ci ira, à brève échéance, vers la faillite, pour le moment le recours à la solidarité des quatre autres caisses (CNAS, la CASNOS, la Cacobatph et la CNAC) permet à l’institution de faire face à ses obligations.
L’avis le plus partagé au sein de la population reste que les causes réelles du déséquilibre du système de retraite se situent au niveau du faible emploi, du poids important de l’emploi informel, de l’évasion sociale, des importantes exonérations et abattements accordés aux entreprises qui viennent se greffer aux sous-déclarations des salaires. De fait, le déficit qui frappe la CNR de manière récurrente n’est ni structurel ni lié à l’âge de départ ni au niveau des pensions, il n’est pas dû non plus à la retraite proportionnelle et encore moins à la retraite sans condition d’âge, il s’agit tout simplement d’un problème purement politique.
Les difficultés auxquelles bute la Caisse renvoient au manque d’emploi permanent et leur précarité. Il tient aussi à l’importance du marché informel (54%). Dans ce contexte il devient utile de signaler l’urgence pour l’état de mobiliser et exploiter le formidable gisement des recettes de cotisations.
L’évasion sociale, le marché informel et le chômage pénalisent l’équilibre de la CNR
Afin de situer l’ampleur de l’évasion sociale qui a fini par atteindre 500 Mds DA, il y a lieu de rappeler que rien que pour l’année 2015 la masse salariale nationale frôlait la barre des 4670 milliards DA, alors que les recettes potentielles des caisses de la sécurité sociale calculées sur la base du taux réglementaire étaient de l’ordre de 1650 milliards DA dont 850 revenant à la CNR.
L’évasion sociale concerne les trois quarts des travailleurs salariés du secteur privé non déclarés par leurs employeurs qui s’ajoutent aux trois quarts des travailleurs non salariés qui ne sont pas affiliés. Par ailleurs et en sus des non-déclarations s’ajoutent les sous-déclarations des salaires ainsi que le non-recouvrement des créances dues à la sécurité sociale
En réalité, le taux de chômage officiel de 11% est fortement déformé incluant les sureffectifs tant des administrations que des entreprises publiques, des emplois temporaires fictifs et les emplois dans la sphère informelle. Paradoxalement, du fait de l’allocation sectorielle d’investissement via la dépense publique, fortement tordue privilégiant les emplois à très faibles qualifications comme le BTPH (70% de la dépense publique), les diplômés ont plus de chance d’être chômeurs expliquant le faible taux de croissance et de productivité. Il faudra créer entre 300 000/400 000 postes de travail par an entre 2017-2020, qui s’ajoutent au taux actuel du chômage, sous-estimé du fait de la pression démographique, de l’entrée sur le marché du travail de la population féminine sous-estimée dans les statistiques, afin de résoudre le lancinant problème du chômage, l’inflation et le chômage que l’on apaise fictivement par le canal de la rente des hydrocarbures sont les conséquences des incohérences des politiques socioéconomiques.
Zacharie S Loutari