Le metteur en scène Rachid Maameria a présenté mardi soir au Théâtre Régional de Bejaïa la générale de sa dernière pièce, intitulée « Karib fi-el-Ghaba » (Une barque en forêt), une comédie satirique, inspirée d’un conte Bulgare mais montée entièrement à la sauce nationale, avec ses répliques populaires et son humour décapant. Maameria, y a revisité avec un regard singulier et une ironie, à la limite de la farce, l’histoire d’un couple de quasi-marginaux, (Essaidi et Ferroudja) que tout oppose mais qui à force de confrontations, conflits et déchirement finissent par s’unir et vivre ensemble. L’un garde forestier, représentant de la loi, misogyne, qui a choisi son métier, pour échapper aux conventions sociales, l’autre, une femme éplorée, qui a conçu un enfant hors mariage, et qui ne rêve que de se faire la malle, vers une destination inconnue mais loin de son environnement. Les deux compères se croisent par hasard en forêt, coupés du monde sans horizon, passant leur temps à ergoter sur le bien et le mal, le juste et l’inique, sans se rendre compte, de leur réclusion dans cet espace qui pourtant transpire la paix et suscite l’extase. Tous leur rapport sont sujets à tension, s’enveniment de la moindre altercation et finissent en des paroles blessantes. La pièce se déroule comme un roman, ou à chaque pétarade succèdent des mots et des moments de répit, d’admiration mutuelle et de flagornerie, signe d’un amour naissant qui a finit par renforcer les liens qui les unit. Divisés, à l’origine, sur la construction d’une barque que Ferroudja a conçu pour fuir, moyennant le vol du bois de la forêt et auquel Essaidi s’y étaient farouchement opposé en tant que gardien des lieux, les deux antagonistes en arrivent communément à l’idée de prendre le large et de finir ensemble leur vie. Des moments poignants de douceur, magnifiés par le jeu des comédiens, Rachid Maameria et Djohra Soussou, tout à fait admirable. Livrée, dans un emballage fort humoristique, la pièce croque en fait une multitude de tares sociales et politiques, en alternant la légèreté et la profondeur. Tout y passe en effet, allant de prosaïques minauderies au transit de la drogue dans les forêts. « Ce n’est pas une pièce politique mais une œuvre de divertissement.
Son but est d’éveiller les consciences sur les problèmes de société et d’aider à la reconstruction du bateau Algérie » a confié l’auteur de la pièce, qui ne dédaigne pas de revoir la scénographie de la pièce pour mieux l’alléger. La pièce sera livrée au grand public en début du mois d’octobre à Médéa à l’occasion du festival du rire qui y est prévu.