Sa carrière prolifique n’avait pas forcément besoin d’un nouvel épilogue, mais l’album posthume de Leonard Cohen, Thanks for the Dance, offre à ses millions de fans une chance supplémentaire de savourer ses mélodies, doux mélange d’humour et de méditation. Trois semaines à peine avant sa mort en novembre 2016, à 82 ans, le chanteur et poète canadien sortait son album You want it darker, une oeuvre émouvante dont les paroles évoquaient ses réflexions sur la mort, la spiritualité, et sa place dans l’univers.
Si beaucoup y ont vu le dernier souffle d’une carrière singulière, Cohen n’avait pas tout dit, et les morceaux inachevés qu’il a composés ensuite vont désormais pouvoir rejoindre son vaste catalogue. C’est en faisant le deuil de son père que son fils Adam, 47 ans, lui aussi musicien, dit s’être convaincu qu’il devait rendre justice à ces enregistrements, marqués par la voix de baryton et l’humour noir qui étaient la marque de fabrique de Leonard Cohen.
Il a réuni plusieurs grands musiciens comme le guitariste espagnol Javier Mas, Daniel Lanois et Jennifer Warnes – une de ses anciennes flammes – pour composer ces neuf chansons qui, à l’image de Happens to the heart, en ouverture de l’opus, qui reflètent son goût pour la méditation et l’exploration de l’âme.
Dans Moving On – un hommage à Marianne Ihlen, sa grande histoire d’amour et inspiration du grand classique So Long, Marianne morte quelques mois avant Leonard Cohen – il revient sur son errance amoureuse, un thème récurrent chez lui. «Qui a brisé le coeur, qui l’a remis à neuf? Qui est passé à autre chose? Qui se moque de qui?» murmure-t-il, des vers écrits après avoir appris la mort de Marianne Ihlen, selon son fils Adam. «Il n’essayait pas d’être dans la nostalgie, comme tant de ses contemporains», déclarait récemment Adam Cohen au New York Times. «Il ne regardait pas en arrière. Il me disait: »Je prends la vie intérieure très au sérieux »». «Je crois que c’est pour ça que sa musique résonne si profondément en nous. Il ne jouait pas.
C’était une quête spirituelle, une introspection permanente.» Dans Puppets (Marionnettes), Leonard Cohen commente aussi à sa façon l’état du monde. Des «marionnettes allemandes ont brûlé les juifs», chante-t-il, avant d’ajouter «Des présidents marionnettes commandent/ Des militaires marionnettes brûlent la terre».
Derrière l’introspection, l’humour est toujours là. Dans The Night of Santiago, il sourit de son rapport au désir, «J’ai oublié la moitié de ma vie, mais ça je m’en souviens». Lors de sa dernière apparition en public, pour promouvoir son album You Want It Darker, Leonard Cohen, malade, avait donné à des journalistes de Los Angeles un aperçu des vers qu’il composait encore.
«Si Dieu le veut», ajoutait-il, ils figureraient dans son prochain album. Un voeu devenu réalité: le dernier morceau de cet album posthume se termine sur un extrait de cette conférence de presse, où Cohen lisait: «Écoutez l’oiseau moqueur/ Dont vous ne voyez pas les ailes/ Écoutez l’oiseau moqueur/ Ne m’écoutez pas.»