Le Conseil de l’Ordre des médecins et l’Observatoire de la société civile (ONSC) ont organisé, jeudi dernier, une rencontre sur la « Déontologie juridique et médicale dans le cadre du secret médical ». Un thème qui arrive à brûle-pourpoint avec ce qui est arrivé à Mme Saâda Arbane qui était la patiente de la psychiatre, Aïcha Dahdouh, pendant des années. Mme Arbane a décidé de poursuivre en justice sa psychiatre qui, selon elle, a violé son droit au secret médical. Elle appuie sa plainte en joignant le livre écrit par l’époux de la psychiatre, Kamel Daoud. Elle est persuadée que l’histoire du personnage central du livre est en réalité son propre vécu. Sa psychiatre aurait transmis à son mari toute l’histoire de sa patiente. Le dossier médical faisant foi. Cette affaire a fait grand bruit d’autant que le livre en question a reçu le prix français Goncourt qui ne peut être attribué qu’à des productions littéraires de fiction. C’est-à-dire d’une trame sortie de l’imagination de l’auteur. Ce que conteste Mme Arbane avec pour preuve beaucoup de faits prouvés et vérifiés. La justice tranchera.
En attendant, les professionnels de la santé et les associations qui se sont rencontrés sur ce thème jeudi dernier ont mis en lumière les dispositions civiles, pénales et administratives relatives au secret médical. Il se trouve que le Dr Bouchâar A., maitre-assistante en médecine légale droit médical et éthique du service de médecine légale du CHU d’Oran avait, bien avant que n’éclate cette affaire, fait un travail remarquable sur le secret médical. On y apprend que « le secret médical est un droit du malade ». Ensuite que le code de déontologie médicale algérienne (CDDMA) dans son chapitre II (art.36 à 41) concernant le secret professionnel prévoit, entre autres, que « Le secret médical s’impose à tout médecin…(il) couvre tout ce que le médecin a vu, compris, et entendu ou lui a été confié… Le médecin doit (le) faire respecter… par les auxiliaires… ». (Loi sanitaire du 02 Juillet 2018, promulguée le 29 Juillet 2018 dans le journal officiel N°46 de l’année 2018). Ceci sur le plan professionnel. Le Dr. Bouchâar aborde également l’aspect pénal de la violation du secret médical qui est prévu à l’article 301 et qui précise que « la peine est un emprisonnement d’un à six mois». Intervenant au cours de la réunion, le président de l’Ordre des médecins, Dr Mohamed Bekkat Berkani, a souligné « le devoir qui incombe au médecin de préserver le secret professionnel… ». De son côté, le président de l’ONSC, Nouredine Benbraham, a estimé qu’il était important de « renforcer le cadre juridique et réglementaire relatif à la déontologie médicale ».
Ceci dit, il est curieux de constater l’absence de réaction des organisateurs du Goncourt. Ils n’ont même pas invité Mme Arbane à s’expliquer. Cette femme à qui l’auteur d’un livre, primé par le Goncourt, a infligé la double peine. De plus, cela permet, éventuellement, d’écarter l’idée d’avoir primé une œuvre biographique. Sauf si la crainte de la vérité est tétanisante !
Zouhir Mebarki