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Trump, Clinton : le juge de paix du Wisconsin

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Ce n’est pas l’État le plus peuplé des États-Unis, ni celui qui rapporte le plus de délégués aux primaires. Pourtant, il peut créer la surprise.

Tous les directeurs de campagne vous le diront : il faut se méfier du Wisconsin qui, depuis la Seconde Guerre mondiale, n’a cessé de changer de camp. Cet état, le vingtième des États-Unis par la taille, a, en effet, souvent pesé sur la vie politique et le sort des présidentielles par des prises de position inattendues. Comme celle de voter contre Roosevelt en 1944, ou de choisir Reagan en 1984, ou encore de désigner un flamboyant gouverneur républicain, Scott Walker, en 2011, alors que le Wisconsin, assez prospère en agriculture, mais industriellement sinistré, est considéré comme un État démocrate.
Au point qu’à la veille des primaires de 2016, Donald Trump comme Hillary Clinton y ont multiplié les réunions, les interviews, les apparitions surprises, de Milwaukee à Madison. Avec des objectifs différents : l’ancienne secrétaire d’État pour améliorer son image de plus en plus décriée. Le magnat de l’immobilier new-yorkais pour gonfler sa cagnotte de délégués.

Hillary Clinton bien partie
Hillary Clinton, sauf accident majeur, est bien partie pour dépasser les 2 383 délégués nécessaires pour être désignée comme candidate du Parti démocrate. Si en cas de duel avec Donald Trump, les sondages lui sont pour l’instant favorables, elle a pourtant des raisons de s’inquiéter de la dégradation de son image, qui se poursuit inexorablement dans l’ensemble de l’opinion américaine, malgré ses succès dans les primaires auprès des électeurs inscrits au Parti démocrate.
L’ancienne Première dame fait certes des efforts pour paraître plus à l’écoute des gens et même montrer une empathie qui n’est pas dans sa nature. Son image d’indifférence lui colle pourtant à la peau. Elle doit de plus assumer ce paradoxe, qui tient du grand écart, d’être perçue à la fois comme la candidate de Wall Street et celle de la communauté noire. Elle ne se cache guère de recevoir des donations importantes de super-PAC financées par les milieux d’affaires, mais elle devrait, par ailleurs, obtenir 80 % des votes des Noirs, alors qu’elle a 10 points de retard dans l’électorat blanc, et même plus de 24 points chez les Blancs sans diplôme. Si dans le Wisconsin, composé de 86 % de Blancs et moins de 7 % de Noirs, Hillary Clinton ne parvient pas à l’emporter sur Bernie Sanders, et surtout si l’écart entre le
« socialiste » et l’ancienne secrétaire d’État est important à son détriment, cela confirmera le désaveu de l’Amérique blanche, moyenne et plutôt progressiste pour celle qui est trop marquée par son appartenance à la classe politique arrogante et friquée de Washington.

Les outrances de Trump
L’une des bizarreries de cette campagne, décidément atypique, est que le milliardaire Donald Trump n’a pas dans l’opinion la même image de candidat représentant les puissances de l’argent. Il a même jusqu’ici réussi à démontrer qu’il était moins tributaire du big business que ses concurrents, puisqu’il a proportionnellement peu fait appel à des donateurs. Son problème, lui, est ailleurs : dans ses outrances, ses dérapages, sa crédibilité pour diriger le pays. À la veille du vote dans le Wisconsin, il s’est d’ailleurs surpassé en quelques jours : en déclarant que les femmes qui acceptaient un avortement méritaient d’être punies, en défendant son directeur de campagne qui avait molesté une journaliste, en insinuant que l’épouse de son adversaire, Ted Cruz, n’avait pas la conduite d’une femme honnête et en se demandant, par ailleurs, pourquoi on continuait à fabriquer des bombes nucléaires pour ne jamais s’en servir…
Pour lui aussi, le Wisconsin sera un juge de paix. S’il est en avance sur ses deux adversaires, Ted Cruz et John Kasich, il lui manque encore 501 délégués pour atteindre le seuil de 1 237 qui lui permettrait d’être choisi sans contestation. Or, l’élection de mardi est sans doute le test le plus difficile pour sa crédibilité non pas à gagner, mais à représenter l’ensemble du Parti républicain dans l’élection du 8 novembre. Tous les élus locaux du parti, dans le Wisconsin, à commencer par le gouverneur Scott Walker et le leader de la Chambre des représentants, Paul Ryan, originaire de Janesville, ont pris position contre lui. « Le Wisconsin ne peut à lui seul empêcher Donald Trump d’atteindre le chiffre magique, mais il peut rendre cette tâche un peu plus difficile. Et si nous sommes le signe avant-coureur des États qui voteront plus tard, il peut rendre cette tâche infiniment plus difficile », déclare Charles Franklin, directeur des sondages de l’université Marquette. Aux derniers pointages, Cruz avait 10 points d’avance sur Trump dans le Wisconsin. Si ces chiffres se confirmaient, il faudrait au milliardaire new-yorkais gagner près de 60 % de la totalité des délégués à désigner d’ici la fin des primaires pour éviter une convention où tout serait à refaire.

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