L’émissaire de l’ONU au Soudan, l’Allemand Volker Perthes, a été déclaré persona non grata par le gouvernement soudanais, qui l’accuse d’avoir une responsabilité dans la guerre, où des affrontements se poursuivent vendredi aux abords du plus important complexe militaire du pays.
« Le gouvernement de la République du Soudan a notifié au secrétaire général des Nations unies qu’il a déclaré M. Volker Perthes (…) persona non grata à compter d’aujourd’hui », a annoncé jeudi dans un communiqué le ministère soudanais des Affaires étrangères. Cette décision a été prise « parce que (M. Perthes) a pris position pour certains partis politiques et insisté que la vie politique n’inclue que certains partis et en exclue d’autres », explique à l’AFP une source gouvernementale sous le couvert de l’anonymat. Le gouvernement « avait demandé aux Nations unies » que M. Perthes « soit remplacé » et face à leur refus, « n’avait pas d’autre choix que de prendre cette décision », assure cette source. Fin mai, dans une lettre au secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres, le chef de l’armée soudanaise, le général Abdel Fattah al-Burhane, avait réclamé le limogeage du diplomate, l’accusant d’être responsable de la guerre qui a éclaté le 15 avril entre ses troupes et les paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR) du général Mohamed Hamdane Daglo. M. Perthes –qui est jeudi à Addis Abeba, en Ethiopie, pour une série d’entretiens diplomatiques, selon l’ONU– avait alors reçu la « confiance absolue » de M. Guterres, ainsi que de plusieurs pays du Conseil de sécurité des Nations unies. Les combats ont éclaté le jour où les deux généraux rivaux devaient se retrouver pour des négociations visant à intégrer les FSR à l’armée régulière, comme le réclamait l’ONU depuis des semaines. Le diplomate onusien avait admis avoir été « pris par surprise » lorsqu’a éclaté la guerre, qui a fait plus de 1.800 morts, selon l’organisation ACLED, spécialisée dans la collecte d’informations dans les zones de conflit, et deux millions de déplacés et réfugiés selon l’ONU.
Combats
Sur le terrain, les affrontements se poursuivent vendredi entre militaires et paramilitaires aux abords du plus important complexe militaire du Soudan, l’usine Yarmouk à Khartoum, ont rapporté des témoins à l’AFP. Dans la nuit de mercredi à jeudi, des témoins ont fait état d’un énorme bruit et du déclenchement d’un incendie après l’explosion d’un des réservoirs de l’installation pétrolière d’Al-Shajara, près du site de Yarmouk. Les combats y durent depuis plus de 48 heures, affirment les témoins. Mercredi, les FSR avaient annoncé dans un communiqué « une nouvelle victoire avec la prise du complexe de Yarmouk et de ses dépôts de munitions », assurant que les soldats de l’armée étaient en déroute, abandonnant derrière eux « des quantités de matériel et de véhicules militaires ».
Visibles à plus de 10 km, des colonnes de fumée s’élèvent dans le ciel de la capitale. Les quartiers de l’est ont été frappés vendredi par des bombardements aériens, selon des habitants qui disent entendre régulièrement le bruit sourd des canons antiaériens.
Pris au piège de la guerre, 300 enfants, « certains très affaiblis » par les privations, ont été évacués mercredi d’un orphelinat à Khartoum après la mort d’autres pensionnaires dans cet établissement, a annoncé jeudi à l’AFP une porte-parole du Comité international de la Croix-Rouge (CICR), Alyona Synenko.
Blinken à Ryad
Alors que la situation humanitaire empire de jour en jour, les pourparlers entre parties belligérantes –menés sous l’égide des Etats-Unis et de l’Arabie saoudite– sont au point mort depuis la décision de l’armée de quitter fin mai la table des négociations.
Les Américains et Saoudiens, qui jouent un rôle de premier plan pour trouver une issue au conflit, peinent depuis à relancer le processus. En visite mercredi à Ryad –où il a rencontré ses homologues des pays du Golfe– le chef de la diplomatie américaine Antony Blinken a assuré que Washington et Ryad avaient à coeur de « poursuivre leur solide coopération et de mettre fin aux combats au Soudan. » Les trêves régulières conclues entre l’armée et les FSR n’ont jamais été respectées, parfois violées dès la première minute de leur entrée en vigueur.